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France - 30 novembre 2011
Par Badia Benjelloun
L’actuel Président de la République française avait confié dès l’été 2007 l‘élaboration du troisième Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité Intérieure à une commission qui a procédé à une large consultation de personnalités militaires et civiles françaises et même étrangères. Il a défini la stratégie globale militaire pour 2009-2020. Le rapport conclut à une réduction des forces d’intervention et de projection, amputant de près de 55.000 hommes les armées et confondant en une seule entité la Sécurité intérieure et extérieure. Il privilégie l’action du renseignement. La priorité est donnée au développement des satellites-espion selon la doctrine de la prévention et de l’anticipation des crises.
Le président syrien Shukri al-Quwatli (à droite) au Palais présidentiel de Damas en 1945 avec le colonel français Olivia-Roget (de face), qui a ordonné le bombardement de la ville le 29 mai 1945 (photo Syrian History)
Après avoir réduit le format de ses armées, la France a réintégré en position affaiblie le haut commandement militaire de l’OTAN. Un nouvel échelon de coordination entre les services de renseignement, le Conseil national de renseignement est mis en place, il est placé sous l’autorité directe de la Présidence de la République, point d’entrée et de sortie des stratégies du renseignement intérieur et extérieur et de défense.
La France dispose depuis 2008 d’une base militaire à Abu Dhabi, dégarnissant d'au moins 500 hommes la base de Djibouti, selon un accord de coopération militaire passé avec les Émirats arabes unis du Golfe.
Elle est intervenue depuis en Afghanistan sous les ordres de l’OTAN et en Libye au sein d’une coalition où elle a pris la prééminence militaire et médiatique.
Dans ces deux cas, la sécurité de la France n’était pas compromise.
Dans ces deux cas, les allégations avancées pour justifier la projection de forces ne dissimulent pas une inflexion de la politique française passée ouvertement d’une position de « puissance d’équilibre diplomatique » à celle d’une puissance militaire.
Dans les deux cas, le renseignement pour anticipation et décision n’a fait montre d’aucune utilité.
Le ministre des Affaires étrangères françaises, l’officiel cette fois, déclare qu’il lui semble nécessaire d’ouvrir des corridors humanitaires dans un pays où la situation reste floue. Assez vite, les mouvements de contestation sociale plus que légitimes dans une République héréditaire où le pouvoir est concentré entre les mains d’un parti autrefois progressiste, assurant encore gratuité de l’enseignement et des soins par exemple, mais figé et corrompu, sont apparus comme des engagements armés contre les forces de l’ordre.
Les zones de combat sont limitrophes des frontières perméables au passage des armes avec la Jordanie d’abord, puis le Liban et maintenant la Turquie.
Les Nations Unies avancent le chiffre de 3.500 victimes de la répression du régime baathiste depuis 8 mois tandis que les forces loyalistes à Bashar Al Assad en dénombrent 1100 parmi les leurs.
La coordinatrice du Bureau aux affaires humanitaires de l’ONU, une Britannique, n’est pas de l’avis de M. Juppé, son évaluation de la crise humanitaire en Syrie n’implique pas sa résolution avec de tels mécanismes.
Le bloc occidental ne présente donc pas de front uni alors que la France s’affiche comme étant prête pour une ingérence en Syrie.
Une bonne partie du contrat de N. Sarkozy a bien été remplie.
Affaiblir militairement la France, projet en cours, et impulser une nouvelle politique arabe, chose déjà réalisée au travers du gage donné par la destruction de la Libye, émiettement politique au profit paradoxal de l’Ennemi déclaré Total dans le fameux Livre Blanc de la Défense, le terrorisme islamique sous le nom d’Al Qaida.
Pour faire bonne mesure, les contrats de BTP et le rafistolage pétrolier en faveur de Total sont présentés comme de piteux mots d’excuse par le cancre en déficit public qui a aggravé de 500 milliards d’euros la dette du pays depuis son arrivée au pouvoir. À noter que les conseillers fiscaux et les comptables créatifs de la transnationale font que Total a payé en 2010 zéro euro d’impôts au Trésor français en 2010.
M. Juppé, c’est une requête qui vous est formulée.
Peut-être allez-vous, malgré la fermeté de la Russie qui a pris position avec deux ou trois de ses navires de guerre à Tartous, attaquer la Syrie.
Les gesticulations de la Ligue Arabe, inefficaces quant à l’objet de son existence même, la libération de la Palestine occupée, ont déjà servi à cautionner l’aventure pittoresque de l’Homme Blanc à la chemise blanche. Allez-vous encore une fois vous appuyer sur les fonds du Qatar pour tenter d’intoxiquer l’opinion arabe parvenue à une maturité qui en exaspère plus d’un et plonger la France dans un nouveau crime ? Ni le Liban ni l’Irak ne souhaite une zone de turbulences à leur porte, installée grâce à un mandat séoudien.
La Turquie amorce un recul diplomatique et affirme, une fois passée une griserie néo-ottomane, ne pas vouloir intervenir militairement chez son voisin.
Il est un quartier de la vieille ville de Damas, cité prospère avec un rayonnement commercial marquée dans l’histoire de l’humanité depuis près de 2000 ans avant JC, à quelques enjambées de la mosquée des Omeyyades, qui garde un souvenir vivace du bombardement de l’armée française le 29 mai 1945 (1). Les représailles du soulèvement nationaliste syrien contre l’occupation mandataire d’avril 1920 des accords Sykes-Picot, avec à la clef l'éclatement de l’entité Syrie-Liban-Palestine, ont conduit à la destruction du siège du Parlement syrien et de ce quartier qui porte le nom désormais de Hariqa, la Brûlée.
Une maison du 15ème siècle à Hariqa après les premiers bombardements français sur Damas, le 18 octobre 1925 (Photo: IFPO Archives, Damascus)
L’armée humanitaire de Sarkozy épargnera-t-elle ce site de moins d’1,5 km² qui juxtapose à ciel ouvert tant d’histoires sur un si petit périmètre ?
Si ses pas l’y conduisent, le promeneur s’interroge devant le fronton résiduel du téménos consacré à Jupiter édifié par Septime Sévère sur les fondations du temple dédié à la divinité araméenne Hadad à propos de la curieuse destinée du premier empereur de Rome africain né dans l’actuelle Libye et mort à York. L’œil encore baigné de la douce lumière du souk Al Hamiddyé, il se trouve ébloui au sortir de cette galerie commerçante ottomane couverte longue de 400 mètres, la longueur exacte de la Via Recta byzantine. Son pied heurte le portique dressé par le Punique puis il aborde l’entrée de la mosquée des Omeyyades, l’une des plus anciennes du monde et les plus belles (705). De découvrir dans l’enceinte de la salle de prière le cénotaphe conservé de Saint Jean Le Baptiste, Sidna Yahia en arabe, et toujours vénéré et visité par les tenants des confessions chrétienne et musulmane, il est saisi par la permanence millénaire de ce lieu de culte. Quasiment contigu le mausolée de Saladin, prince kurde ayyoubide qui restitua Jérusalem à l’Islam en 1187 et à main droite, après le quartier des tapis, celui des bijoutiers, des textiles, de la Hariqa.
Et à peine plus loin, le musée de l’Alphabet qui regroupe d’exceptionnelles pièces des fouilles d’Ugarit, où furent trouvées les traces du tout premier alphabet de l’humanité. M. Juppé, vous avez quelques lettres, aussi peut-on vous rappeler que dans le bet du mot alphabet, c’est le Beit, la maison arabe et dans l’alpha, c’est le pâturage dans la même langue sémite née en Arabie du Nord. L’activité pastorale a marqué de façon plus définitive l’évolution de l’activité humaine qui n‘est plus tributaire de la seule chasse que ne le feront le moteur à explosion ou l’avion à réaction.
Les drones aveugles qui seront commandés depuis la France pourront-ils épargner le patrimoine universel de Damas, mieux que ne l’ont fait les armées étasuniennes pour les sites archéologiques de Babylone ?
L’Irak est le cœur persan à partir duquel s’est déployée la civilisation arabo-musulmane, la Syrie son premier cœur grec.
Et s’il importait à la France de se préoccuper des peuples arabes, de leur Beit, auxquels elle est liée comme la Grèce le fut à Troie, qu’elle s’inquiète de la Palestine, du Bahreïn et du Yémen.
(1) Syrie Mandataire, Wikipédia
"En juin 1941, les Britanniques et les Français libres entrent en Syrie et au Liban et, après une violente campagne militaire, concluent un armistice avec les troupes françaises. Cet armistice a été conclu entre le général Henri Dentz, délégué de Vichy au Levant et les autorités anglaises, en présence du général Catroux. Avec l'aide britannique, les deux territoires passent sous le contrôle des Forces françaises libres (FFL) et le Haut-commissariat devient par la même occasion la délégation générale de la France libre au Proche-Orient1. La même année, de Gaulle déclare : « La France a le devoir et la possibilité d'établir ces États dans leur indépendance. »
En 1945, l'affrontement entre Français et Syriens est proche. Le Baath a créé des équipes de "Jihad nationale" dont le rôle est de mobiliser les bases populaires contre l'autorité française. Le 29 mai 1945, après dix jours de manifestations ininterrompues, les Français, sous l'ordre du général Oliva-Roget bombardent Damas pendant 36 heures d'affilée. Les morts et les blessés se comptent par centaines. Une partie de la ville est détruite par ce bombardement dont le parlement syrien.
La Grande-Bretagne demande l'arrêt des combats et intervient le 1er juin pour faire cesser la répression. Durant le mois de juillet, le commandement de l'armée passe aux mains des Syriens, et neuf mois plus tard, le 17 avril 1946, le dernier soldat étranger quitte la Syrie."
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Badia Benjelloun
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