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ISM France - Archives 2001-2021

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Grande Bretagne -

La résistance à l’apartheid israélien, stratégies et principes : À propos de la distinction entre institutions et individus

Par

Londres, Conférence internationale sur la Palestine, SOAS le 5 décembre 2004 : "La résistance à l’apartheid israélien : stratégies et principes" - Intervention de Mona Baker, Royaume-Uni

L’un des objectifs de toute forme de boycott, tel que je le comprends, est de miner les institutions qui permettent à un Etat voyou de fonctionner et de prétendre à une place de partenaire agréé dans la communauté internationale.
Les institutions universitaires et scientifiques israéliennes sont une source capitale de prestige, de légitimité et de rentrées financières pour Israël. Israël publie plus d’articles scientifiques per capita qu’aucun autre pays au monde.

Il faut partir de la réalité cruelle, décrite par Tanya Reinhart (“Why the World Should Boycott Israëli Academic Institutions http://monabaker.com/pMachine/more.php?id=96_0_1_12_M5) :

“Traditionnellement, l’esprit universitaire veut que la responsabilité intellectuelle inclue la défense de principes moraux. Si l’on trouvait quelque chose de ce genre dans l’Université israélienne, cela permettrait de la racheter quelque peu. Mais on ne trouvera rien. Pas une seule fois, le Conseil scientifique d’une université israélienne n’a voté une résolution protestant contre la fermeture fréquente des universités palestiniennes, on n’y a pas entendu de voix isolée protester sur la dévastation en cours durant la dernière Intifada.
Ce n’est pas qu’une motion dans ce sens ait échoué à obtenir un vote majoritaire, c’est qu’il n’y en a jamais eu, dans tout le système universitaire israélien.
Même la clôture de l’université d’Al Quds à Jérusalem en juillet dernier a laissé de marbre l’Université israélienne. Lorsque dans des situations extrêmes de violation des droits humains et des principes moraux, l’Université refuse d’exercer la critique et de prendre parti, elle collabore avec le système d’oppression".


Il y a une autre justification pour le boycott qui ne relève pas de la conduite des universitaires israéliens, individuellement ou collectivement.

L’un des objectifs de toute forme de boycott, tel que je le comprends, est de miner les institutions qui permettent à un Etat voyou de fonctionner et de prétendre à une place de partenaire agréé dans la communauté internationale.

Les institutions universitaires et scientifiques israéliennes sont une source capitale de prestige, de légitimité et de rentrées financières pour Israël. Israël publie plus d’articles scientifiques per capita qu’aucun autre pays au monde.

Chaque fois qu’un membre ou une institution universitaire israélienne publient un article ou s’expriment dans un congrès international, sauf s’ils commencent par une proclamation pour se désolidariser de leur gouvernement, ils confèrent automatiquement un degré supplémentaire de légitimité à ce que notre appel au boycott considère comme un Etat voyou.

Chaque fois qu’un universitaire israélien publie un article ou un livre, c’est tout le système universitaire, source de rentrées et de prestige pour Israël, qui s’en trouve consolidé : financement, promotion, relais dans les revues spécialisées, sites web des organismes concernés brandissent les réalisations de l’éminent chef d’équipe (sans tenir compte le moins du monde de son attitude personnelle envers l’occupation) de façon à étendre le rayonnement international du centre, attirer des étudiants, réclamer des subventions pour la recherche, etc.


Aussi je défends l’idée qu’il est inopérant de distinguer les individus, dans une opération de boycott universitaire. Précisément parce qu’il s’agit d’un boycott des institutions, et non pas des individus, et que le fonctionnement des institutions ne dépend pas du nombre d’individus courageux ou ignobles qu’elles comportent.

Elles fonctionnent parce que TOUTES les personnes qui y travaillent ont de ce fait la possibilité de publier, d’intervenir dans des congrès, d’évaluer des projets de recherche à l’étranger, et qu’ils défendent généralement une image flatteuse d’eux-mêmes et du centre dont ils relèvent, sur la scène internationale.

Sans ces activités, accessibles à tous ses membres, une université ne peut pas attirer d’étudiants, d’enseignants invités, de directeurs de recherches doctorales, ni de financement, ni gérer les mécanismes ordinaires pour garantir un certain prestige.

Voilà pourquoi je considère que le boycott universitaire est au bout du compte un aspect du boycott économique plus général, ou devrait être considéré de la sorte. [On sera bien sûr tenté de pénaliser les personnalités ouvertement sionistes, et de protéger des effets du blocus ceux qui s’expriment contre l’occupation.

Mais les critères d’appréciation seraient éminemment subjectifs, et donneraient lieu à des polémiques sans fin, ce qui au bout du compte affaiblirait terriblement la campagne pour le boycott]


En revanche, il doit être possible de décider collectivement qui doit être pénalisé pour sa complicité, ou soutenu pour son courage et son intégrité. Mais pour cela, nous aurions besoin d’une institution largement respectée comme l’était l’ANC à l’époque du boycott sud-africain.

Pour différentes raisons, il n’y a aucune espèce de comité comparable dans notre contexte actuel, en grande partie à cause de la brutalité du système israélien qui rend extrêmement difficile pour les Palestiniens d’organiser un forum non-violent de résistance, ou de mettre sur pied une organisation comme l’ANC, qui puisse communiquer avec le monde extérieur au titre d’autorité reconnue, et nous orienter sur les personnes qui devraient ou non échapper au boycott.



Si nous acceptons que l’objectif du boycott est de saboter les instituions d’un Etat voyou plutôt que de pénaliser les individus qui ne parviennent pas à s’exprimer contre leur gouvernement, ceci doit trouver son reflet dans le type de boycott que nous mettons en œuvre.

Je proposerai pour finir quatre principes directeurs, qui tiennent compte de quelques précisions qui vont de soi, comme le fait que le boycott n’est nullement basé sur la nationalité, et encore moins sur une affiliation religieuse ou ethnique :

a) Le boycott ne vise pas les Israéliens en tant qu’individus. Il s’ensuit que les Israéliens qui travaillent pour des institutions non israéliennes ne sont pas sujets au boycott.

b) Logiquement, il s’ensuit que le boycott ne fait pas la différence entre juifs, chrétiens ou musulmans parmi ceux qui travaillent dans des institutions israéliennes. Cela signifie que toute personne se trouvant dans ce cas, quelle que soit sa nationalité, sa religion ou son origine ethnique est concernée, ce qui inclut également les rares Palestiniens qui travaillent pour un organisme israélien.

c) Là où il est possible de faire la distinction entre les institutions et les individus –en d’autres termes, là où il est possible d’aider ou de coopérer avec une personne, sans fournir par-là un soutien direct à l’organisme qui les emploie ou qui leur confère visibilité et légitimité, il est important de le faire avec des individus israéliens. Soit sur une base informelle, à l’extérieur de toute tribune officielle ; ou bien, par exemple, en engageant dans l’action un éditeur pour qu’il vende des livres à des individus précis en Israël, tout en refusant d’en vendre aux institutions israéliennes, ce que notre maison d’édition, St. Jerome Publishing, pratique déjà.

d) finalement, il est important de continuer à travailler avec chacun, y compris avec des personnes rattachées à des centres universitaires israéliens, dans le cadre d’un projet ou d’un contexte particulier, visant explicitement à mettre un terme à l’occupation.

C’est une proposition très différente de celle qui consisterait à exempter certaines personnes comme pour récompenser leur courage et leur intégrité personnels.

Il s’agit de tenir compte du contenu et des objectifs de l’activité qu’ils exercent habituellement, et non pas simplement de leur opinion sur l’occupation.

Le fait que nous ayons travaillé avec notre collège Ilan Pappe dans le contexte de cette rencontre est précisément un bon exemple de cette démarche.



Conclusion

Nous n’avons pas besoin d’une campagne de boycott pour décider, sur une base individuelle, que nous n’aimons pas la position politique de tel ou tel universitaire israélien, américain, français ou espagnol, dans notre domaine.

Si nous n’avons pas envie de travailler avec une personne, pour n’importe quelle raison, nous pouvons tout simplement refuser de le faire. Refuser de travailler avec quelqu’un, ou sortir de sa trajectoire normale pour travailler et soutenir quelqu’un d’autre, est une affaire de choix personnel qui ne peut guère avoir d’impact sur les institutions qui les emploient.

Le boycott est une forme d’action non-violente destinée à porter un coup au niveau des organes vitaux de l’économie d’un Etat paria, de son prestige international et de sa légitimité.

Il vise en outre à provoquer assez de consternation, et de dommage réel, aux institutions relevant d’un gouvernement élu démocratiquement, de façon à forcer les habitants, à l’intérieur et à l’extérieur, à réaliser à quel point leur horizon est contestable, et à forcer les gens d’autres pays à affronter la gravité du problème en question.



Contributions des autres intervenants à cette conférence :
Ilan Pappe (Israël),
Victoria Brittain, (Grande Bretagne)
John Docker (Australie),
Lisa Taraki (Palestine),
Ben Young (Grande Bretagne),
Hilary Rose (Grande Bretagne),
Lawrence Davidson (USA),
Betty Hunter (Grande Bretagne),
Haim Bresheetsh (Grande Bretagne),
Omar Barghouti (Palestine)

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