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Jénine -

Le compteur tourne

Par

Article paru dans Haaretz le 15 octobre 2004

Le chauffeur de taxi qui conduisait innocemment ses passagers chez eux, un jeune mari revenant avec sa femme enceinte d’une visite à ses parents, un malade mental qui aimait bien regarder les camions de ciment qu’on déchargeait, un ferronnier, et un marchand de voiture qui s’étaient rencontrés dans un garage, le frère d’un homme recherché.

L’Armée Israélienne de Défense les a tous tués ces dernières semaines à Jénine bien qu’ils n’aient rien fait.
L’une des victimes était même étendue en sang quand un combattant clandestin de l’IDF (camouflé en civil palestinien) lui a tiré dans la tête – pour faire bonne mesure.

Une des victimes est restée mourante pendant quarante minutes sur la route jusqu’à ce que les soldats autorisent une ambulance à approcher. Loin des tueries de Gaza et du Sinaï, l’hydre de la terreur israélienne à Jénine a relevé la tête.

Loin de ce regard paresseux que nous ouvrons vaguement sur l’horrible tuerie du camp de réfugiés de Jabalya – où il y a eu 119 tués au commencement de cette semaine – les victimes innocentes qui meurent quotidiennement à Jénine restent anonymes et les circonstances de leur assassinat n’intéressent personne.


Yasser et Arafat sont assis nonchalamment dans leur garage faiblement éclairé. Yasser saute de sa place quand nous arrivons et file dans la rue. La pancarte en hébreu proclame encore « Electricité et air conditionné », souvenir des jours où les Israéliens venaient ici faire réparer leurs voitures et où le garage du carrossier faisait des réparations électriques et de climatisation.


Arafat al-Saad est le propriétaire du garage, Yasser Nazal en est son mécano. et ils sont tous les deux des survivants de l’opération de l’IDF qui a indistinctement pulvérisé leur garage, tué Fadi Zakarneh, un homme recherché, et , en cette période de fête, a tué son frère Fawaz ainsi qu’ Ibrahim Abu Saleh et Mo’ath Qutait, et des passant qui ont eu le malheur d’entrer dans cet enfer.


C’était la veille de Rosh Hashanah, le 15 septembre. Mo’ath et Ibrahim venaient de Saris, leur village, pour voir s’ils pouvaient trouver une petite voiture à acheter. Mo’aht qui travaillait habituellement à Tel Aviv, s’était marié récemment. Ibrahim venait tous les matins chercher du travail. Yasser et Arafat étaient arrivés au garage comme d’habitude pour voir se ce jour-là il y aurait une voiture à réparer. Ces temps derniers il y avait à peine une voiture par semaine.

Fawaz travaillait dans sa boutique de pièces détachées à côté du garage, et Fadi, l’homme recherché est entré pour que son frère vérifie une voiture d’occasion. Ca s’est terminé tragiquement pour tout le monde. Yasser et Arafat travaillaient sur un camion Volkswagen quand soudain ils ont entendu des tirs venant de la rue.
Yasser est sorti pour voir ce qui se passait mais Ibrahim a bondi à l’intérieur en courant, a repoussé Yasser, et Yasser et Arafat se sont a cachés sous le camion et Arafat a murmuré à Yasser qui connaît l’ hébreu : Dis leur que nous avons des cartes d’identité. Ibrahium l’a fait taire.


De dessous la voiture, ils voyaient seulement les pieds du soldat camouflé, habillé d’un jean sombre, qui courait dans le garage après Ibrahim. Dehors deux camionnettes étaient parquées, plus l’ATV (scooter ) d’une unité clandestine. Yasser et Arafat ont vu le soldat donner un coup de pied à Ibrahim blessé et quand il a découvert qu’Ibrahim était vivant, il lui a logé une série de balles dans la tête. Dehors ils ont entendu les amis du soldats hurler : « Tue tous ceux qui sont à l’intérieur ». Mais le soldat est parti rapidement avant d’avoir remarqué les autres.


Le tout a pris quelques minutes. Quand Yasser et Arafat sont sortis dans la rue, ils ont vu le corps des deux frères, Fadi et Fawaz, gisant dans les sable. Fadi avait un pistolet. Il avait appartenu au Jihad Islamique.

Son frère, tout le monde le dit, n’était pas impliqué dans la lutte de l’Intifada. Le corps du marchand de voiture, Mo’ath, gisait aussi dans le sable. Ibrahim était mort dans le garage. Abu al-Abed, l’associé de Fawaz dans l’affaire de pièces détachées, était blessé et a été emporté à l’hôpital Haemek d’Afula par les soldats.



Une maison misérable à Wadi Azzadin dans la ville.

Fakhri Zakarneh, un maigre vendeur de kebab, père des deux frères morts, Fadi et Fawaz – qui vend ses articles tous les soirs dans une charrette qu’il installe près de la plus grande mosquée de la ville – a vu le corps de ses deux jeunes fils étendus l’un à côte de l’autre, leurs têtes se touchant. Fawaz avait 29 ans, Fadi 23. Jusqu’à il y a quatre mois, Fadi venait aider son père à la charrette de kébab, jusqu’à ce qu’il devienne un homme recherché et cesse de venir. Ils ne sont jamais venus le chercher chez lui ; il dormait dans la journée et se cachait toute la nuit. Fawaz a été arrêté il y a quelque mois et relâché. Innocent.



Le 15 septembre, Fadi est venu chez lui prendre le petit déjeûner.
Après, il a dit qu’il allait à l’Université Ouverte pour remplacer le garde, son ami, dont la femme était malade. Un peu après, Fawaz a été rappelé à la maison et ont lui a demandé où était Fadi. Il a dit à son père qu’il y avait des soldats camouflés près de la boutique de pièces détachées et que Fadi ne viendrait pas tout de suite. Soudain, il y a eu des tirs venant du garage proche de la maison de Fakhri.



Il est apparu qu’après sa visite à l’université, Fadi avait été voir son frère pour lui faire vérifier sa voiture d’occasion. Il a laissé sa Kalashnikov dans sa voiture et il est allé faire un tour de conduite.

Fawaz a été tué le premier et Fadi ensuite. Leur père est arrivé dix minutes plus tard et a vu les corps. Celui de Fawaz était criblé de balles. Il avait deux enfants à la maison, des enfants de 2 et 4 ans.
Le corps de Fadi était lui aussi criblé de balles. Ils ont été enterrés ensemble dans la même tombe.



Checkpoint à l’entrée de Jénine.


Nesarin et Mohammed Jalabush ont mis leurs vêtements de fête, et leur petite fille Adil est sur les épaules de sa mère. La mère, Nasarim, pleure. Ils ont un permis dûment rempli et signé pour entrer en Israël aujourd’hui. Mais les soldats ne les ont pas laissés passer. Le bouclage des territoires pour les fêtes juives n’est pas fini bien que les fêtes le soient.

Adil a rendez-vous pour faire opérer son bec de lièvre le lendemain à l’Hôpital Anglican de Nazareth. Ils avaient préparé un sac avec les vêtements et étaient très excités ; Maintenant ils reviennent chez eux, honteux et désespérés .


Une maison fortunée dans la ville, celle des Shalabis. Nous y étions allés il y a deux ans quand leur fils Ahmed était sorti de prison.
Maintenant il est de nouveau emprisonné. Au cours des derniers mois il est devenu un homme recherché. La sœur d’Ahmed, Nur, qui est dans son neuvième mois de grossesse, entre dans la pièce : elle a le visage plein d’ecchymoses et elle boite. A peine mariée et déjà veuve..


Le 29 septembre, après deux jours de couvre-feu, Nur est venue avec son mari voir ses parents et déjeûner avec eux. Pour Rateb Abu Taleb, 51 ans, c’était son second mariage. Il avait passé la plupart de son existence en Arabie Saoudite et neuf mois plus tôt il tait revenu ici pour épouser Nur, 25 ans, divorcée avec deux enfants d’un premier mariage.


A une heure mois le quart, le couple avait quitté la maison et était monté dans un taxi . Le conducteur, Mohammed Bitar, 25 ans, était un ami de la famille.

Ils se sont fait conduire sur la place et là, à la sortie de la ville, ils ont tourné dans la direction du checkpoint de Jalama sur la route récemment repavée après que les chars l’aient défoncée. Ils ont soudainement entendu des tirs. Le conducteur a été blessé à la tête et il est tombé sur les genoux de Nur. « Je veux mourir » ont été ses derniers mots. Le taxi a fait des cercles, sans conducteur, jusqu’au moment où il s’est arrêté et le corps de Nur étati couvert de bleus.


« Est-ce que tu as quelque chose ? » a demandé Rateb à sa femme
« Je suis blessée au visage et à la jambe ». Un éclat d’obus avait pénétré dans le taxi et blessé Nur à la jambe « Qu’est-ce qui t’es arrivé »
« Ca va, j’encaisse seulement »

Les tirs continuaient, mais ils n’ont pas vu d’où ça venait. Le mari à dit à sa femme de se cacher sous le siège. Quand les tirs se sont éteints, Rateb a ouvert la porte du taxi, est sorti, a soulevé sa chemise, levé les mains en l’air et s’est tourné vers les soldats qu’il n’avait pas remarqué jusqu’alors parce qu’ils étaient cachés derrière un mur. Il les a interpellés en Arabe : « Il n’y a que ma femme et moi dans le taxi ».
Deux balles lui ont traversé le corps.
Nur, horrifiée, a essayé de sortir du taxi, mais les soldats lui ont donné l’ordre de sortir par une autre porte. Ensuite il lui ont donné l’ordre de jeter le sac qu’elle tenait à la main et l’ont aidée à atteinde un magasin de meubles pas loin de là. Elle a entendu son mari appeler : « Nur, Nur ».


Nur a voulu s’approcher de son mari mais les soldats l’en ont empêchée. Il est resté étendu sur la route pendant 40 minutes et les soldats ont empêché une ambulance palestinienne qui était arrivée pendant ce temps d’approcher et de lui apporter les premiers soins.

Elle a embrassé en vain les mains des soldats en plaidant pour la vie de son mari. Ils lui ont dit de ne pas se faire de souci qu’ils prendraient soin de lui . Alors ils lui ont rapporté son sac pour être surs qu’il ne manquait rien, et ils n’ont pas cessé d’éplucher la liste des numéros de téléphone de son téléphone cellulaire.
Ils se sont intéressés au numéro de téléphone de son frère Ahmed ; elle a dit qu’elle n’avait aucune idée de l’endroit où il se trouvait.
Le Capitaine Jamal » des services de sécurité du Shin Bet conduisait cette opération d’information.

Rateb est mort pendant ce temps, Ahmed a été arrêté une semaine plus tard chez lui. La nuit où les soldats ont encerclé la maison, il avait cherché à s’échapper mais son père, Ribhi, l’en avait empêché.


« Je veux vous dire quelque chose » dit Ribhi ; « Jusqu’au 29 septembre, je ne savais pas qu’Ahmed était recherché. Ils ne sont jamais venus le rechercher à la maison. Il dormait à la maison toutes les nuits. Il n’est jamais venu armé. Aller dire à un père que son fils est recherché »..


Son autre fils a été tué il y a deux ans en apportant de la nourriture pour le Ramadan aux policiers du checkpoint palestinien de Jalama.
A l’époque, l’IDF a tiré un obus de char contre un groupe de gens, et en a tué cinq. Le bébé qui va naître s’appellera Rateb. Il naîtra orphelin.

L’infrastructure de la terreur : un petit Mohammed marche parmi les ruines de sa maison. Il a un an et demi. Les voisines l’appellent « Hamudi » (« Petit sucre» )
Il y a deux semaines l’IDF a fait exploser sa maison.

Mohammed Hamudis est le fils de Zakarai Zubeidi, commandant dans la Brigade des Martyrs Al-Aqsa.
Un souriant bébé, un futur terroriste.

Nur : à peine mariée, et déjà veuve

Source : Haaretz

Traduction : CS pour ISM-France

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