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ISM France - Archives 2001-2021

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Israël -

Les colons ou Sharon

Par

Dr Azmi Bishara, membre de la Knesset israélienne, de Nazareth, chef de la Coalition Nationale Démocratique « Balad ». Article paru sur amin.org le 16 septembre 2004

Sharon n’est pas de Gaulle. Il est aussi loin que jamais de la conviction qu’Israël doit reconnaître les droits nationaux du peuple palestinien et se retirer des territoires occupés en 1967, et encore moins reconnaître le droit au retour des réfugiés palestiniens. Ses propositions non plus ne vont pas vaguement dans cette direction. Rien de ce qu’il a fait ou dit ne suggère qu’il subisse une métamorphose en un de Gaulle. Loin de là.

Il a entamé un scénario dont le but est de promouvoir et de graver dans le marbre les dogmes immuables de la politique colonialiste d’Israël, appuyant les « colonies de Cisjordanie qu’Israël n’abandonnera jamais quelle que soit la solution permanente à laquelle on aboutirait », si tant est qu’une solution permanente soit jamais atteinte.


Sharon pense qu’une occasion historique s’est présentée pour mettre son scénario en œuvre, et qu’Israël doit la saisir. Parmi les traits les plus saillants de cette occasion-à-ne-pas-manquer est l’agrément croissant entre Washington et Israël sur la question du leadership palestinien.

A la suite de Camp David II, et, plus particulièrement, du 11 septembre, Washington doit être d’accord avec Tel Aviv pour dire qu’il n’y a pas de partenaire palestinien pour le processus de paix, et que donc il soutient l’action unilatérale d’Israël plutôt que la Feuille de Route.


De plus, les USA ont mis leurs nouvelles convictions par écrit dans la lettre de garantie de Bush, avec une déclaration qui coïncide exactement avec la position de la droite israélienne.

Sharon considère cette lettre comme une victoire israélienne qui ne peut sous aucune circonstance être gaspillée. Après tout, personne ne connaît le futur pour les USA : Sharon sait seulement que le cadeau que lui fait Washington lui va très bien, à lui et à ses amis. Il est donc déterminé à avancer avec ses projets quels que soient les résultats du référendum du Likoud, et quelle que soit la décision du comité central de son parti.


Il est tout autant déterminé à ignorer la gauche israélienne et ceux des Arabes qui affirment unilatéralement que son plan fait partie de la Feuille de Route. En fait, il a recommandé à ses ministres de ne pas utiliser le terme feuille de route. Il ne prête aucune attention non plus aux récentes menaces des colons.


A la veille du Nouvel An Juif, Sharon a déclaré dans plusieurs interviews qu’il a suggéré son plan après que les Etats Unis aient pressé Israël de reprendre ses négociations avec la Syrie.

D’après lui, de telles négociations finiraient par l’abandon par Israël du Golan, et doivent donc être évitées. Mais depuis la présentation de son plan, les Américains n’ont pas mentionné l’éventualité d’une reprise des négociations avec la Syrie.


Le plan de Sharon est de se désengager démographiquement d’autant de Palestiniens que possible et, en même temps, de la plus petite quantité de terre possible, à Gaza, dans le Nord de la Cisjordanie , et, finalement des villes de la Cisjordanie .

Une autre raison pour laquelle il voit une occasion se présenter est que les Palestiniens ont rejeté—je dirais avec raison—les conditions qu’il mettait pour un désengagement.

Ils les ont rejetées parce qu’elles sont loin de tout standard de justice et d’équité relative nécessaire pour arriver à un accord. Mais alors ils sont passé à d’autres formes d’opposition désorganisée qui ne peuvent en aucune manière mener à la formulation de contre-propositions unifiées ou de stratégie de libération.


Il ne fait aucun doute que Sharon se réjouit du fait qu’une large portion du monde arabe, désireux de plaire aux Américains, accuse les Palestiniens de refuser les conditions israéliennes de désengagement démographique, qui se veulent un accord, de ne pas réussir à se doter d’un leadership, ou de leur obstruction délibérée à l’émergence d’une équipe dirigeante qui dirait oui à un tel accord.


Tout cela a mené Sharon à la conclusion que le temps est venu de mettre unilatéralement en œuvre un projet qu’il caresse et avance depuis le milieu des années 80. Une fois que le gouvernement aura approuvé la loi de réparation pour les colons qui doivent être retirés de Gaza et du Nord de la Cisjordanie , il aura ce qu’il prendra comme un blanc-seing officiel pour son plan. Etant un opportuniste expérimenté, Sharon anticipe que la simple proposition de compensation et la définition de sommes spécifiques altéreront la teneur du débat.

L’opposition des colons se désintègrera alors qu’une avance sur la compensation plus une somme d’argent d’encouragement seront payés à chaque colon d’accord pour déménager vers la Galilée ou le Néguev, et chacune de celles-ci infligera une défaite morale à la bataille des colons, que leur idéologie motive.

Donc Sharon est pressé. Il veut que sa loi de restitution soit passée même avant que le gouvernement, puis la Knesset votent sur le plan de désengagement, en octobre et en novembre, et il veut que les colons soient payés avant le début du retrait et immédiatement avant l’évacuation des colons.


Sharon n’est pas seulement le parrain des colons, il est aussi le père de l’ingérence de l’armée dans la politique.

Quand il était un officier aventureux, il a révélé à la presse des renseignements et des déclarations qui attaquaient les leaders politiques pour leur couardise et leurs hésitations. L ‘armée et les colons ont toujours été les barreaux qu’il a empruntés pour grimper à l’échelle de la politique.

Alors, aujourd’hui que les colons s’opposent à lui et menacent de violence, rien ne l’arrêtera. Il sait que la plupart d’entre eux se rendent compte qu’il n’y a pas d’avenir pour les colonies juives à Gaza, qui restera un énorme camp de prisonniers pour ses habitants palestiniens bien après le désengagement.

Cependant, Sharon reste ferme sur la présence de colons en Cisjordanie .

Le vacarme fait autour du démantèlement de colonies à Gaza ne lui fait ni chaud ni froid, pas plus que l’accusation de promouvoir une politique de transfert de Juifs, ni la possibilité d’une énorme déchirure au sein de la société israélienne, la probabilité d’action de désobéissance civile et peut-être de manifestations violentes. Ce ne sont après tout que des pré-requis pour garder les colonies de Cisjordanie , et pas uniquement dans la minuscule enclave de Jénine.

Le tapage fait autour de Gaza est la première ligne de défense des colonies de Cisjordanie . Tous ces cris aideront à engranger le soutien et la compréhension américains et internationaux sur ce sujet, car, combien de batailles la société israélienne peut-elle tolérer dans les vingt ans à venir, et jusqu’à quel point peut-elle s’approcher de la guerre civile ?
De telles perspectives ne pousseraient jamais Sharon à abandonner son plan, mais elles empêcheront les Américains de formuler des exigences.


Le plan de Sharon n’est pas seulement unilatéral—concrètement, il a jeté la Feuille de Route à la poubelle—c’est aussi un plan à long terme. Il anticipe l’émergence d’un leadership palestinien qui accepte les conditions qu’Israël met pour un règlement après avoir dû se conformer aux diktats qu’Israël impose unilatéralement. Pendant ce temps, la gauche israélienne sert d’armée de réserve à Sharon dans sa bataille contre ceux qui, à l’intérieur du corps politique israélien, sont plus à droite que leur Premier ministre.

Et tout ce qu’il attend du monde arabe est que celui-ci le considère comme un modéré - relativement parlant, puisque, après tout, tout est relatif dans la vie, et une question de proportions - et de le soutenir dans ce qui est devenu le seul jeu possible, c.a.d. le jeu de la droite israélienne.


En Israël, il semble que les champions d’un désengagement du plus grand nombre possible de Palestiniens tout en ne renonçant qu’à la plus petite quantité de terre possible ont gagné leur bataille à deux visées contre ceux qui réclament un contrôle direct continu des territoires, y compris Gaza, et ceux qui préféreraient attendre un accord avec les Palestiniens. Mais qu’en pensent les Palestiniens ?


La résolution de la bataille ci-dessus a enflammé la controverse qui fait rage en Palestine depuis plus de dix ans, depuis Camp David, en passant par les propositions de Bush et de Sharon d’un état palestinien, insistant sur le besoin d’un leadership palestinien qui les reprenne.

Cette controverse se centre autour de la question de savoir si "on passe encore à côté d’une chance historique de créer un état palestinien", selon l’expression chère au cœur de ceux qui ont intégré en eux la rhétorique sioniste qui dit sans cesse que "les Palestiniens ne manquent jamais l’occasion de manquer une occasion".


Ce que Sharon et Bush offrent est un Etat palestinien à la condition que les Palestiniens renoncent à tout le reste.

C’est à prendre ou à laisser: un Etat, contre l’abandon du droit au retour, aux frontières d’avant 1967, au démantèlement des colonies juives et à Jérusalem.

Est-il étonnant que ceux qui soutiennent cet accord global considèrent le retrait israélien de Gaza comme une chance d’en terminer une fois pour toutes avec le débat du c’est-maintenant-ou-jamais ?

Et de même qu’Israël a réduit les alternatives à soit Sharon soit les colons, les Palestiniens ont vu leurs alternatives se réduire à soit l’accord global soit les attentats-suicides. C’est une proposition du genre soit/ou qui se conforme parfaitement à l’esprit dans lequel notre monde est dirigé aujourd’hui.

Choisir la première option signifie céder au plan de Sharon, même sous une forme modifiée, alors que la seconde option l’aide sans le vouloir à faire avancer sa cause à l’intérieur d’Israël et à l’étranger.

La seule façon pour les Palestiniens de sortir de ce piège est de créer un leadership national uni, représentant toutes les factions de la résistance. La simple existence d’un tel leadership annule automatiquement cette dichotomie imposée artificiellement, en offrant une alternative qui représente la justice pour le peuple palestinien, et la lutte nationale contre l’apartheid et l’occupation suivant une stratégie unifiée et à long terme. Un bénéfice supplémentaire est que cette alternative dénoncera Sharon pour ce qu’il est, qui n’est pas de Gaulle.


Quand l’agitation israélienne sur la question des colons explosera en un conflit majeur, le peuple palestinien, et ceux qui soutiennent leurs droits légitimes, devront rallier leurs intelligences et leurs énergies pour faire mentir la prétention que Sharon est de Gaulle et que la seule alternative qu’ils ont est le scénario de Sharon de créer un Bantoustan entouré de murs, ou davantage de colons.

Source : www.amin.org

Traduction : Jean-Luc Mercier

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