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3 mai 2014
Par John V. Whitbeck
John V. Whitbeck est un avocat international qui a conseillé l'équipe de négociateurs palestiniens lors des négociations avec Israël. Article en anglais publié sur Ma'an News le 29.04.2014.
Lorsque, en réponse à la menace de la réconciliation et de l'unité palestiniennes potentielles, le gouvernement israélien a suspendu les "négociations" avec l'Organisation de Libération de la Palestine, le 24 avril (cinq jours avant leur fin programmée de toutes façons), le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu a diffusé une déclaration affirmant : "Au lieu de choisir la paix, Abu Mazen a formé une alliance avec une organisation terroriste meurtrière qui appelle à la destruction d'Israël."
"Il ne fait aucun doute que les Palestiniens dans leur quasi totalité (...) souhaitent que les colons étrangers ne soient jamais venus dans leurs patries pour les nettoyer ethniquement et s'emparer de leur terre, et que certains peuvent même rester éveillés la nuit à rêver qu'ils pourraient, d'une manière ou d'une autre, revenir en arrière et inverser l'histoire."
(photo AFP)
Dans une série d'apparitions médiatiques sur le sujet, Netanyahu a martelé à plusieurs reprises le thème de la "destruction d'Israël" pour accuser la Palestine de l'échec prévisible du dernier round de l'apparemment perpétuel "processus de paix".
Récemment, deux événements absurdes ont mis en évidence la subjectivité extrême de l'adjectif "terroriste" - l'étiquetage des Frères musulmans, qui ont remporté les élections égyptiennes après le renversement d'Hosni Mubarak, comme "organisation terroriste" par le régime militaire égyptien, et la qualification de "terroristes", par les autorités ukrainiennes de facto, qui sont arrivées au pouvoir en occupant illégalement les bâtiments gouvernementaux à Kiev, de ceux qui s'y opposent en occupant illégalement les bâtiments gouvernementaux à l'est de l'Ukraine.
Dans les deux cas, ceux qui ont renversé des gouvernements démocratiquement élus traitent de "terroristes" ceux qui refusent leurs coups d'Etat.
Il est de plus en plus admis que le mot "terroriste", qui n'a pas de définition convenue, est tellement subjectif qu'il est dépourvu de toute signification intrinsèque et qu'il est communément utilisé de façon abusive par des gouvernements et d'autres qui l'appliquent à ce qu'ils détestent, dans l'espoir de diaboliser leurs adversaires, décourageant et évitant ainsi la pensée et la discussion rationnelles et, souvent, excusant leur propre comportement illégal et immoral.
L'affirmation de Netanyahu que le Hamas "appelle à la destruction d'Israël" exige aussi une analyse rationnelle.
Il n'est pas le seul coupable à cet égard. Les grands médias occidentaux attachent habituellement la phrase "a juré la destruction d'Israël" à chaque première mention du Hamas, comme si cela faisait partie de son nom.
Dans le monde réel, que veut vraiment dire "la destruction d'Israël" ? La terre ? La population ? Le régime de suprématie ethno-religieuse ?
Il ne fait aucun doute que les Palestiniens dans leur quasi totalité des Palestiniens - et probablement un nombre important d'autochtones américains - souhaitent que les colons étrangers ne soient jamais venus dans leurs patries pour les nettoyer ethniquement et s'emparer de leur terre, et que certains peuvent même rester éveillés la nuit à rêver qu'ils pourraient, d'une manière ou d'une autre, revenir en arrière et inverser l'histoire.
Cependant, dans le monde réel, le Hamas n'est pas près d'être en position de faire sombrer le territoire d'Israël dans la Méditerranée ni d'anéantir sa population ni même de contraindre le régime israélien à se transformer en un Etat pleinement démocratique préoccupé par l'égalité des droits et la dignité de tous ceux qui y vivent.
C'est sans doute la dernière menace - "l'Etat bi-national" tant redouté - que Netanyahu a en tête quand il parle de la "destruction d'Israël". A des fins de propagande, "destruction" sonne beaucoup moins raisonnable et souhaitable que "démocratie", même si l'on parle de la même chose.
Dans le monde réel, le Hamas a clairement dit, et depuis longtemps, que nonobstant son point de vue que la poursuite de négociations dans le cadre du "processus de paix" monopolisé par les Etats-Unis est inutile et une perte de temps, il ne s'opposait pas à ce que l'OLP essaie de parvenir à un accord de deux Etats avec Israël, à la seule condition que, pour être accepté et respecté par le Hamas, tout accord devrait être soumis à référendum pour approbation par le peuple palestinien.
Dans le monde réel, la vision du Hamas (comme celle du Fatah) d'une coexistence pacifique en Israël-Palestine est beaucoup plus proche du "consensus international" sur ce à quoi devrait ressembler une paix permanente ainsi que du droit international et des résolutions des Nations Unies que la vision israélienne - si tant est que l'on puisse discerner la vision israélienne, aucun gouvernement israélien n'ayant jamais jugé bon de révéler officiellement sa vision, s'il en existe une au-delà du maintien et de la gestion du statu quo, indéfiniment.
Alors que les positions du Fatah et du Hamas ont convergé au cours des dernières années, la divergence principale se situe dans l’insistance du Hamas (parfaitement cohérente avec le droit international et les résolutions des Nations Unies afférentes) qu'Israël doit se retirer complètement du territoire de l'Etat de Palestine, comme défini par la résolution du 29 novembre 2012 de l'Assemblée générale des Nations Unies qui reconnaît le statut de l'Etat de Palestine comme "le territoire palestinien occupé depuis 1967", y compris, de façon significative, l'absence de l'article défini "les" dans "retrait des territoires" (1) dans la sans doute ambiguë résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, contrairement à la position plus souple du Fatah qui envisage des échanges de terres équivalents en surface et en valeur.
Après avoir remporté les dernières élections palestiniennes et après sept ans de gouvernance de Gaza dans des circonstances exceptionnellement difficiles, le Hamas est devenu un parti gouvernemental relativement "modéré", luttant pour maîtriser des groupes plus radicaux et les empêcher de tirer des roquettes artisanales sur le sud d'Israël, un geste symbolique contreproductif que les responsables israéliens ont publiquement condamné mais qu'ils ont secrètement salué, et qu'ils cherchent souvent à provoquer en réponse à leur propre violence plus létale, comme la preuve que la belligérance palestinienne justifie leur propre intransigeance.
Il ne faut pas prendre au sérieux le mantra de Netanyahu sur la "destruction d'Israël", ni par les gouvernements occidentaux ni par quiconque.
Il est grand temps que les grands médias occidentaux cessent de recycler une propagande insensée -et véritablement destructrice,- et qu'ils fassent coller leurs articles à la réalité, et il est grand temps que les gouvernements occidentaux cessent de diaboliser le Hamas, un prétexte à ne rien faire de constructif pour mettre fin à l'occupation brutale [de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza] qui dure maintenant depuis près de 47 ans.
(1) Subtilité d'interprétation qui se pose en anglais mais pas dans la langue française.
En anglais, l'alinéa concerné de la résolution 242 du 22.11.1967 dit :
"(i) Withdrawal of Israël armed forces from territories occupied in the recent conflict;"
dont la traduction française est :
"a. Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit ;".
En anglais, si la formulation "from the territories" avait été retenue, l'article défini "the" aurait apporté une précision réductrice/restrictive qui n'apparait pas dans la formule "from territories", qui a été choisie par les rédacteurs de la résolution.
Source : Maan News
Traduction : MR pour ISM
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