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Palestine - 3 février 2007
Par John V. Whitbeck
John V. Whitbeck, un juriste international, est l'auteur de : "The World According to Whitbeck." (Le monde selon Whitbeck). Il a conseillé les responsables palestiniens dans les négociations avec Israel.
Depuis les élections palestiniennes en 2006, Israel et une grande partie de l'Occident ont affirmé que l'obstacle principal à tout progrès vers la paix Israelo-Palestinienne est le refus du Hamas à "reconnaitre Israel", ou "à reconnaitre l'existence d'Israel", ou à "reconnaître le droit à exister d'Israel".
Ces trois formulations verbales ont été employées par Israel, les Etats-Unis, et l'Union Européenne comme raison de la punition collective imposée aux Palestiniens.
Reconnaitre quel Israël ?
Les expressions sont également utilisées par les médias, les politiciens, et les diplomates, comme si elles signifiaient la même chose. Ce n'est pas le cas.
"Reconnaître Israël" ou n'importe quel autre état est un acte officiel, légal et diplomatique d'un Etat envers un autre Etat.
C'est inapproprié –et en effet, absurde – que de dire au sujet d'un parti ou d'un mouvement politique de faire une reconnaissance diplomatique d'un Etat. Parler de la "reconnaissance d'Israël" pour le Hamas est tout simplement utiliser un vague raccourci confus et trompeur pour la véritable demande qui est faite aux Palestiniens.
"Reconnaître l'existence d'Israël" semble à première vue impliquer une reconnaissance relativement claire de la réalité des choses. Pourtant il y a des problèmes pratiques sérieux avec ce vocabulaire.
De quel Israël parle-t'on et de quelles frontières?
Est-ce des 55% de la Palestine Historique recommandés pour un Etat juif par l'Assemblée générale de l'ONU en 1947 ?
Est-ce des 78% de la Palestine Historique Occupée par le mouvement Sioniste en 1948 et maintenant considérés par la majeure partie du monde en tant que "Israël" ou "Israël proprement dit" ?
Est-ce des 100% de la Palestine Historique Occupée par Israël depuis juin 1967 et montrés en tant que "Israël" (sans "Ligne Verte") sur les cartes des livres scolaires israéliens ?
Israël n'a jamais défini ses propres frontières, puisque le faire lui fixerait nécessairement des limites.
Encore une fois, si c'était la seule chose qui était exigée du Hamas, il pourrait être possible pour le parti politique au pouvoir de reconnaitre, en tant que réalité des choses, qu'un Etat d'Israël existe aujourd'hui dans des frontières précises. En effet, la direction du Hamas l'a fait en réalité ces dernières semaines.
"Reconnaître le droit à exister d'Israël", la réelle demande qui est faite au Hamas et aux Palestiniens, est d'un niveau complètement différent. Cette formulation ne traite pas des formalités diplomatiques ou d'une simple acceptation des réalités actuelles. Elle réclame un jugement moral.
Il y a une énorme différence entre "reconnaître l'existence d'Israël" et "reconnaître le droit à exister d'Israël."
D'une perspective palestinienne, la différence est du même niveau que la différence entre demander à un juif de reconnaître que l'holocauste s'est produit et lui demander de concéder que l'holocauste était moralement justifié.
Pour les Palestiniens, reconnaitre l'événement de la Nakba - l'expulsion de la grande majorité des Palestiniens de leur patrie entre 1947 et 1949 - est une chose. Qu'ils concèdent publiquement qu'il était "juste" que la Nakba se produise est une chose complètement différente
Pour les peuples juifs et palestiniens, l'Holocauste et la Nakba représentent des catastrophes et des injustices à une échelle inimaginable qui ne peuvent être ni oubliées ni pardonnées.
Exiger des Palestiniens qu'ils reconnaissent "le droit à exister d'Israël", c'est exiger d'un peuple qui a été traité comme des sous-humains indignes des droits de l'homme de base qu'il proclame publiquement qu'ils sont des sous-humains.
Cela impliquerait l'acceptation par les Palestiniens qu'ils méritent ce qui leur a été fait et ce qui continue de leur être fait.
Même les gouvernements américains du 19ème siècle n'ont pas exigé des survivants Américains autochtones de proclamer publiquement la "légitimité" de leur nettoyage ethnique par les colons européens comme condition préalable avant même de discuter de quelle sorte de réserve de terres ils pourraient obtenir.
Les autochtones Américains n'ont pas eu non plus à vivre sous un blocus économique et la menace de la famine jusqu'à ce qu'ils soient dépouillés du reste de leur fierté et de concéder ce point.
Certains croient que Yasser Arafat a concédé ce point afin d'acheter son ticket de sortie du désert de la démonisation et d'obtenir le droit de parler directement aux Américains.
Mais en fait, dans sa célèbre déclaration à Stockholm en 1988, il a accepté le "droit d'Israël à exister dans la paix et la sécurité".
Ce vocabulaire aborde, de manière significative, les conditions de l'existence d'un état qui, en fait, existe. Il n'aborde pas la question existentielle de la "légitimité" de la dépossession et de la dispersion des Palestiniens de leur patrie pour faire de la place à d'autres personnes arrivant de l'étranger.
Le concept initial de l'expression le "droit à exister d'Israël" et son utilisation comme excuse pour ne pas parler aux responsables palestiniens qui défendent toujours les droits de leur peuple sont attribués à l'ancien secrétaire d'Etat américain, Henry Kissinger.
Il est fortement probable que ces pays qui utilisent toujours cette expression le font en toute connaissance de ce qu'elle implique, moralement et psychologiquement, pour les Palestiniens.
Cependant, beaucoup de gens de bonne volonté et avec des valeurs décentes peuvent être dupés par la simplicité extérieure de ces mots, le "droit à exister d'Israël", et croire que cela constitue une demande raisonnable.
Et si le "droit à exister" est raisonnable, alors refuser de l'accepter doit représenter une perversité, alors que les Palestiniens ont profondément ressenti le besoin de s'accrocher à leur amour-propre et à leur dignité en tant que véritables êtres humains.
Que ce besoin soit profondément ressenti est démontré par les sondages qui prouvent que le pourcentage de la population palestinienne approuvant le refus du Hamas à plier à cette demande excède sensiblement le pourcentage qui a voté pour le Hamas en janvier 2006.
Ceux qui reconnaissent l'importance cruciale d'une paix Israëlo-Palestinienne et qui recherchent vraiment un futur décent pour les deux peuples doivent reconnaitre que la demande faite au Hamas de reconnaître "le droit à exister d'Israël" est peu raisonnable, immorale et impossible à satisfaire.
Puis, ils doivent insister sur le fait que cette entrave à la paix doit être retirée, que le siège économique des Territoires Palestiniens doit être levé, et que la poursuite de la paix avec une certaine mesure de justice doit être reprise avec l'urgence qu'elle mérite.
Source : http://www.csmonitor.com/
Traduction : MG pour ISM
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John V. Whitbeck
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