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Libye -

Une imposture criminelle

Par

Danilo Zolo est professeur de philosophie du droit international à l’Université de Florence et directeur du Jura Gentium Journal, Rivista di filosofia del diritto internazionale e della politica globale.

Le vent de révolte qui souffle sur les pays du Maghreb et du Mashrek, de la Tunisie à la Libye, à l’Égypte, au Yémen et au Bahreïn, n’annonce pas un nouveau printemps des populations arabo-musulmanes. La liberté, la démocratie, la justice, un minimum de bien-être sont un rêve encore très lointain. Leurs ennemis sont puissants. La guerre qu’ont déclenchée, avant-hier, les alliés européens, France et Grande-Bretagne avec les États-Unis contre la Libye, est la preuve de leur volonté de mettre sous leur contrôle l’aire méditerranéenne, tout le Golfe et, en perspective, l’Afrique.

Une imposture criminelle

Le Grand Moyen-Orient cher à G.W. Bush/C. Rice (et B. Obama/H. Clinton ?)
L’exaltation des droits humains, la garantie de la sécurité et de la paix sont pure rhétorique, une énième sanguinaire imposture après les agressions tragiques contre l’Irak et l’Afghanistan, et après les massacres que l’État d’Israël -allié très étroit des USA- a accompli et continue d’accomplir contre le peuple palestinien.

Les États-Unis, cette fois dans une confusion ouverte avec leurs alliés et probablement à l’intérieur de leur propre administration, essaient à grand peine de cacher leur vocation néo-coloniale et néo-impériale sous l’habit de l’énième humanitarian intervention. La violation désinvolte de la Charte des Nations Unies et l’utilisation opportuniste du Conseil de sécurité des Nations Unies font la preuve, à la fin, de leur irrépressible volonté de puissance. Se répète à la lettre le modèle de l’agression criminelle de l’OTAN contre la Serbie de 1999, voulue par le président Clinton pour la « libération » du Kosovo. Il s’est agi là d’une intervention « humanitaire » qui a massacré, du ciel, des milliers de personnes innocentes. Même une lecture rapide de la résolution 1973 du 17 mars, avec laquelle a été décidée la « no-fly zone » contre la Libye, suffit pour trouver une violation gravissime de la Charte des Nations Unies, outre celle du droit international général. La violation de la Charte est évidente si l’on pense que le comma 7 de l’article 2 stipule que « aucune disposition du présent Statut n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des questions qui appartiennent à la compétence interne d’un État ». Il est donc indiscutable que la « guerre civile » de compétence interne à la Libye n’est pas un événement dont puisse s’occuper militairement le Conseil de sécurité.

En plus de cela, l’article 39 de la Charte des Nations Unies prévoit que le Conseil de sécurité peut autoriser l’usage de la force militaire seulement après avoir asserté l’existence d’une menace internationale de la paix, d’une violation de la paix ou d’un acte d’agression (de la part d’un État contre un autre État). C’est donc ici une seconde et absolue raison qui rend criminel le massacre de personnes innocentes que les volontaristes alliés européens et les États-Unis s’apprêtent à faire en Libye. Et couvre de honte le gouvernement italien engagé avec ses bases et ses avions militaires à contribuer à répandre le sang d’un peuple dont il se déclarait emphatiquement ami jusqu’à ces dernières semaines. Cela n’a non plus aucun sens de se servir -comme le fait à plusieurs reprises la résolution 1973 du Conseil de sécurité- de la dite « responsabilité de protéger » (Responsibility to protect). Il s’agit de la très contestée résolution 1674 du 28 avril 2006 du Conseil de sécurité. En cas de violation grave assertée des droits humains de la part d’un Etat, le Conseil de sécurité -soutient-on- peut déclarer qu’il s’agit d’une menace de la paix et de la sécurité internationale. Et peut ainsi adopter toutes les mesures militaires qu’il juge opportunes. Point n’est besoin de dépenser de nombreuses paroles pour argumenter que le Conseil de sécurité n’est pas compétent pour émaner de nouvelles normes de droit international. Et il est aussi évident que la « guerre civile » interne à la Libye ne représentait pas et ne représente toujours pas une menace de la paix et de la sécurité internationale, comme du reste bien cinq membres du Conseil de sécurité (Allemagne, Russie, Inde, Chine et Brésil) l’ont implicitement soutenu en refusant de voter en faveur de la résolution. De plus, ceux-ci ont déploré l’agression que France, Angleterre et États-Unis ont déclenchée contre la population libyenne au nom de la vigilance sur les droits humains. Tout comme la Ligue arabe a soutenu que, de toutes façons, son objectif est de « sauver les civils, pas d’en tuer d’autres ». Il est désormais évident que d’autres voies pouvaient être prises pour la recherche d’une médiation et pour une solution du conflit.

Jusqu’il y a peu de temps, nous étions convaincus que les États-Unis avaient changé de visage grâce au nouveau président Barack Obama. Mais nous sommes à présent certains que le visage ne suffit pas et qu’il peut même servir de masque, comme le montrent la continuité de la guerre en Afghanistan, le silence consentant sur le désastre du peuple palestinien, le fermeture manquée - autant que promise- de Guantanamo. A propos de droits humains.

Rien n’a changé dans la stratégie hégémonique des États-Unis et cela aura des conséquences très graves justement à l’égard du peuple libyen qu’on fait semblant de vouloir sauver de la violence d’un dictateur. Il est facile de prévoir que la guerre ne cessera pas tant que Kadhafi ne sera pas fait prisonnier ou tué (tout comme le leader irakien Saddam Hussein fût pendu par la volonté du président des États-Unis George W. Bush). Et il est tout aussi facile de prévoir que, la guerre finie, les États-Unis exerceront leur pouvoir pour se garantir le contrôle de la Libye -ou de la Cyrénaïque « État », comme ils contrôlent aujourd’hui militairement et stratégiquement le Kosovo- pour en exploiter les très riches ressources énergétiques, comme cela s’est produit en Irak.

C’est, et ce sera, la « guerre juste » de la Méditerranée de Barack Obama et du « faucon » Hillary Clinton.

Source : Il Manifesto

Traduction : Marie-Ange Patrizio

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