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Hébron -

‘La caméra est notre arme pacifique’: Conversation avec les très jeunes militants d’Hébron

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Article publié par ISM le 18 juin. Traduit de l’arabe à l’anglais par Badee Dweik et interprété pour l’écrit par des membres d’ISM.

Abdullah et Saleh vivent avec leurs familles dans le secteur Tel Rumeida d’Hébron occupée, sous contrôle israélien. Ils ont 12 ans, et cela fait environ quatre ans qu’ils sont meilleurs amis. Ils sont les plus jeunes membres de Human Rights Defenders (HRD), un collectif de militants palestiniens qui utilisent le journalisme et la vidéo pour dénoncer les crimes quotidiens commis par les forces d'occupation israéliennes et les colons sionistes à Al-Khalil. Nous leur avons parlé de leur travail, de leur motivation et de leur expérience.

‘La caméra est notre arme pacifique’: Conversation avec les très jeunes militants d’Hébron

Saleh et Abdullah, 12 ans chacun
Comment en êtes-vous venus à vous impliquer dans Human Rights Defenders ?

Abdullah : J’aime faire ça. J'avais la plupart du temps mon appareil avec moi pour filmer mes amis, mais j'ai commencé à tourner pour HRD il y a environ un an. Nos pères [Badee Dweik et Imad Abu-Shamsiya, deux éminents membres de HDR et activistes locaux] nous ont appris à capter en vidéo la violence de l'armée et l'humiliation des Palestiniens par des soldats et des colons.

Saleh : Je documente les crimes de l'occupation depuis l'âge de huit ans. Pas à pas, j'ai appris à utiliser la caméra en filmant les soldats. Nos pères nous ont aidés pour les aspects techniques comme le montage, ils nous ont donné des idées sur la façon de faire des films ou d'où filmer, et nous ont appris à nous protéger l’un l’autre.

Et comment vous protégez-vous l’un l’autre ?

Saleh : L'un d'entre nous filme toujours l'autre. En février, nous filmions des soldats qui détenaient des Palestiniens près de la mosquée d'Ibrahimi, les raillant et les humiliant. Puis ils ont arrêté Abdullah, mais j'ai réussi à m'échapper et j'ai veillé à tout filmer. Cela a aidé pour l'arrestation parce que nous savions où ils avaient emmené Abdullah, et nous avions la preuve qu'il n'avait rien fait de mal. Il n'y avait pas de médias - j'étais le seul là-bas, donc si je n'avais pas filmé, nous ne savons pas ce qui aurait pu se passer.

Abdullah : Avant cela, en octobre, j'ai été arrêté et les soldats m’ont gardé pendant une journée, et Saleh a filmé ça aussi. J’allais rendre visite à mes grands-parents quand ils ont arrêté 18 enfants dont moi parce qu'ils disaient que nous avions lancé des pierres. Mon père était en Irlande à ce moment-là, et il ne l’a appris que quand il a vu la vidéo où les soldats m’emmènent sur notre page Facebook.

Saleh : Nous utilisons les vidéos comme preuve - preuve que ce sont les soldats qui commettent les crimes, pas nous. Nous filmons pour dénoncer les violations du droit international par l'occupation.

Faites-vous faire face à d'autres problèmes lorsque vous filmez ?

Abdullah : En décembre, mon oncle était malade et avait besoin d'un traitement à l'hôpital, alors mon autre oncle est allé avec lui. Au rond-point de Zaher, l'armée ne les a pas laissés passer et s’est mise à frapper mon oncle malade. Quand mon autre oncle a essayé de le protéger, les soldats l'ont aussi frappé mais il a réussi à s'enfuir. Puis ils ont emmené mon oncle malade au poste de contrôle militaire, et je suis allé filmer la situation. Ils m'ont dit de partir mais j'ai refusé - je ne faisais rien d'illégal. Alors ils m'ont arrêté et m'ont gardé pendant sept heures.

Saleh : La dernière fois qu'ils ont arrêté Abdullah, c’était en février, quand il a été pris pendant trois heures. Tous les adultes traversaient le souk à pied jusqu'à la mosquée d'Ibrahimi, et Abdullah et moi y sommes allés pour représenter HRD. Nous avons filmé les gens en train de se faire humilier, fouiller et arrêter. Les soldats nous ont dit de partir mais nous sommes restés pour continuer à filmer, alors ils nous ont suivis et ont arrêté Abdullah, ce que j'ai filmé.

Abdullah : Mon père a demandé aux soldats pourquoi ils m'avaient arrêté. Ils lui ont dit que c'était parce que je les filmais, et mon père a dit : 'Je lui ai appris à le faire'.

Saleh : Nous utilisons ces petites caméras vidéo Panasonic, comme tous les membres HRD, car elles sont moins visibles. Mais les soldats et la police les confisquent ou les cassent souvent, ce qui est un autre problème auquel nous sommes confrontés.

Photo
Saleh nous montre les caméras qu’utilise HRD


Votre travail peut être dangereux. Nous vous avons vu suffoquer dans les nuages de gaz lacrymogènes lors de manifestations à diverses reprises par le passé, par exemple. Comment faites-vous face à cela ?

Abdullah : C'est effrayant. Oui, j'ai peur quand ils tirent du gaz lacrymogène qui nous fait pleurer, et quand ils lancent des grenades assourdissantes, des balles caoutchouc-acier et des balles réelles sur le peuple palestinien qui n'a rien pour se protéger.

Saleh : C'est dangereux mais nous essayons de nous protéger en gardant une distance entre nous et les soldats, et en utilisant le zoom sur les caméras. Nous essayons également de protéger les volontaires de l'ISM en les filmant.

Dites-nous en plus sur ce que vous avez vu et capturé grâce à la caméra.

Saleh : Un jour, les soldats ont humilié des étudiants qui se rendaient à l'école dans le quartier de Jaber, au checkpoint Mafia. Amir [un autre jeune membre de Human Rights Defenders dont le père, Aref Jaber, est aussi un activiste local et fait partie de HRD] filmait la scène à distance. Quand les soldats ont vu qu'ils étaient enregistrés, ils ont libéré le garçon qu’ils détenaient et fouillaient.

Abdullah : Le fait que des enfants soient capables de documenter les crimes des forces d'occupation israéliennes les effraie vraiment. La nouvelle loi [la Knesset envisage actuellement une loi interdisant de photographier ou de filmer de soldats en fonction , sous peine de 10 ans de prison) prouve que ce que nous faisons fonctionne, que cela fait une différence. Un enfant peut briser l'image d'Israël juste avec une caméra.

Saleh : La caméra est notre arme pacifique.

Que voulez-vous faire quand vous serez plus âgés ?

Saleh : Nous voulons tous les deux être journalistes, pour pouvoir continuer à montrer les crimes de l'occupation israélienne. Je veux travailler avec les médias internationaux, comme Al-Jazeera, parce que cela touche plus de monde.

Abdullah : Moi aussi. Nous voulons montrer au monde entier - les Arabes, les Israéliens et la communauté internationale - les méfaits de l'occupation.

Saleh : Je veux aussi continuer de travailler pour HRD.

Abdullah : Mais HRD n'est pas international, tu sais.

Saleh : Je ferai les deux!

Comment obtenez-vous les meilleurs clichés ?

Saleh : Il faut tenir le poignet qui filme avec l’autre main et garder votre bras qui tient l'appareil près du corps, pour l'empêcher de trembler.

Abdullah : Il faut se souvenir de la règle des tiers - utiliser la grille sur la caméra pour équilibrer ce qui est dans le cadre et laisser un espace au-dessus de la tête de la personne que vous filmez pour montrer où l'incident se produit. Nous pouvons également escalader les murs et les toits pour avoir une meilleure vue car nous sommes plus petits que les autres - ce qui peut être un avantage !

Photo
Les garçons nous montrent comment maintenir la caméra immobile


Saleh : La principale chose à retenir est de rester en sécurité : se tenir à l'écart des soldats et de la violence.

Vous êtes parmi les plus jeunes militants de toute la Palestine ! Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Abdullah : Nous estimons qu'il est de notre responsabilité de montrer à la communauté internationale la réalité ici, et un jour nous espérons aller à l'étranger pour dire au monde ce qui se passe. J'aime faire ça.

Saleh : Moi aussi. C'est un message important que nous voulons dire au monde - il y a des enfants ici qui essaient de vous montrer ce qui se passe. L'occupation n'est pas seulement un problème pour les adultes, mais aussi quelque chose dont les enfants souffrent dès leur naissance. Nous documentons les injustices quotidiennes commises par les forces israéliennes, ce qui prouve que même les enfants peuvent utiliser la résistance non-violente pour combattre l'occupation.

Abdullah : Nous enregistrons des exemples de ce que les enfants doivent subir sous cette occupation militaire de notre propre point de vue, comme l'arrestation d'enfants. Nos vidéos peuvent être utilisées par la Cour pénale internationale. Nous téléchargeons notre matériel sur YouTube et ensuite nous pouvons réaliser des documentaires, que de nombreuses plateformes médiatiques utilisent.

Y a-t-il autre chose que vous voulez dire aux gens qui liront votre entretien ?

Saleh : Nous aimerions encourager plus d'enfants en Palestine à s'impliquer en apprenant à documenter l'occupation brutale et à exposer la violence qui se produit chaque jour.

Abdullah : Nous voulons demander aux enfants du monde entier de prendre une caméra comme une arme pacifique à utiliser contre toute injustice, même minime.

ooOOoo


Toutes les vidéos présentées ont été filmées par Abdullah ou Saleh pour Human Rights Defenders.

* Retrouvez Human Rights Defenders et leur travail sur leur page Facebook.

* Signez la pétition demandant au parlement israélien de s'opposer au projet de loi criminalisant la documentation des soldats ici.


Photo
Les garçons s’amusent d’être pour une fois de l’autre côté de la caméra, sous l’œil étonné d’un de leurs copains




Source : Palsolidarity

Traduction : MR pour ISM

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