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Bilin -

“Le sens du devoir” – entretien avec un journaliste de Bil’in

Par

> jody.mcintyre@gmail.com

Jody McIntyre est une journaliste du Royaume Uni et elle vit actuellement à Bil’in, en Cisjordanie occupée. Jody a une infirmité motrice cérébrale et elle voyage en fauteuil électrique. Elle écrit sur son blog, « Life on Wheels ».

Haitham al-Katib est journaliste, il vit à Bil’in, village de Cisjordanie occupée. Au cours des derniers mois, les villageois ont été victimes d’invasions nocturnes constantes de l’armée israélienne. Le but de ces raids est d’écraser la campagne de résistance non violente menée par le village contre la confiscation de ses terres. Al-Katib filme les raids, ainsi que les manifestations non violentes hebdomadaires contre le mur, et il est devenu une personnalité bien connue pour ses reportages courageux sur la lutte. Jody McIntyre, qui écrit pour The Electronic Intifada, et qui est basée à Bil’in, l’a interviewé sur son travail.

“Le sens du devoir” – entretien avec un journaliste de Bil’in


Haitham al-Katib chez lui avec son fils Mohammed (photo Hamde Abu Rahme)

Jody McIntyre : Quelle est votre vie de tous les jours, actuellement ?

Haitham al-Katib : A cause des raids, la nuit, je ne dors pas, je parcours le village avec des amis et des militants internationaux, pour surveiller les soldats. Ils arrivent masqués, avec des chiens, et pénètrent en force dans les maisons sans frapper aux portes, la plupart du temps entre 2 et 4h du matin, alors maintenant nos enfants sont terrifiés à l’idée que leur maison sera la prochaine. A 15 ans, j’ai été moi-même emprisonné, alors je sais ce que l’on ressent. Je n’étais qu’un gosse, et j’avais vraiment peur, alors aujourd’hui, je ressens la responsabilité d’essayer de mettre fin à ce qui se passe pour la prochaine génération.

Les vendredis, je filme les manifestations non violentes contre le mur. Les forces d’occupation ont volé plus de la moitié de nos terres pour construire les colonies et le mur, alors nous protestons. Cette année, lors d’une de ces manifestations, ils ont tué un ami proche, Bassem Abu Rahme. Il avait les mains en l’air et il leur disait de ne pas tirer parce qu’ils avaient blessé une Israélienne, et ils l’ont assassiné là. J’étais photographe, mais après cet incident, j’ai réalisé combien les vidéos sont importantes pour montrer la vérité ; l’armée israélienne a prétendu plus tard que Bassem leur lançait des pierres lorsqu’il a été tué. Je photographiais Bassem à ce moment là, et j’ai cru qu’il n’était que blessé, mais lorsque j’ai réalisé que quelque chose n’allait pas, le choc m’a fait lâcher mon appareil.


JM : Quel est l’impact des raids nocturnes sur votre vie de famille ?

HK : J’ai perdu mon boulot d’électricien depuis que les raids nocturnes ont commencé, ma famille et moi sommes donc maintenant dans une situation financière très difficile. Pas seulement ma famille, mais tous dans le village dorment habillés, craignant d’être la prochaine personne à être tiré du lit avec une arme automatique pointée sur le visage. Je ne dors plus chez moi, parce que je sais qu’il peut y avoir une autre invasion, et je veux que mes enfants dorment.

Mon plus jeune fils, Karme, a 2 ans ; on a diagnostiqué une leucémie lorsqu’il n’avait que 8 mois. Je l’emmenais à l’hôpital tous les jours à Jérusalem, mais depuis récemment, je rencontre de plus en plus de difficultés pour obtenir le permis nécessaire des autorités israéliennes, alors c’est ma femme qui y va. L’autorité palestinienne payait pour les soins de santé de Karme, mais on ne peut pas compter sur son soutien – au début de cet année, ils ont cessé de payer pendant un mois, et j’ai du trouver 20.000 NIS (env. 3.800€) pour les frais médicaux. Ma famille ne peut pas se permettre de tels frais hospitaliers.


JM : Pourquoi filmez-vous les attaques nocturnes ?

HK : Parce que j’ai l’impression qu’il est de mon devoir de montrer au monde la réalité de ce qui se passe à Bil’in. Et également parce que je pense que si ma caméra n’était pas là, les soldats israéliens seraient encore plus brutaux, et resteraient dans le village plus longtemps pendant les raids. Nous sortons aussi dans l’intention de stopper les arrestations violentes de nos enfants, même si cela s’avère impossible.


JM : Avez-vous été blessé pendant que vous filmiez ?

HK : Oui, plusieurs fois ! Lors d’une récente attaque nocturne, les soldats ont essayé de m’empoigner mais je me suis mis à courir et je me suis entaillé la jambe à un morceau de métal qui dépassait d’une voiture. Les soldats m’ont laissé lorsqu’ils ont vu que j’étais étendu par terre.

En fait, ils m’attaquent souvent pendant les raids et ils essaient de casser ma caméra. Lors des raids les plus récents, ils y ont réussi – un des soldats m’a vu en train de filmer et il a attrapé l’écran de ma caméra et il l’a arraché.

J’ai aussi été blessé de nombreuses fois pendant les manifestations non violentes hebdomadaires contre le mur. Une fois, j’étais en train de prendre des photos lorsqu’un soldat m’a dit que si je n’arrêtais pas, il allait me tirer une balle dans la tête. Je ne l’ai pas cru, alors je me suis mis sur le côté et j’ai continué à prendre des photos. Il m’a tiré une balle caoutchouc-acier juste entre les deux yeux, qui m’a fracturé le crane. Alors que j’étais en soins intensifs, j’avais en tête une seule question : « Pourquoi ? » Je n’avais rien fait de mal, je prenais juste des photos, mais peut-être que les soldats ne veulent pas que le monde entier voit la vérité sur leurs actions, pendant qu’ils vantent la « démocratie » israélienne dans les grands médias.

Mais il ne s’agit pas que de moi ; des centaines de gens, dont de nombreux journalistes, ont été blessés pendant les manifestations non violentes.


JM : Quels sont vos projets pour l’avenir ?

HK : Je rêve d’apprendre à beaucoup de gens dans mon village comment filmer, pour que lorsque des enfants sont kidnappés, leurs mères puissent montrer les images au monde entier.

La semaine prochaine, je vais en Suisse avec Shai Pollak, un militant et réalisateur israélien, qui est un bon ami, pour montrer Bil’in, Habibi (un film qu’a fait Shai sur la campagne de résistance non violente de notre village) au Festival : Biennale libre de l'Image en Mouvement, à Genève.

J’espère que ce film servira à montrer au monde que le mur n’est pas là pour des questions de sécurité, comme le prétend Israël, mais seulement pour voler nos terres et construire des colonies illégales.


JM : Voyez-vous la fin à l’occupation ?

HK : Je pense que notre lutte pour la liberté devra continuer encore longtemps, mais je crois profondément que nous y arriverons un jour. Si toute la Palestine suit le modèle de Bil’in, nous serons libre.

Source : Electronic Initifada

Traduction : MR pour ISM

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