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ISM France - Archives 2001-2021

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Naplouse -

A Awarta, le châtiment collectif continue

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La famille 'Awwad a traversé nombre d'épreuves depuis mars 2011, les multiples raids des soldats de l'occupation dans leur maison, le harcèlement des colons et les cochons sauvages lâchés dans ses récoltes, les convocations pour interrogatoire du père, une maladie cardiaque et divers autres problèmes de santé de la mère, et les traumatismes profonds des jeunes enfants. Le mois dernier, le 4 septembre vers 22h, la famille a subi une nouvelle attaque. Des soldats sont arrivés la nuit et ont enfoncé la porte, même si la mère, Nouf, a tenté de leur expliquer qu'ils n'avaient pas à le faire parce qu'elle pouvait simplement l'ouvrir. Mais ses paroles sont tombées dans l'oreille de sourds.Ils ont pointé leurs fusils et leurs faisceaux laser sur les enfants. Le père, Mazen, qui est agriculteur, n'était pas encore de retour à la maison. Ils ont ordonné à la famille de s'enfermer dans une pièce et ont commencé à saccager l'intérieur de la maison : meubles détruits, cadres arrachés des murs, coussins éventrés.

A Awarta, le châtiment collectif continue

Mazen 'Awwad avec quatre de ses enfants (Photo Lazar Simeonov)
"Regarde ces coussins," dit Nouf. "Mes enfants me l'ont donné le jour de la Fête des Mères. Les soldats l'ont tailladé au couteau et ont vidé le rembourrage."

Un côté du coussin, orné d'un M argenté pour "Mère", a l'air intact. Sur l'autre côté, la déchirure que Nour a essayé de recoudre ressemble a une vilaine cicatrice.

Puis les soldats ont ordonné à George, le fils aîné de 22 ans, étudiant à l'université, de venir dans le salon pour être interrogé. Nouf aussi a été appelée, et comme elle continuait de protester contre la présence des soldats chez elle, les soldats lui ordonné de se taire. Elle a refusé et un soldat lui a lancé un vase à la tête, qu'elle a réussi à éviter et qui s'est brisé contre un mur.

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L'armée d'occupation à Awarta, pendant les rafles de mars-avril 2011 (photo ISM)


Mazen est alors arrivé pour trouver sa maison entièrement encerclée par des soldats. Son fils George était déjà menotté et des soldats l'entraînaient vers un des véhicules militaires.
La dernière fois que George a été arrêté, c'était pour témoigner contre son jeune frère Hakim et son cousin Amjad. Il a passé cinq mois en prison, la durée des interrogatoires. Ses parents ont dû payer une caution de 3000 shekels pour qu'il soit libéré.

La récente arrestation de George, le 4 septembre, préoccupe son père parce qu'il va manquer sa dernière année à l'université An-Najah, à Naplouse, où il fait des études d'économie. Mazen explique qu'habituellement, les familles à faible revenu reçoivent une aide financière lorsqu'un membre de la famille est arrêté, mais la famille 'Awwad n'a reçu aucune aide du ministère des Affaires des Prisonniers, bien qu'elle ait rempli divers formulaires, et elle a réglé elle-même la caution.

Dans le salon, un officier du renseignement qui avait interrogé Mazen auparavant l'a menacé avec un couteau et lui a dit en arabe que le harcèlement de la famille et la destruction de la maison était une punition pour avoir "donné naissance à Hakim et pour donner une leçon à tout le village."

Accusé de meurtre, personne n'écoute l'histoire d'Hakim

Hakim est le deuxième fils des 'Awwad ; il avait 17 ans et il faisait ses études secondaires lorsqu'il a été arrêté par l'armée d'occupation le 5 avril 2011, dans le cadre de la répression militaire mené contre le village (600 arrestations et blocus du village pendant plusieurs semaines) en réponse au meurtre brutal de cinq membres de la famille Fogel en mois plus tôt, dans la colonie illégale Itamar, construite sur la terre volée au village d'Awarta.

Avant que quiconque soit accusé du meurtre de la famille de colons, le village a été l'objet de formes répétées de châtiment collectif par l'armée israélienne, dont des rafles, des raids dans les maisons, des emprisonnements et des interrogatoires sans inculpations et les bouclages de tout le village. Les villageois ont tous subi une enquête massive et des procédures humiliantes, comme des prélèvements d'échantillons d'ADN des femmes arrêtées, et un an et demi plus tard, ces mesures répressives n'ont toujours pas cessé.

Nouf elle-même a été arrêtée lors de cette campagne d'intimidation, ainsi que sa fille aînée, Julia. Les soldats l'ont arrêtée à son domicile un après-midi à 13h. Elle allaitait à l'époque sa plus jeune fille, Shahd, et pendant sa détention, elle n'a cessé de demander aux soldats de lui emmener son bébé, mais ils ont refusé. Elle a été relâchée la nuit suivante à 23h, ce qui veut dire que sa fille est restée sans nourriture pendant 22 heures.

Mazen a été convoqué pour interrogatoire avant l'arrestation d'Hakim. Lorsqu'il est arrivé à la base militaire, il a eu les yeux bandés, il a été menotté, insulté et interrogé pendant plus de 15 heures sur l'implication d'Hakim dans les meurtres. Les soldats lui ont demandé de revenir au village dire comment Hakim avait commis les meurtres, et lorsqu'il a refusé, ils lui ont tordu un bras.

L'enquête militaire a été mise sous secret jusqu'à ce qu'elle soit terminée, et quand l'ordonnance de non publication a été levée, ce fut pour révéler que deux jeunes gens avaient avoué.

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Amjad et Hakim 'Awwad


Hakim et Amjad ''Awwad (cousins), âgés de 17 et 19 ans, ont été jugés et reconnus coupables par le tribunal militaire de Salem d'avoir poignardé les parents et deux des trois enfants de la famille Fogel - dont un bébé de 3 mois. Le troisième enfant a été tué au fusil automatique F-16.

Un an avant l'assassinat de la famille Fogel, deux jeunes cousins, Saleh, 18 ans, et Muhammad, 19 ans, avaient été attaqués par des colons israéliens alors qu'ils travaillaient dans leurs champs puis tués par l'armée israélienne lorsqu'elle est arrivée sur les lieux. On a dit que l'assassinat de la famille Fogel venait en représailles aux attaques.

Malgré cela, beaucoup dans le village étaient convaincus que l'assassinat des Fogel avait été perpétré par un jardinier philippin ou thaïlandais que les Fogel n'avaient pas payé [ce fut d'ailleurs la première piste suivie par les enquêteurs israéliens, ndt], version reprise par les médias palestiniens, qui ont émis de forts doutes sur l'authenticité des "aveux" des deux jeunes, qui ont pu être extorqués sous la contrainte puisque pendant toute l'enquête, on n'a entendu que la version israélienne.

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Une famille d'Awarta constate les dégâts dans sa maison après un raid de l'armée israélienne, le 8 avril 2011


D'après l'enquête israélienne, Hakim et Amjad auraient décidé de mener l'attaque à peine quelques heures après l'avoir évoquée. Ils auraient quitté le village à 21h, sous la pluie, et marché pendant 10mn avant d'arriver à la colonie. Ils se seraient infiltrés alors dans la colonie après avoir escaladé la clôture de sécurité, traversé une "no-go zone" puis se seraient introduits dans la maison d'un colon où ils auraient volé un fusil automatique F-16 et plusieurs chargeurs.

Puis ils seraient partis dans la maison de la famille Fogel pour poignarder quatre personnes et tirer sur la cinquième. Les voisins n'auraient pas entendu les coups de feu à cause de la pluie.

Ils auraient quitté la colonie vers 23h. Le crime a été découvert par la fille de la famille lorsqu'elle est rentrée. On a dit que Hakim et Amjad ont été aidés par l'oncle d'Hakim, Selah ''Awwad, ancien prisonnier politique et membre du FPLP, qui auraient caché les couteaux qui auraient servi à l'attaque et brûlé les vêtements que portaient les adolescents.

"Je n'ai aucun moyen de savoir si mon fils a commis cet acte atroce ou non," dit Mazen. "Je n'ai pu ni le voir ni lui parler depuis son arrestation, il y a 17 mois. Tout ce que j'ai pu entendre sur l'enquête, c'est ce que m'a dit l'officier du renseignement israélien pendant mon interrogatoire. Je n'ai pas pu, et je ne pourrai pas entendre la version de Hakim."

"Il ne l'a pas fait," déclare Nouf. "Mon fils n'est pas un assassin. C'est un bon garçon, et il a beaucoup aidé son jeune frère. Comment aurait-il pu assassiner toute une famille et aller à l'école, quelques heures après ? Son comportement n'a pas du tout changé, il n'y avait rien de suspect dans sa façon d'agir."

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En arrière-plan d'Awarta, la colonie illégale d'Itamar, lourdement fortifiée, encerclée d'un mur (plus visible sur la photo ci-dessous) et d'une clôture, dans laquelle les deux jeunes Palestiniens auraient pénétré sans donner l'alerte.


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Des enfants traumatisés, des parents épuisés

Un autre raid a visé la famille ''Awwad le 29 août dernier, à 3h du matin. Des soldats israéliens ont assiégé le domicile familial et ont obligé la famille à attendre dehors, pendant qu'ils saccageaient à nouveau la maison. Lorsque les soldats ont autorisé la famille à rentrer, un d'entre eux a marché sur la jambe du plus jeune fils.

Nouf explique que son plus jeune fils, Jibril, 9 ans, est né avec un problème aux jambes et il ne peut pas marcher normalement. Il a eu plusieurs opérations et ses jambes étaient dans le plâtre.

"Comment va-t-il grandir ?" interroge-t-elle tristement. "Il ne va pas bien, d'un point de vue psychologique."

Beaucoup de choses effraient les enfants. Ils ont peur quand quelqu'un frappe à la porte, ils font des cauchemars et crient souvent pendant leur sommeil. Ils ont perdu l'appétit et ont des difficultés de concentration à l'école. La petite Nour, 10 ans, était une des meilleures élèves à l'école, mais "maintenant, elle peut à peine ouvrir un livre," dit Nouf.

Mazen intervient pour dire qu'aucun organisme local ou international n'a offert d'aider la famille pour faire face aux raids, ni n'a proposé un appui juridique pour prouver l'innocence d'Hakim, ou tout au moins pour rouvrir l'enquête et la mener de façon impartiale.

"Il faut aussi que je m'occupe de mes six autres enfants - que puis-je faire ?" dit-il, le regard vide. "Hakim a été condamné à 500 ans de prison."

"Qu'avons-nous fait pour mériter tout cela ?" demande Nouf, épuisée. "On nous interdit de voir notre fils. Seules sa grand-mère et sa sœur de 10 ans sont autorisées."
Il est difficile de dire si Amjad et Hakim 'Awwad ont commis ou non le crime, principalement parce que, comme mentionné plus haut, pendant la période la plus importante de l'affaire, les autorités israéliennes l'ont placée sous secret, qui n'a été levé qu'après les "aveux" des adolescents.

Mais une chose est sûre - le châtiment collectif de tout un village, et en particulier de la famille 'Awwad, contrevient à toutes les règles et revient à une violation massive des droits de l'homme et en particulier de l'Article 33 de la Quatrième Convention de Genève, qui stipule que "les peines collectives, de même que toute mesure d'intimidation ou de terrorisme, sont interdites."

Le dernier commentaire de Nouf dit tout : "Où est la démocratie dont ils parlent ? Ce que les soldats nous ont fait est pire que le pire des films d'horreur. Même si Hakim a commis ces crimes, la famille mérite-t-elle tant de punitions ?"


Note ISM-France - A la mi-avril 2011, le gouvernement israélien a mis à profit l'assassinat de la famille Fogel pour approuver, "en représailles", la construction de 500 nouvelles maisons dans les colonies de Cisjordanie occupée. (Ha'aretz, 13 mars 2011)




Source : Uruknet

Traduction : MR pour ISM

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