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Boycotter Israël est plus urgent que dans le cas de l'Afrique du Sud, dit Farid Esack, vétéran de la lutte anti-apartheid

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06.04.2015 - Farid Esack, professeur d'études islamiques à l'Université de Johannesburg, a été confronté à de fortes oppositions du lobby sioniste en France lors d'une tournée prévue en France pour une série de conférences sur les parallèles entre les apartheids israélien et sud-africain. Suite aux pressions, les conférences à Paris et à Toulouse ont été interdites.

Boycotter Israël est plus urgent que dans le cas de l'Afrique du Sud, dit Farid Esack, vétéran de la lutte anti-apartheid

Farid Esack, à droite avec la veste rouge, au milieu des militants à Toulouse le 31 mars, dans la rue, suite à l'annulation de sa conférence par la mairie.
Vétéran du militantisme anti-racisme, Esack a également défendu les droits des femmes et des gens vivant avec le SIDA. Le regretté Nelson Mandela l'a nommé commissaire à l'égalité des sexes. Il est actuellement président du comité BDS Afrique du Sud, groupe de soutien à l'appel palestinien au boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre Israël.

J'ai discuté avec Esack sur sa tournée de conférences en France.

Adri Nieuwhof : Vous êtes allé en France pour une tournée de conférences dont certaines ont été annulées. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé ?

Farid Esack : Il y a eu énormément de pression sur les 7 universités où j'étais censé parler. Seule l'université de la Sorbonne, à Paris, a interdit ma conférence. Elle a soutenu que l'interdiction avait été prise pour des raisons techniques parce que la demande d'autorisation aurait été remplie de manière incorrecte. Les étudiants ont essayé de négocier avec l'université pendant une semaine pour corriger l'erreur, mais l'université a maintenu son refus.

Je pense que le formulaire incorrectement rempli est un prétexte avancé par la Sorbonne. Les étudiants ont fait remarquer que cela fait des années que le syndicat étudiant remplit des formulaires comme celui-ci, et que l'université n'a jamais attiré leur attention sur des erreurs par le passé. La seule explication plausible à laquelle nous sommes arrivés, c'est que la pression de l'Union des étudiants juifs en France est derrière les interdictions.

Ma conférence à une réunion publique à Toulouse a également été interdite dans une salle municipale par le maire de Toulouse, sur la base des mêmes allégations qui ont été envoyées par courrier aux universités. Essentiellement, elles disent que je suis antisémite et que j'ai, en tant que président de BDS Afrique du Sud, soutenu et/ou fomenter des actions de protestation violentes en Afrique du Sud.

AN : Que s'est-il passé après l'interdiction ?
FE : Il ressort que la Sorbonne est parvenue à un accord tacite avec la police selon lequel j'avais le droit de tenir ma conférence à l'extérieur, devant la porte principale de l'université. Une vingtaine de personnels de la sécurité se tenaient debout en face de moi pour nous empêcher d'entrer. J'avais des militants sur ma droite et sur ma gauche. Mais ce qui est très intéressant, c'est que le principal adjoint de l'université est venu m'accueillir et a regretté que l'université ait dû interdire ma conférence publique. Il est resté pendant toute ma conférence et il est venu me remercier à la fin. A Toulouse aussi nous avons résisté à l'interdiction. J'ai fait ma conférence à l'extérieur de la salle.

AN : Des groupes pro-Israël et sionistes attaquent régulièrement le mouvement BDS et ses militants. Cette fois, c'est vous qui avez été visé. Comment évaluez-vous de telles attaques ?

FE : Ils ont fait une énorme erreur tactique en m'attaquant parce que le BDS dans l'ensemble est profondément engagé contre toutes les formes de racisme, y compris l'antisémitisme. Mais dans ce cas particulier, ils avaient affaire à un personnage qui a constamment parlé contre l'antisémitisme. Ces 25 dernières années, j'ai abordé la question de l'antisémitisme en général, mais plus particulièrement au sein de la communauté musulmane. C'est la raison pour laquelle mes collègues ont pu se rallier à mon soutien.

Le lobby pro-israélien place très commodément le récit BDS à l'intérieur de l'histoire de l'antisémitisme européen, où les nazis furent les premiers à lancer un appel à boycotter les juifs. Mais il le fait d'une manière très calculée, stratégique et manipulatrice.

Ces mêmes sionistes, par exemple, en Europe, et plus particulièrement en Israël, s'empressent de demander des sanctions contre l'Iran. Ils ne disent pas un mot sur les torts causés au peuple iranien. Ce n'est que dans le cas des juifs qu'ils invoquent l'histoire de l'antisémitisme nazi.

Les mêmes Européens qui nous accusent et invoquent le discours antisémite nazi, ces mêmes Européens seraient heureux d'imposer des sanctions contre la Russie à cause des prétendues manœuvres russes en Ukraine. Les mêmes pays seraient tous d'accord pour imposer des sanctions, disons, sur la Corée du Nord ou sur le Zimbabwe. Les mêmes Etats-Unis qui invoquent l'argument de l'antisémitisme imposent des sanctions contre Cuba depuis cinquante ans.

Il n'y a donc aucun argument de principe. C'est simplement un dispositif sournois, technique de la part du lobby sioniste qui consiste à faire appel à la culpabilité des Européens et autres Occidentaux pour un crime qui a été commis par les Européens contre d'autres Européens. Cela n'a rien à voir avec les Palestiniens.

Notre discours sur le boycott, ils le savent fort bien, se situe dans une tradition à gauche, dans une tradition progressiste. Parlons, par exemple, du choix d'acheter des produits du commerce équitable, des produits où le maximum de bénéfices vont aux agriculteurs. En choisissant le commerce équitable, vous boycottez d'autres produits qui maximisent les profits des intermédiaires et des exploiteurs et hommes d'affaires capitalistes à la fin de la chaîne alimentaire.

Ou quand un végétarien décide de ne pas manger de viande, de boycotter la viande, les végétariens n'ont rien contre l'agriculteur. Le végétarien fait un choix éthique, je ne veux pas participer à la cruauté infligée aux animaux. Le végétarien est un militant du boycott, du désinvestissement et des sanctions par rapport à la cruauté infligée aux animaux.

Ainsi le mouvement BDS se situe dans un discours progressiste, humaniste et de gauche. Il n'a rien à voir avec le discours nazi. Le lobby pro-israélien le sait parfaitement bien. C'est simplement une question d'opportunité, jouer la carte de la culpabilité avec l'Europe et les Etats-Unis.

AN : Comment évaluez-vous le rôle du mouvement BDS contre Israël en comparaison avec l'activisme BDS contre le régime d'apartheid en Afrique du Sud ?

FE : La lutte sud-africaine n'a fasciné que pendant les cinq dernières années avant la fin de l'apartheid. Mandela n'a fasciné qu'après sa libération et qu'il soit devenu le réconciliateur. Mais le BDS était bien vivant depuis 25 ans. Cette année, nous célébrons les 10 ans du BDS contre Israël. Il est beaucoup plus développé, il a remporté beaucoup plus de victoires que n'en avait engrangées le mouvement anti-apartheid lorsqu'il avait dix ans.

Une autre différence est que l'Afrique du Sud n'a jamais eu comme projet l'importation sur son sol de tous les blancs du monde. BDS est aux prises avec un mouvement qui a comme projet fondamental l'importation d'autres colons, d'autres colonisateurs en provenance d'autres parties du monde. En Afrique du Sud, nous étions aux prises avec un colonialisme installé. Dans le cas d'Israël, vous avez affaire à un colonialisme continu et qui s'enracine jour après jour. La nature de l'ennemi, l'étendue de sa brutalité et sa détermination s’accélèrent chaque jour.

En tant que mouvement BDS, nous sommes confrontés à des défis. Contrairement à l'Afrique du Sud, où nous avions un mouvement de libération clairement ciblé, les forces du mouvement de libération en Palestine sont très amputées. Vous avez l'équivalent de ces gouvernements sud-africains qui continuent de faire semblant d'être des mouvements de libération, alors qu'ils se sont vendus. Puis vous avez de très grands mouvements de résistance, toute la société civile de Palestine et, en théorie, tous les partis politiques qui ont appelé au BDS.

Après le Printemps arabe, la solidarité pro-palestinienne des pays en première ligne s'est complètement effondrée. En Afrique du Sud, nous avons pu compter sur le soutien - à différents degrés - de tous les pays voisins à l'exception du Malawi. La Palestine est entourée de régimes collaborationnistes et clientélistes à la solde de l'Occident. Non seulement on ne peut attendre aucun soutien de leur part, mais au contraire, dans certains cas, par exemple celui de l'Egypte et de l'Arabie saoudite, ils ont de fait rejoint le camp de l'ennemi et collaborent activement avec l'Etat israélien pour détruire le mouvement de résistance.

Ceci rend l'urgence et la nécessité d'un mouvement BDS beaucoup plus cruciales qu'elle ne l'était dans le cas de l'apartheid en Afrique du Sud.

A cause des succès de BDS, le lobby israélien a réellement amélioré son jeu. Avec chaque victoire que nous avons remportée, nous nous créons davantage de travail. Le défi est de savoir comment transformer le large niveau que nous avons dans la plupart des pays du monde en une base de militants encore plus importante pour s'atteler à la multiplication des tâches et aux urgences plus grandes auxquelles nous sommes confrontés.


Source : Electronic Intifada

Traduction : MR pour ISM

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