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Gaza -

Les disparus de Gaza hantent les survivants

Par

Hamza Abu Eltarabesh est journaliste indépendant et écrivain à Gaza.

8 novembre 2016 – Le 31 juillet, des ouvriers déblayant les décombres d’une maison détruite dans le bombardement israélien de 2014 sur le quartier Shujaiya de Gaza-ville ont découvert des ossements humains. La police a été appelée et les restes ont été emmenés pour examen. Mais l’identification s’est avérée impossible, a dit plus tard Ayman al-Batniji, porte-parole de la police de Gaza à The Electronic Intifada. Les restes, a-t-il dit, ont depuis été enterrés et étaient ceux d’un enfant d’environ deux ans.

Les disparus de Gaza hantent les survivants

Un panneau d’affichage indique l’emplacement où Juma al-Hams (premier à gauche) et deux autres combattants ont été tués. Le quatrième combattant sur le panneau a été tué dans un incident séparé (Emad Shaat)
« Nous n’avons pas pu identifier le squelette, mais nous pensons qu’il appartient à un des martyrs de la dernière guerre car il a été découvert dans le déblaiement d’une des maisons bombardées alors. »

La découverte rappelle de façon lugubre que deux ans après l’attaque israélienne de 2014 contre la Bande de Gaza, des gens sont toujours portés disparus, très probablement morts.

Le ministre de la Santé de Gaza admet ne pas en connaître le nombre exact. Il essaie toujours de faire le suivi avec les groupes locaux de défense des droits de l’homme et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a déclaré le porte-parole du ministre Ashraf al-Qedra.

Le CICR, qui s’occupe des affaires liées aux prisonniers palestiniens ou à ceux dont les corps ont été enterrés par Israël, suit six affaires de personnes disparues, selon la porte-parole Suhair Zakkout.

Mais les cas traités par le CICR ne sont que ceux des familles qui l’ont saisi. Certaines n’ont pas signalé leurs proches disparus au CICR simplement parce que rien ne suggère qu’ils ont été pris. D’autres, dont les proches ont pu être des résistants actifs, ne veulent fournir aucune information à Israël.

Le chagrin d’un père

Tous les jours après les prières de l’aube, Hussein al-Hams, 66 ans, va à la recherche de son fils Juma dans les décombres d’un immeuble à l’est de Rafah, la ville la plus au sud de Gaza. Juma a été porté disparu le 1er août 2014, il avait 22 ans. La journée a été appelée le Vendredi Noir.

Le Vendredi Noir fait en réalité partie de quatre jours. Ce fut un épisode particulièrement brutal des 51 jours dévastateurs d’attaques israéliennes contre Gaza qui ont tué plus de 2.200 Palestiniens.

L’offensive écrasante est survenue après que des combattants Hamas ont capturé un soldat israélien et que l’armée israélienne a lancé sa Directive Hannibal (1) en réponse – l’autorisant à user une puissance de feu massive et aveugle dans toute la région où le soldat pouvait se trouver pour empêcher qu’il soit capturé vivant.

Selon Amnesty International, entre 135 et plus de 200 civils sont morts dans les bombardements avant le cessez-le-feu du 4 août. Beaucoup d’autres ont été blessés et des centaines de maisons et de bâtiments ont été détruits.

Parmi eux, un immeuble de plusieurs étages appartenant à la famille al-Sarafandi. A l’intérieur se trouvaient Juma, Rami al-Sarafandi et Ahmad Khalifa, selon le bureau de Rafah des Brigades Qassam, la branche armée du Hamas, qui a revendiqué l’appartenance des trois au mouvement et qui a annoncé qu’ils étaient tous morts.

Mais seuls deux corps ont été trouvés, ceux de al-Sarafandi et Khalifa. Le père de Juma s’accroche à l’espoir que d’une manière ou d’une autre son fils a échappé au sort des deux autres. Il continue de revenir à l’immeuble al-Sarafandi pour fouiller dans les décombres à mains nues.

« Puisqu’il n’y a pas de corps ni trace de mon fils, je continue à faire la même chose jusqu’à ce que j’ai des nouvelles de Juma ou que je trouve son corps, » a dit al-Hams à The The Electronic Intifada.

Husam, 36 ans, frère aîné de Juma, ne partage pas l’espoir de son père.

« Je suis sûr que mon frère a été tué. Il n’est pas possible qu’il soit toujours vivant ou qu’il ait été arrêté par Israël, » dit-il, citant l’annonce Qassam et le fait que trois jours de fouilles ont été consacrés à la recherche du corps.

« Nous espérons trouver quelque chose qui soulage la douleur de notre père. »

Mahmoud Fawda, un reporter local du journal al-Resala, était dans le secteur au moment du bombardement. Il dit qu’il est peu probable que quiconque ait pu échapper au bombardement.

« Le bombardement était comme un volcan, » a-t-il dit à The Electronic Intifada. « Il a détruit les maisons et laisser la zone méconnaissable. »

Suhair, 62 ans, la mère de Juma, est elle aussi convaincue.

« Les sentiments d’une mère ne mentent jamais. Je sais qu’il est mort, mais j’ai toujours espoir qu’on trouve son corps, ou même une partie de lui ; pour avoir une tombe où lui rendre visite, pour déposer quelques roses et lui lire le Coran. »

Husam pense à construire une tombe symbolique à la mémoire de son frère pour sa mère. Mais son père refuse l’idée. Sois patient, dit-il à Husam.

La disparition de Nour

Un peu plus au nord de Rafah, la famille de Nour Omran, à Khan Younis, conserve l’espoir que l’adolescent, 16 ans quand il a disparu, est toujours en vie.

La famille est en contact avec des organisations de défense des droits de l’homme, ont expliqué des membres de ces organismes à The Electronic Intifada, pour vérifier s’il a été capturé par Israël ou tué.

Le cas de Nour, l’un des six dont s’occupe le CICR, est l’un des plus déroutants. Il a disparu le 23 juillet 2014 dans le village d’al-Qarara, à l’est de Khan Younis, qui a été durement touché par l’offensive israélienne.

Rihab, 45 ans, la mère de Nour, fut la dernière à le voir avant sa disparition. Il était allé à la ferme avicole de la famille, dans le secteur, selon Rihab, et c’est seulement après qu’il soit parti que la famille a entendu que les troupes israéliennes avaient envahi la zone.

Lorsque la famille et les amis ont eu plus tard accès à la ferme, qui avait été détruite dans le bombardement, ils n’ont trouvé que la moto et les clés de Nour, dit Rihab à The Electronic Intifada. Il n’y avait aucune trace de sang ni autres signes de violence.

Photo
Muatasim Omran montre une photo de son frère Noor (MaanImages)


« Pour moi la guerre ne s’est jamais terminée, » dit Rihab. « Je ne sais toujours pas si mon fils est vivant ou mort. A-t-il été arrêté ? Tué ? Son corps est-il parmi les gravas ou chez les Israéliens ? Je ne sais toujours pas. »

La famille a fourni des échantillons d’ADN au CICR pour les donner aux autorités israéliennes pour savoir s’il était détenu – mort ou vivant. Mais selon Zakkout, du CICR, alors qu’il y a eu au début une coopération, une fois que les échantillons ont été remis, début 2015, il n’y a eu aucune réponse de la part des Israéliens.

« Israël a répondu au début, mais après la remise des échantillons d’ADN, la coopération a cessé, » a dit Zakkout, ajoutant que le CICR continue de suivre l’affaire avec Israël.

Obstruction délibérée

Mervat An Nahhal, directeur du service d’aide juridique du Centre pour les droits de l’homme Al-Mezan, a dit qu’Israël était resté globalement sourd aux demandes d’informations sur les six affaires suivies par les organisations.

Mais même si les six cas signalés restent sans solution, l’histoire ne s’arrête pas là, dit An Nahhal. « Ce chiffre de six disparus ne couvre pas tous les disparus. Dans beaucoup de cas, nous n’avons pas eu d’informations, et les familles ne sont pas entrées en contact avec nous ou nous n’avons pas eu leur autorisation pour ouvrir une enquête. »

La famille d’Omran continuera de vivre dans l’incertitude jusqu’à ce qu’elle apprenne ce qu’est devenu Nour.

« C’est beaucoup plus facile de savoir qu’il est mort plutôt que de continuer avec cette douleur, cette ignorance de son sort, » dit sa mère.

En mars 2015, HaMoked, un groupe israélien de défense des droits de l’homme, a rapporté que l’armée israélienne détient les corps de 19 Palestiniens tués pendant l’offensive de 2014. Selon la réponse de l’armée à leur demande d’accès aux informations en 2014, une identification concluante des corps n’a pas été réalisée, et l’armée n’a pas révélé où les corps avaient été enterrés.

Ces dépouilles appartiennent pour la plupart aux combattants Qassam, au moins 10 lors d’une seule infiltration de l’autre côté de la frontière de Gaza le 21 juillet 2014 – une attaque sur une position israélienne près de Nir Am, à l’est de Beit Hanoun à Gaza et à l’ouest de Sderot, ville israélienne proche du nord de Gaza.

Au total, sur les 19 corps qu’Israël admet détenir, 14 sont des combattants Qassam. Cinq sont inconnus.

Le groupe de défense des droits de l’homme basé à Ramallah Al-Haq a affirmé en novembre l’année dernière qu’ « en détenant les corps des tués, Israël viole directement ses obligations en vertu du droit international. » Le groupe a exhorté « Israël à rendre les corps des décédés à leurs familles pour qu’elles procèdent à l’enterrement et au deuil appropriés. »

Riad al-Ashqar, porte-parole du Centre palestinien d’études sur les prisonniers, a dit à The Electronic Intifada qu’Israël a deux considérations lorsqu’il traite la question des cadavres disparus. D’abord, il y a la dimension sécuritaire. Israël cache les renseignements dans le but d’aider les négociations lors de tout échange de corps ou de prisonniers.

Ensuite, a ajouté al-Ashqar, Israël « accroît volontairement les souffrances du peuple palestinien en général et des familles des disparus en particulier » pour en faire un forme de dissuasion.

Perdre espoir

Fayez Abu Shamalah, professeur à l’Université al-Aqsa et analyste politique qui a lui-même passé 20 ans emprisonné en Israël, a dit que l’armée israélienne est extrêmement prudente sur cette question avec l’intention de révéler le moins possible d’informations pour arriver en position de force à toute négociation d’échange avec le Hamas sur les prisonniers et les dépouilles.

En septembre, Lior Lotan, chef négociateur d’Israël, a dit que des discussions sur le retour des 19 corps avaient capoté, accusant le Hamas d’exiger la libération de prisonniers non originaires de Gaza.

A al-Tuffah, à l’est de Gaza-ville, Majid al-Batsh a cessé de chercher ses propres disparus. L’homme de 55 ans a perdu 18 membres de sa famille lors de deux frappes sur les maisons des familles le 13 juillet 2014.

Sur ces 18 morts, seuls 13 ont été comptabilisés. Les corps de 5 personnes, dont une femme enceinte et deux enfants, ainsi que celui du fils de Majid, Jalal, 26 ans à l’époque, n’ont jamais été retrouvés, dit-il.

Majid a cessé de chercher son fils. Il dit qu’il pense que Jalal a été réduit en cendres. Il y a deux mois, il a demandé aux personnels de la défense civile – qui passaient les décombres au crible pour identifier des restes humains, d’arrêter de chercher eux aussi.

(1) La Directive Hannibal ou procédure Hannibal est une directive secrète de l’armée israélienne dont l’objectif est d'empêcher la capture de soldats israéliens par des forces ennemies au cours des combats pour éviter d’avoir ensuite à entrer dans des négociations d’échanges avec l’adversaire. (ndt)


Source : The Electronic Intifada

Traduction : MR pour ISM

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