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ISM France - Archives 2001-2021

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Salfit -

Les villages oubliés de Salfit

Par

Après presque trois ans (passés) à Hares, il y avait encore quelques petits villages dans la région de Salfit où nous nous n’étions jamais allés. Du moins jusqu’à récemment.
Dernièrement, IWPS est allé voir les familles qui vivent dans ces zones, et parmi elles deux familles qu’on peut décrire comme vivant sur des "propriétés familiales" et une autre dans un "ancien village" sans population permanente actuellement.
Elles ont toutes été chassées d’autres région peuplées et aucune n’a l’électricité ou l’eau courante.

Tous les trois risquent de se retrouver du côté "israélien" du mur de Séparation, censé se construire pour la sécurité d’Israël. Ces séries de murs et de barrières ont pourtant volé et détruit des milliers de dunums de terres palestiniennes et des centaines de milliers d’oliviers. La plupart des villages eux-mêmes resteront en Cisjordanie . Ces petites zones de population sont l’exception.

Voici la chronique de nos visites


18 mars 2005
Izbet Abu Adam : 11 km à l’est de la Ligne Verte

Après avoir essayé sans succès d’obtenir des noms et des numéros de téléphone d’habitants de Izbet Abu Adam, nous avons simplement décidé de partir. Notre chauffeur de taxi nous a montré le magasin du fils d’Abu Adam à Sarta sur le chemin du barrage Qarawa puis nous avons continué à grimper le chemin tortueux et rocailleux qui mène à Izbet.
Nous sommes arrivés dans une famille déconcertée mais accueillante qui à coup sûr n’avait pas l’habitude de voir venir des étrangers, et moins encore des étrangers venus spécialement pour les voir eux, simplement parce que leur maison s’est trouvée indiquée sur une carte.

Izbet Abu Adam, c’est deux maisons, à tout le moins une grotte, deux puits, un palmier, de nombreuses cultures et beaucoup d’animaux, moutons, poulets et lapins. La famille possède un total de 150 dunums de terre et la zone qu’en fait on appelle Izbet Abu Adam ou "l'Izbe", comprend 35 de ces dunums.
Cette famille possède les actes de propriétés de la période ottomane, et vit ici sans discontinuer depuis au moins les années 1930. Dans les années 50, Abu Adam a construit une maison et a quitté la grotte, mais des membres de la famille ont continué à dormir dans la grotte pendant des années.

L’Izbe est un endroit calme et était même encore plus calme avant la construction à proximité d’une grande route pour colons qui leur a volé énormément de terre.

Les usines voisines de la colonie Barqan ont aussi confisqué la terre de cette famille et d’autres (familles) à Sarta quand sa zone sud a été construite en 1982 mais heureusement les colons et les autorités israéliennes n’ont pas encore tenté d’empiéter sur Izbe lui-même .

Presque tous les membres de la famille n’a jamais vu de carte du Mur et quelques uns d’entre eux ne savaient rien de son tracé, qui doit passer entre Sarta et Izbet Abu Adam, coupant cette famille de son école, de son travail et de tous les autres services.
Les enfants risquent de ne pas être trop contents car ils auront à faire quotidiennement des marches exorbitantes pour aller et revenir de l’école à Sarta, surtout dans la boue des mois d’hiver, mais c’est sûrement mieux que de ne pas aller du tout à l’école.
"Peut-être vont-ils obtenir la nationalité israélienne et ils iront dans des écoles israéliennes" avons-nous plaisanté, tout en sachant pertinemment que ça ne risquait pas d’être le cas.



24 mars 05
Izbet Abu Basal (et ses environs)
14km à l’est de la Ligne Verte, 8 km à l’ouest de la frontière est d’Ariel


Quand par la fenêtre de notre bureau, on observe au sud-ouest la route des colons et le haut de la colline, on remarque une maison.
D’après notre carte, ce serait Dar Abu Basal. Après avoir organisé un rendez-vous avec la famille qui y vit, nous nous mettons en marche par un beau jour pour aller aussi directement que possible de notre maison jusqu’à la leur.

Ignorant la voie plus longue mais plus facile des routes, nous avons monté et descendu des terrasses, traversé des routes, des vergers d’oliviers, nous sommes passés par des herbes hautes avec des fleurs bourgeonnantes qui annoncent le début du printemps.

Nous avons trouvé Sahim qui travaillait dans un champ près de sa maison.

Nous avons découvert rapidement que cette maison n’était pas Izbet Abu Basal, mais Izbet Dar Qaid (Quaid est le nom de famille). Une famille de dix âmes sur cette terre, bien que les membres de la famille vivent ici depuis plus longtemps qu’on ne peut le savoir.
Leurs titres de propriété, donnés en 1910 par l’Empire Ottoman, ne reflète qu’une partie de l‘histoire de la présence de cette famille dans cet endroit.

Sur leur 253 dunums de terre, il y a de nombreuses cultures et de nombreux animaux, bien qu’il ait été très difficile de faire la navette avec leurs 500 chèvres entre Izbe et Kifl Hares à cause de la route des colons construite il y quelques années. Ils ont à affronter les menaces de l’armée et des voitures qui conduisent trop vite sur la route.

L’année dernière, Mohammad Qaid, le père de Sahim, a été renversé et tué par une voiture, à 76 ans, alors qu’il traversait la route avec son âne.

La famille a connu d’autres morts.

En 2001, les autorités de la colonie d’Ariel ont coupé 500 arbres appartenant à la famille sous prétexte que c’était la terre d’Ariel. La famille est allée au tribunal avec ses papiers et on lui a dit que la terre ne lui appartenait pas, mais qu’elle appartenait à Ariel, et que si elle ne voulait pas démolir sa maison l’armée viendrait le faire pour elle.

Leur maison n’a pas été démolie, et la famille n’a plus été inquiétée depuis lors, bien qu’elle soit consciente que le Mur longera, ou traversera sa terre, et qu’elle sera piégée sur le mauvais côté si le mur est terminé selon les plans.
Sahim ne pourra plus conduire son âne dans la montagne pour travailler chaque jour à Kifl Hares, les enfants ne pourront plus aller à l’école (ou devront vivre en permanence à Kifl Hares pour pouvoir y aller), et de la même manière qu’à Izbet Abu Adam, la famille sera totalement isoéle du reste de la Cisjordanie .

D’Izbet Dar Qauid, nous avons finalement fait un saut à Izbet Abu Basal, notre destination première.
Comprenant que nous ne pouvions pas nous arrêter immédiatement, nous avons continué notre marche, en suivant cette fois une petite route de campagne.

Nous sommes arrivés à la hauteur d’un troupeau de moutons très bavards qui nous accueillaient avec des "bééh"» sonores chaque fois que nous braillions : "Salaam Aleikum" mais personne d’autre, je veux dire d’humain, n’était là.

Nous nous sommes dirigés vers la maison, et sommes tombés sur un homme âgé avec un troupeau de chèvres. C’était justement l’homme avec lequel nous voulions parler, l’un des rares habitants restant à Izbe.

Nous avons eu une brève conversation, réduite par notre mauvais arabe, son audition limité, et l’intense attention qu’il portait à toutes ses chèvres pour les empêcher de se perdre.

Nous avons découvert que la famille s’était installée sur cette colline en 1948, réfugiée de Kfar Saba, et vivait là depuis.

La femme de cet homme vit la plupart du temps à Salfit, comme ses fils qui y travaillent. Sahim nous avait dit que l’un des fils de cet homme avait été tué après avoir lancé une pierre contre une jeep l’an dernier.

L’homme nous l’a confirmé et il était visiblement bouleversé quand il nous a raconté l’incident, si bien que nous ne l’avons pas poussé plus loin.

La conversation rapidement s’est terminée quand il s’est mis à courir pour rattraper une chèvre et nous avons continué notre chemin, en essayant de trouver la route qui nous ramènerait à Hares.

Nous nous sommes retrouvés à l’intérieur de la zone industrielle d’Ariel, qu’Ariel revendique comme sa frontière ouest malgré les 4 km de terre palestinienne situés entre cette zone et les parties habitées les plus à l’ouest d’Ariel.

Un garde de sécurité timoré nous a demandé ce que nous faisions au moment où nous passions l’entrée de la barrière mais nous l’avons ignoré, avons trouvé un taxi et sommes retournés à Hares.



31 mars 05 (en essayant de trouver de l’information sur Khirbeit Susa)
Bruqin et Kafr Dik : 10 km et 8 km à l’est de la Ligne Verte

Personne de notre connaissance n’avait d’information sur Khirbeit Susa, le dernier mystérieux endroit de notre carte, mais presque tout le monde pensait que les propriétaires de la terre étaient de Bruqin, aussi nous nous sommes arrêtés au bureau du maire sans prévenir un matin.

"Nous n’avons aucune idée sur Khirbet Susa," nous ont-ils dit, "mais les gens de Kafr Dik peuvent être les possesseurs de la terre".

Alors nous sommes partis, avons repris un autre taxi collectif pour Kafr Dik et avons cherché l’hôtel de ville.

Une femme assise à côté de nous a dit : "l’hôtel de ville n’est pas ouvert actuellement. Ca servirait à quoi ?"
Quand nous lui avons dit que nous cherchions des informations sur Khibeit Susa, son visage s’est illuminé et elle s’est exclamée : "Suisia est à nous ! C’est la terre de notre famille ! Venez à la maison avec moi, et nous vous montrerons nos photos et nous vous en parlerons."

Nous sommes arrivés chez Amin, avons bu le café et le thé traditionnels et avons bavardé avec elle et sa belle-sœur, Nihad. Elles nous ont parlé de Khirbeit Susa (ou "Susia", une colline que la famille possède à un couple de kilomètres du village.

Khirbeit Susa est l’endroit de la région le plus favorable aux cultures, nous a dit la famille et c’est pourquoi il y a une mosquée où les gens avaient l’habitude de venir et de prier quand ils restaient dormir sur leur terre (à Susia ou sur l’une des collines environnantes).

Personne ne semblait savoir exactement quand la mosquée avait cessé d’être utilisée mais ils ont promis de nous montrer la terre si nous revenions le jeudi suivant.
Deux jeudis plus tard nous nous sommes retrouvés sur le chemin de Khirbeit Susa.



15 avril 2005
Khirbeit Susa : 9 km à l’est de la Ligne Verte

Mohammed le fils de Nihad a fait notre connaissance et nous a montré joyeusement la terre. Il nous a emmenés à pied, nous montrant le chemin qu’ils faisaient quand les soldats ne les bloquaient pas, et le chemin sous la grand’route qu’ils utilisent quand ils n’ont pas l’autorisation de passer par la route.

Nous sommes arrivés à la terre et rencontré Najje’a, une vielle femme de 58 ans (un an de plus qu’Israël, avons-nous plaisanté) qui vient à sa terre toutes les fois qu’elle le peut. Elle travaille en Israël et ne revient chez elle que de temps en temps, mais quand elle vient, elle adore aller dormir près de Susia.

Il y a quinze ans elle a construit une maison sur cette terre, et il y a cinq ans des colons ont construit une colonie qui surplombe sa maison.

La petite colline éloignée qu’est Susia reste malgré tout intacte. Ou presque.

En regardant à l’intérieur de l’une des grottes, nous avons découvert une bombe assourdissante.
Mohammed nous a expliqué que l’armée vient traquer des gens recherchés dont ils pensent qu’ils se cachent dans les grottes, c’est pourquoi ils lancent des bombes assourdissantes afin de faire sortir les gens.

A part, la bombe assourdissante et la vue de la colonie distante, Khirbeit Susa n’est pas occupée. Toutes sortes de cultures poussent sur cette colline, la source d’eau potable se remplit tous les ans avec les pluies et dure ensuite jusqu’à la prochaine saison de pluies.

Nous avons vu les restes de la mosquée et des maisons (la plupart du temps à l’intérieur de grottes) remontant probablement à des centaines d’années.

Personne ne semblait savoir à quelle date Susia était devenue un lieu d’habitation permanent, mais tout le monde insistait sur le fait que c’était « min Zamaaaaan » (il y a très très longtemps), certainement avant la naissance de toute personne vivante (aujourd’hui) et même avant la naissance de leurs parents et de leurs grands-parents.

Selon Najee’a l’histoire du village dit à peu près ça : dans le vieux village de Susia, une mariée traversait la ville pour se rendre à son mariage. Elle venait de loin, possiblement de Yaffa, et elle allait se marier à Aqraba. La nuit précédant le mariage, elle s’est arrêtée à Susia et y a dormi.
Cette nuit-là un chef religieux du village a dormi avec elle, et au matin quand est venue l’heure de partir, elle a refusé. Les gens lui ont demandé pourquoi et elle a simplement répondu : "Je n’irai pas".
Les gens d’Aqraba ont appris ce qui était arrivé, et cette nuit-là, quand les gens de Susia se sont endormis, ceux d’Aqraba sont arrivés et ont tué tout le monde à Susia.
Ca a été la fin du village et depuis lors plus personne n’y vit. A l’occasion, les gens prient encore dans la mosquée, individuellement, mais plus jamais en groupes.

Personne ne savait exactement où serait le Mur. La carte elle-même est quelque peu floue, mais il est probable que s’il est terminé comme prévu, le Mur séparera Khirbeit Susa de Kafr Dik. Najee’a ne savait rien et même se posait quelques questions à ce sujet, mais elle était sure, puisqu’elle travaille "à l’intérieur" (à l’intérieur d’Israël) que le "Plan de retrait" d’Israël va faire partir les colons de Gaza pour la Cisjordanie . Elle a montré du doigt la colonie au-dessus de sa maison et a dit : "Il viendront ici".

Les colonies, le Mur, l’occupation : est-ce que ces énormes machines peuvent être combattues par ces petits points sur la carte ?
Pas par la force, assurément, et probablement pas non plus par la voie des tribunaux.

Peut-être même pas d’avantage avec les manifestations.

Mais avec persistance, avec obstination, les Izbes et les Susia resteront là où ils sont, témoins importants de la réalité actuelle et tribut à l’Histoire ancienne et pas si ancienne.

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : CS pour ISM

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