Naplouse - 2 janvier 2004

Résistance sous Occupation

Par Kelly B.

L’ International Solidarity Movement est une organisation non-gouvernementale palestinienne regroupant des pacifistes palestiniens et internationaux travaillant à promouvoir la lutte pour la liberté en Palestine et pour la fin de l’occupation israélienne. Nous utilisons des méthodes de résistance non-violentes et des actions directes pour affronter et défier les Forces illégales d’occupation israélienne et leur politique.

Un chant s’est élevé de la vieille ville, puis des montagnes et enfin des camps. Des milliers de voix différentes, avec différents rythmes et tonalités, hurlant et chantant ensemble, leur sonorité recouvrant presque le bruit des tirs de tank autour d'eux. Les voix se sont réunies ensemble avec force et solidarité; reconnaissant la douleur et la souffrance ressentie dans toute la ville mais pas brisées.

Soldats israéliens effectuant des recherches maison par maison à Naplouse le 2 janvier 2004.
Photo : Abed Qusini

Au centre d'une invasion qui dure depuis près d’1 mois, les cheiks ont annoncés des mosquées que tous ensemble, nous devions hurler de nos fenêtres et de nos toits "Allahu akbar" (Dieu est grand) pendant une heure. Cela a commencé avec les voix des mosquées, toutes ensemble, "Allahu akbar" encore et encore, les voix devenant de plus en plus fortes et de plus en plus fières à chaque chant.

Un chant s’est élevé de la vieille ville, puis des montagnes et enfin des camps. Des milliers de voix différentes, avec différents rythmes et tonalités, hurlant et chantant ensemble, leur sonorité recouvrant presque le bruit des tirs de tank autour d'eux. Les voix se sont réunies ensemble avec force et solidarité; reconnaissant la douleur et la souffrance ressentie dans toute la ville mais pas brisées.

Pendant ce mois, la plupart des personnes ont été confinées (mais pas en sécurité) dans leurs maisons, des étudiants ont été empêchés de passer leurs examens et les magasins sont restés indéfiniment fermés.

11 personnes ont été tuées : trois d'entre elles sont des enfants et des centaines de personnes ont été hospitalisées en raison de leurs blessures.

Chacun pleure, beaucoup sont terrifiés, mais la population de Naplouse s’est réunie ensemble pour montrer qu'elle n’était pas vaincue.

Il y a eu très peu d’articles dans les médias au sujet de la situation à Naplouse, même dans la presse arabe. La presse israélienne a annoncé brièvement que les Forces d’Occupation Israéliennes effectuaient des opérations pour supprimer un réseau terroriste. Rien de plus.

L'armée s’est retirée du camp de Balata il y a quelques jours et a intensifié le siège sur Naplouse et sa vieille ville.

Une partie de la vieille ville, le secteur de Qarion, est complètement fermée depuis six jours maintenant, car les Forces d’Occupation Israéliennes se déplacent de maison en maison, détruisant les portes et les murs pendant qu'elles se déplacent.

Chaque jour, les volontaires internationaux et les médecins palestiniens essayent d'apporter de la nourriture et des médicaments à la population vivant dans le secteur et chaque jour nous sommes arrêtés.

Hier et aujourd'hui, les soldats nous ont tiré dessus à balles réelles alors que nous essayions d’apporter du pain. Un médecin palestinien et un volontaire ont été blessés par des éclats de balles.
La presse n’est pas autorisée à entrer dans le secteur.

Des explosions venant de Qarion sont entendues tout au long de la journée et de la nuit.

La veille du jour de l’An, nous avons essayé d'amener une ambulance pour évacuer les personnes blessées et les malades de certaines des maisons du secteur quand nous avons été arrêtés par une jeep.
Les soldats ont fait un pas à l’extérieur de la jeep. Ils ont commencé à rire nerveusement et à nous poser des questions stupides comme : "êtes vous ici avec le Mouvement d'anti-mondialisation ou êtes-vous juste ici ?"
Nous nous sommes rapidement rendus compte que les soldats étaient défoncés, fumant à l’arrière de leurs jeeps.

Des soldats de vingt ans, défoncés, des M-16 entre les mains, ont été chargés de sécuriser le secteur des Palestiniens.
C'est une pensée effrayante..

Aux alentours de minuit, une importante explosion a été ressentie et entendue dans toute la ville. Les fenêtres de toutes les maisons ont explosé dans une zone d'environ 500 mètres autour de Qarion.

Nous avons passé l'heure suivante à essayer d'évacuer les personnes des maisons à proximité, car nous avions été prévenus qu'il y aurait bientôt encore plus d'explosions.

Pièce par pièce, à l’aide d’explosifs, les Forces d’Occupation Israéliennes ont détruit un château qui avait plus de 200 ans. L'armée prétend qu'il y a des personnes recherchées dans le bâtiment, mais les voisins indiquent qu'il n'y a personne à l’intérieur.

En attendant, tout le monde dans le secteur autour du château est emprisonné, la plupart de leurs maisons sont occupées et beaucoup de personnes ont été arrêtées au hasard.

Actuellement, le reste de Naplouse est sous couvre-feu. Aujourd'hui, de nombreuses jeeps sont arrivées à l'université (où les étudiants avaient leurs examens) et tout le monde a été évacué.

Trois de mes amies ont tenté d'aller à l'université ce matin, mais quand elles ont passé leur porte, les soldats leur ont jeté des gaz lacrymogènes et une bombe sonore.

Les mosquées ont annoncé encore une fois que tout le monde devait sortir dans les rues et rompre le couvre-feu. Les quelques personnes qui l’ont fait ont été accueillies par la force : des gaz lacrymogènes, des grenades assourdissantes et des balles réelles. Il n'y a pas d’information pour l’instant sur le nombre de personnes blessées aujourd'hui.


Cependant, les gens continuent à résister.

Chaque matin je me réveille aux bruits des tirs de tanks et du marché.
Rompant le couvre-feu, beaucoup de fournisseurs de légumes, de viande et de pain essayent de continuer leur travail comme d'habitude.
Dans la rue où je vis, les fournisseurs installent leurs stands vers 7 h du matin, juste après que les jeeps aient annonçé le couvre-feu.
Vers 7h30, d’autres jeeps arrivent, jetent des gaz lacrymogènes et tirent au hasard. La plupart des personnes se déplacent sur les côtés et dans les ruelles.
Les magasins ferment leurs portes, mais 5 minutes après que les jeeps soient parties, chacun est de retour dans la rue comme si tout était normal.

Ce jeu de chat et de souris continue toute la matin et en début d'après-midi. En fin d'après-midi, les shebabs (jeunes garçons) installent des barrages routiers composés de cartons et de roches pour empêcher l'armée d'entrer dans leurs rues. Là, ils attendent, en utilisant les barrages routiers comme barricades pour les protéger pendant qu'ils jettent des pierres.

Le fils de la famille où je vis, agé de 12 ans, a deux examens à passer avant de terminer son trimestre. Il devait les passer il y a deux semaines.
Chaque nuit il étudie, avec moi ou son père, et prétend qu'il est prêt.
Chaque nuit il reste éveillé, effrayé par les tirs et les explosions entendues dans les rues à l’extérieur de la maison.
Chaque matin il entend les jeeps, annonçant le couvre-feu (emprisonnement à la maison).
Cependant, chaque matin il sort du lit à 8 h, s’habille et se dirige vers l'école à 9 h 30, espérant finir ses examens.
Habituellement, il ne dépasse pas son bloc de maisons avant d'être obligé de faire demi-tour par les soldats ou des tirs d'avertissement, et les jours où il arrive à l'école, il la trouve fermée, avec des jeeps de l'armée bloquant les entrées.

Lui et la population de Naplouse sous couvre-feu, continueront leur lutte contre l’occupation chaque nouveau jour.

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MG