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ISM France - Archives 2001-2021

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Ramallah -

Route 443 : La route interdite d'Israel

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C'est juste après la tombée de la nuit sur la route 443, où la grosse circulation en direction du nord de Jérusalem diminue à l'approche du checkpoint de Maccabim. Les banlieusards israéliens, impatients de rentrer chez eux à Tel-Aviv ou dans la ville-dortoir de Modiin, n'ont aucune idée des scènes qui se déroulent tous les jours, dans l'obscurité, à gauche de la quatre voies et qui racontent leur propre histoire au sujet de cette terre et du conflit qui l'a déchire depuis 40 ans.

Route 443 : La route interdite d'Israel


Carte de la route 443 réservée aux seuls Israéliens en Cisjordanie

Nous sommes sur une route secondaire, celle que les conducteurs utilisaient habituellement pour se rendre à Beit Sira et dans d'autres villages de cette région de Cisjordanie jusqu'à ce que les militaires israéliens ferment l'accès des voitures par deux rangées de blocs de béton.

Au-delà de ces blocs, il vous suffit d'observer les plaques d'immatriculation palestiniennes vertes et blanches des quelques 30 voitures garées appartenant à la très petite minorité de Palestiniens d'ici qui possèdent le laissez-passer convoité pour travailler en Israël.

Les ouvriers rentrent à la maison après une journée qui a peut être commencé dès 3h30 afin d'avoir le temps de faire la queue aux checkpoints et commencer leur travail à temps qui est payé environ 16 Euros net par jour après avoir ôté les frais de déplacement et de laissez-passer.

Alors que les ouvriers ayant des laissez-passer commencent à arriver à la barrière, une juive est en train de négocier à côté de sa voiture avec une jeune couturière arabe du village la vitesse à laquelle elle pourrait broder une robe pour son entreprise de confection dans la communauté religieuse orthodoxe israélienne de Bnei Brak.
"Je viens ici parce que c'est 200% moins cher", explique la femme, qui donne seulement comme nom : Naomi.

Alors qu'elle parle, un véhicule de la police israélienne approche, les lumières bleues clignotantes, avec deux frères arrêtés dans l'après-midi à Tel-Aviv parce qu'ils travaillaient en Israël sans laissez-passer.

Le frère aîné, Walid, 53 ans, est un vétéran des travailleurs clandestins, en tant qu'expert dans la négociation des 10 kilomètres de route à travers la colline ce qui lui permet d'éviter les checkpoints et les patrouilles de l'armée israélienne jusqu'à ce qu'il prenne un bus Egged pour se rendre à la ville, où il exerce son métier d'électricien.

Non, dit-il, bien qu'ils aient été menottés, ils n'ont pas été battus ou humiliés par les policiers à cette occasion. Et non, il n'a pas été dissuadé de prendre à nouveau le risque. "Je retournerai demain à Tel-Aviv", dit-il dans une attitude de défi.

Mais c'est la route elle-même qui souligne la séparation entre Israéliens et Palestiniens.

Pour Naomi, c'est une route extrêmement rapide et pratique pour rencontrer ses employés.
Les Palestiniens comme Walid sont passibles d'une amende, même s'ils y marchent ou s'ils la traversent et à plus forte raison s'ils y circulent en voiture. Car, si ce tronçon traverse la Cisjordanie , seuls les Israéliens sont autorisés à l'utiliser. Des dizaines de milliers le font tous les jours.

Et la semaine prochaine, le trafic risque d'être encore plus important.

Alors que les autorités israéliennes sont naturellement attentives aux dispositions de sécurité pour la visite du président George Bush, on s'attend à ce que la principale route n° 1 d'Israël venant de Tel-Aviv soit fermée pour assurer sa venue en toute sécurité depuis l'aéroport Ben Gourion, et le trafic normal sera dévié sur la route 443.

Il y a une légère ironie dans la perspective qu'une visite d'un président américain qui se consacre à l'accélération de la création d'un Etat palestinien puisse contraindre des milliers d'Israéliens à traverser le territoire occupé où les Palestiniens espèrent que l'Etat sera créé. Pour les automobilistes israéliens qui l'utilisent déjà, il s'agit d'un moyen pratique et sans danger pour réduire les temps de trajet.

Mais pour l'Association des Droits Civiques en Israël, l'interdiction imposée aux Palestiniens d'utiliser la route est "un exemple extrême et grave" de ce qu'elle qualifie de "politique de séparation déclarée publiquement et de discrimination (illégale) basée sur l'origine ethnique de l'État d'Israël dans les territoires sous son contrôle."

Jusqu'en 2002, la route 443 était la principale artère reliant les sept villages situés le long de la route les uns avec les autres, à une grande partie de leurs terres agricoles, et à Ramallah, la ville que les 37000 villageois considèrent depuis longtemps comme la ville où ils vont travailler, faire du shopping, se soigner en particulier à l'hôpital, trouver des services publics et rendre visite à des parents et amis.

Avant l'Intifada, les autorités israéliennes, à la recherche d'une route alternative pour la ville-dortoir à l'expansion rapide de Modiin et pour soulager la congestion de la route n° 1, la principale route entre Tel-Aviv et Jérusalem, ont commencé l'élargissement de la route, en utilisant certains terrains privés palestiniens dans le processus.

La Cour Suprême israélienne avait approuvé la réquisition des terres plus d'une décennie auparavant, à condition que l'élargissement bénéficie aux Palestiniens locaux ainsi qu'aux Israéliens. Toutefois, il y a cinq ans, - après une série d'attaques, y compris, lors des premières années de l'Intifada, des tirs sur des automobilistes israéliens – l'armée a fermé toutes les bretelles menant à la route 443 depuis les villages palestiniens voisins.

Israël fait valoir que l'interdiction est nécessaire pour garantir une sécurité routière aux usagers israéliens. Mais une autre organisation israélienne des droits de l'homme, Btselem, tout en reconnaissant qu'Israël a le devoir de protéger ses citoyens, dit que l'interdiction globale "semble être basée sur d'autres raisons, la plus importante étant le désir d'Israël d'annexer de facto le secteur situé le long de la route. "

Btselem a ajouté : "Si Israël était seulement intéressé par la protection de la vie des Israéliens qui utilisent la route, sans annexer la région, il pourrait limiter, voire interdire les déplacements des Israéliens sur la route, et construire d'autres routes et fournir d'autres moyens de transport pour relier Jérusalem à Tel-Aviv. "

L'armée a construit trois routes de "tissu de vie" pour les Palestiniens – en confiscant pour cela à nouveau des terrains aux Palestiniens - qui relient les villages à Ramallah par une route sinueuse, très abîmée et à une seule voie et qui, selon l'armée, est toujours à l'étude, mais "répond totalement et de façon appropriée aux besoins de circulation des Palestiniens dans la région." Le maire de Beit Sira, Ali Abou Safa, dit qu'ils ont transformé un voyage de 12 minutes en un déplacement de 60 à 90 minutes.

Monsieur Abu Safa, 51 ans, souligne que c'est plutôt un inconvénient plus que fastidieux. "Il est inutile d'appeler une ambulance si quelqu'un est malade, car il faudra plus d'une heure pour arriver, dit-il.

Le maire affirme que plusieurs villageois sont décédés dans des voitures privées sur la longue route vers l'hôpital, le dernier étant un garçon de Beit Sira, Yusef Ahmed Ali, âgé de 10 ans qui a été gravement blessé dans un accident de la route il y a quatre mois.

Les malades du village ayant besoin de dialyse, dit-il, payent 150 shekels - soit un peu moins de 27 Euros - trois fois par semaine un taxi pour se rendre à la ville.

Les étudiants de l'enseignement secondaire ou supérieur doivent payer 20 shekels (3.56 Euros) par jour de minibus pour aller à Ramallah et revenir. "Si un homme a cinq enfants, cela signifie qu'il doit payer 100 shekels (18 Euros) par jour ou 3000 sheckels (534 Euros) par mois", dit M. Abou Safa, qui affirme que "80% des élèves ne vont pas à l'université parce qu'ils n'ont pas d'argent"

L'impact économique a certes été dur. Monsieur abu Safa, qui est entrepreneur en construction, affirme que le coût d'un camion a augmenté de 350 shekels à 1200 sheckels par jour en raison "de la route qu'ils doivent prendre". Et puis, il y a l'impact sur les entreprises qui dépendaient des clients israéliens qui - ironiquement - ne peuvent désormais plus arriver jusqu'à eux en raison des blocs de béton et de la fermeture des portes métalliques sur les côtés de la route 443.

L'organisation des droits de l'homme, Btselem, a calculé que plus de 100 petits magasins le long de la route avaient fermé depuis la fermeture, "parmi eux, des magasins de faience, des fleuristes, des magasins de meubles et des restaurants".

Dans une région réputée pour sa faïence, l'usine (CA de 2.7 millions d'Euros) et l'entrepôt de faience d'Ali Al Ori, 67 ans, qui employaient 40 ouvriers et faisaient un chiffre d'affaires de plus d'un million de shekels (178.000 Euros) avec des clients israéliens, seulement parce qu'ils étaient situés à 3 minutes de la route principale.

"Maintenant, ce chiffre est de zéro", affirme M. Ori, 67 ans, qui n'a plus que 6 ouvriers qui travaillent sur un marché local sporadique. M. Ori souligne que ce seul exemple du profond déclin des entreprises de Cisjordanie , en raison des restrictions physiques à la circulation et prévient que le fonds d'aide d'urgence de 7.4 milliards de dollars accordé au Premier ministre Salam Fayyad lors de la conférence des donateurs de Paris le mois dernier "n'a aucune valeur si les checkpoints et les fermetures des routes ne sont pas levés."

M. Abu Safa avait autrefois d'excellentes relations avec les Israéliens. Il dit qu'à l'époque où la route 443 était ouverte aux deux nationalités : "J'allais à Ramallah avec des amis juifs."

Youssef Mohammed Youssef, 61 ans, un des anciens mukhtars de Beit Sira comme son père avant lui, affirme que le gouvernement du Mandat Britannique avait utilisé la main-d'œuvre locale palestinienne pour construire l'ancienne route qui est maintenant la route 443 "sans les payer".
Il ajoute: "Mon père a aidé à construire cette route. Maintenant, nous ne pouvons pas l'utiliser et il nous faut une heure et demie pour aller à Ramallah. C'est incroyable."

Un plan d'ensemble du gouvernement d'état d'urgence de l'Autorité Palestinienne à Ramallah subvient aux besoins de l'hôpital - financés par les donateurs internationaux – dont les villages n'avaient pas besoin quand la route 443 était ouvert.
Mais M. Abou Safa dit : "Nous avons dit oui, mais en réalité, nous pensons que c'est une mauvaise idée. Cela signifie que nous coopérons avec l'idée que la route sera toujours fermée."

De même, l'administration civile de l'armée a proposé l'année dernière que l'ensemble des sept villages pourraient avoir des laissez-passer pour 80 voitures – valables pour une seule journée – afin d'utiliser une partie de la route 443.
Mais en tant que leader de la campagne contre la fermeture, M. Abu Safa a refusé parce que cela aurait créé des divisions et "parce que la route devrait être ouverte à tous."

Monsieur abu Safa est profondément sceptique quant aux arguments de sécurité pour l'interdiction sur une route contrôlée par quatre tours d'observation de l'armée et qui passe déjà suffisamment proche des villages pour mettre les automobilistes israéliens directement dans leur ligne de tir.

Cependant, l'armée estime que, si la route était destinée à une utilisation conjointe des Israéliens et des Palestiniens, "En vertu du droit international, le commandant de l'armée se doit de prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des personnes au sein du secteur", y compris celle des utilisateurs israéliens de la route.

Il a donc adopté un "accord de séparation du trafic, qui vise à empêcher les éléments terroristes de se rendre sur la route."
Le dernier tir - qui a tué trois Israéliens - a eu lieu en août 2001. Cependant, depuis lors, il y a eu des jets sporadiques de pierres et de cocktails Molotov, avec trois Israéliens blessés et 13 véhicules endommagés depuis août 2007.

Parce que la route traverse directement la Cisjordanie occupée, l'Association des droits civiques en Israël affirme que le "premier devoir" du commandant de l'armée est de permettre à la population locale d'utiliser la route. "C'est seulement quand cette obligation sera remplie, que le commandant de l'armée pourra autoriser les Israéliens à utiliser aussi la route, quand il aura résolu le problème de leur fournir une protection adéquate."


Dans le village d'At Tira, Madi Bassem, 29 ans, s'engage dans un long voyage pour retourner auprès de son mari à Ramallah, après avoir rendu visite à ses parents pour l'Aïd, en franchissant à pied les blocs de béton qui ferment l'accès aux voitures, puis attendre le passage d'un des rares taxis collectifs autorisés à s'approcher du village. (Un petit nombre de laissez-passer ont été acceptés par At-Tira – uniquement – parce qu'il n'existe pas de routes alternatives à la route 443 pour atteindre les villages palestiniens voisins.)

De l'autre côté de la route se trouve la colonie juive de Beit Horon, qui a englouti 2 hectares et demi de terrain appartenant à son père et qui, à la différence des villages palestiniens, bénéficie d'un accès ininterrompu à la route 443.
Avant la fermeture, Mme Bassem pourrait se rendre à Ramallah et revenir en quelques minutes. Maintenant, dit-elle, "c'est plus facile d'aller en Jordanie qu'à Ramallah"


De retour à Beit Sira, M. Abu Safa affirme que dans l'attente d'un résultat positif aux contestations judiciaires actuelles contre l'interdiction, les villageois vont maintenir leurs manifestations régulières contre la fermeture, des protestations qui évitent délibérément la participation des principales factions palestiniennes.

Il se dit confiant que la Cour suprême israélienne finira par ordonner la réouverture de la route 443 parce que "la route est à nous. Ceci est très clair."

Mais si elle ne le fait pas, dit-il, les organisateurs des manifestations ne seront plus en mesure de limiter les protestations à environ 100 personnes. "Il y aura 37000 personnes ici à bloquer la route" dit-il.

Source : http://news.independent.co.uk/

Traduction : MG pour ISM

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