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ISM France - Archives 2001-2021

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Cisjordanie -

Se déplacer en Palestine …

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Ce n’est pas facile en Palestine de se déplacer.
Aller d’un endroit à un autre. En fait, la plupart du temps, c’est un cauchemar.
Prenez, par exemple, mon récent voyage récent de Jénine, une ville du nord de la Cisjordanie, jusqu’à Jérusalem, à environ 150 kilomètres au sud. À première vue, d’après la carte, c'est un voyage relativement simple. La plupart d'entre nous dans nos pays respectifs feraient cette distance dans des conditions semblables en 1h1/2.
Mais je voyageais en Palestine qui est sous l’occupation d’une armée étrangère qui a l’art de rendre des tâches humaines simples, extrêmement difficiles et souvent impossibles.

Se déplacer en Palestine …


Tourniquets installés sur les checkpoints permanents de Cisjordanie - Photo : Donna

La libre circulation - un droit de l'homme le plus fondamental – est ôtée à des millions de personnes quotidiennement. Et c’est fait de façon à humilier les mamans, les papas et les gosses qui essayent d’aller de A à B et à déshumaniser les jeunes soldats israéliens avec leurs tanks et leurs armes automatiques qui visent les mamans, les papas et les gosses.

La Palestine est une terre qui est découpée en des dizaines de morceaux déchiquetés par quelques hommes autour d'une table ronde militaire à Tel Aviv qui jouent avec les checkpoints comme si c’étaient les pièces d’un jeu d’échecs.

Pour les Palestiniens, le seul fait de résider dans un secteur signifie qu’ils ne peuvent pas en visiter d’autres. C’est aussi simple que ça. Et même si vous avez pu vivre là-bas ou que votre famille y vit ou que vous vouliez aller juste là-bas parce que le vous voulez.


Les Palestiniens recoivent des cartes d’identités avec des codes couleur qu'ils doivent porter sur eux en permanence et qui déterminent où ils ont l’autorisation de voyager. Si l'information sur leur carte d'identité ne correspond pas le secteur où ils veulent aller, ils sont tout simplement refusés d’entrer par un adolescent-soldat sur l’un des nombreux checkpoints militaires qui parsèment la Palestine. En d'autres termes, c’est comme une prison.

J'ai rendu visite à une famille de six petits enfants aujourd'hui qui ont été poussés à la pauvreté après que leur père ait été arrêté et emprisonné pendant 10 mois parce qu'il était au mauvais endroit avec une fausse carte d’identité. C'était son crime.

Le gouvernement israélien peut dire que les checkpoints avec leurs tours de surveillance, les tanks, les enclos en béton, les tourniquets pour bétail, les jeunes soldats avec des M16, etc. sont nécessaires pour la sécurité.

Mais le fait que la plupart des checkpoints servent seulement à séparer réellement les Palestiniens les uns des autres sur la terre palestinienne, renvoie vers une vieille histoire lassante que chacun porte un peu sur soi : Israéliens, Palestiniens et la communauté internationale.

Donc, je reviens vers ma narration du voyage entre Jénine et Jérusalem: notre minibus de passagers quittait Jénine avec la pensée optimiste de que nous n’aurions à passer seulement un checkpoint établi à l’extérieur de Ramallah, et un plus petit avant celui-ci.


Mais, à environ 10 kilomètres à l’extérieur de Jénine, alors que nous venions de traverser les collines, notre minibus a fait crisser ses pour s’arrêter et éviter de s’encastrer dans une file d'attente de voitures refoulées à l'avant.
Notre conducteur s’est écarté sur l’autre côté et puis a fait demi-tour.
Il y avait un checkpoint volant à l’avant qui pourrait signifier une attente peut-être d'une heure. Il prend la décision rapide d’emprunter une route de terre en direction d'une colline raide qui passe par quelques petits villages et descend l'autre côté. C'est un long détour cahoteux, mais quand nous sommes de nouveau arrivés à la route principale, il était satisfait d’avoir gagné du temps et évité des problèmes pour ses passagers.

Nous continuons heureusement mais avant de comprendre, nous voyons une autre file d'attente vers l’avant. Cette fois là, il n’y a aucune déviation et nous rejoignons la longue file de camions, de voitures, de taxis et d’autobus. Elle n’avance pas rapidement, en fait, elle ne bouge pas du tout. Le conducteur et quelques passagers sortent pour fumer avec d'autres qui ont décidé d'attendre sur le côté de la route à l’extérieur de leurs véhicules.

Après environ une heure, nous avançons jusqu’à l'avant de la file d'attente pour voir deux jeunes soldats israéliens utilisant le bout de leurs armes pour indiquer aux voitures des deux directions de s'arrêter, d’avancer ou de sortir. Notre autobus a avancé sans histoires ce qui a semblé rendre l'attente plus injustifiée.

Nous avons poussé un ouf de soulagement et nous avons recommencé à penser que nous pourrions avoir un voyage rapide jusqu’à Ramallah.


Peu après, notre soulagement est devenu un gémissement. "Quoi ? Un autre checkpoint ?"

Ouais, le checkpoint volant n° 3 où nous avons dû attendre encore 40 minutes pour qu’un autre adolescent-soldat lourdement armé jète un œil sur nos papiers d’identité et nous laisse passer.

Nous avons attendu encore 20 autres minutes au checkpoint n° 4, celui auquel nous nous attentions et nous avons pourssé un autre soupir de soulagement alors que nous repartion vers la maison à Ramallah.


Dans le minibus, il y avait une femme d'affaires qui espérait revenir dans son magasin de vêtements à Ramallah avant la fermeture : c'était impossible maintenant. Un autre avait besoin d’attraper un bus pour une autre région mais il le raterait. J'espérais être à Jérusalem avant l'obscurité - aucune chance.

En tant qu'êtres humains avec des préoccupations humaines, les restrictions à la libre circulation peuvent entrainer le plus mineur des dérangements et peuvent foutre en l’air tous vos plans. mineur accomplir et pousser le chaos aux plans. Mais les retards ne représentent que la moitié des problèmes : la moitié facile. Passer par un checkpoint militaire israélien peut être une expérience traumatisante pour les meilleurs d’entre nous.

Avoir un garçon-soldat qui fronce les sourcils avec une mitrailleuse sur son épaule qui vous demande vos papiers d’identités, les contrôlent, vous posent des questions personnelles telles que d'où venez-vous, où vous allez, pourquoi allez-vous là-bas, combien de temps passerez-vous là-bas ! Tout cela, comment dirais-je, d’une façon désagréable, est tout à fait ennuyeuse pour pas dire plus.

Répondre : "Ce ne sont pas vos affaires" est tentant, mais impossible pour les Palestiniens. S'ils refusent de répondre aux questions, ils seront choisis, forcés d’attendre, et souvent détenus pour plus des questions.

À un checkpoint volant à l’extérieur d'un village près de Naplouse, nous nous tenons avec un dentiste local, un homme calme au doux visage, dans le froid pendant plus de deux heures alors que les soldats retiennent ses papiers sans explication.
Quand nous nous avons demandé pourquoi il prolongeait l'attente, il n'y a eu aucune réponse du soldat de 19 ans (les qualités de communication ne sont pas le fort des militaires israéliens, car on leur dit de ne pas communiquer avec nous). Nous nous sommes retenus plus longtemps dans le froid pendant que nous les observons manger leur déjeuner. Par la suite ils ont rendu les papiers sans excuse ou explication pour l'attente atroce.

Le dentiste nous a dit qu’ils lui faisaient cela tous les jours.


Au village de Beita, également près de Naplouse, un ami nous a dit qu'il a été non seulement forcé de se tenir dans le froid sans raison apparente à un checkpoint, mais qu’il a dû enlever sa veste de sorte que le froid le pénètre encore plus.

La brutalité des militaires aux points de contrôle est si renommée qu'un groupe de femmes israéliennes ont été obligées de former une organisation, Machsom Watch (observation de checkpoint), juste pour observer les divers checkpoints et surveiller les abus.

En tant qu’Israéliennes, elles ont honte et sont embarrassées par ce qui se passe en leur nom. Elles disent que les checkpoints sont "une forme gratuite d’humilitation".

Ce sont des femmes de Machsom Watch qui ont récemment photographié des soldats israéliens qui forçaient un Palestinien à jouer son violon pour eux à un checkpoint.
Il n'y a pas assez de place ici pour énumérer la litanie d'autres histoires horribles de checkpoints qui vous feraient froid dans le dos.

De retour à Jérusalem : le soleil se couchait et nous avions tous très peu mangé, aussi quand nous avons vu au loin le cinquième checkpoint, personne n’a essayé de cacher son incrédulité et son dégoût.
"Regardez comment nous devons vivre!" a crié un jeune passager palestinien, un employé en costume et cravate, à l’arrière.

"Regardez comment nous souffrons chaque jour? Nous vivons dans une prison. Comment pouvons nous tolérer ça ?"


En effet. La plupart des gens ne le toléreraient pas.

Australiens : imaginez d’aller en voiture de Sydney à Katoomba et d’être arrêtés à Strathfield par des adolescents en colère portant des mitrailleuses d'un autre pays, parlant une autre langue, vous forçant à attendre et à répondre à des questions sur vos déplacements personnels.
Imaginez tout cela répété à Lidcombe, Parramatta, Penrith, Glenbrook et Leura. Imaginez.

Une autre demi-heure au checkpoint n° 5 a fait prendre à tout le monde son téléphone portable pour rassurer leurs proches et leur dire qu’ils étaient, en fait, toujours sur la route bien qu’ils soient partis de Jénine depuis 3 heures.

Nous avons finalement atteint Ramallah et ceux qui se dirigeaient vers Jérusalem devraient sortir de l'autobus, marcher à travers l’immense checkpoint de béton et d’acier de Qalandia et prendre un autre autobus de l'autre côté.


Pour moi, ce fut facile, la ligne des femmes avance toujours plus rapidement et je n'ai pas été trop interrogée.
Mais j'ai regardé en arrière vers les hommes et j'ai été momentanément paralysée par l’une des choses les plus tristes que j'ai jamais vues.

J'ai vu des jeunes hommes, des hommes âgés, des adolescents et des hommes d’âge moyen entassés dans des barrières en acier comme des animaux de ferme pendant que des jeunes filles soldats israéliens en uniformes vert moulants et des bijoux en or donnaient des ordres d’arrêter, d’aller ou d’attendre.

J'ai vu une ligne forcée d’attendre plus longtemps parce que la fille-soldat, avec la mitrailleuse sur l’épaule allait de l’autre côté pour réappliquer son rouge à lèvres.

J'en étais malade et mes yeux me brûlaient avec des larmes de colère quand je l'ai vu pousser du bout de son arme ce que je pouvais distinguer comme étant un vieil homme.
L’humiliation, pour une personne fière; Je ne sais pas s'il y a quelque chose de pire.

Les gens passaient à travers comme si ils étaient du bétail, marqués par leurs cartes d'identité.


Je voulais crier.

Je voulais courir et dire aux filles-soldats de poser leurs mitrailleuses et de partir. Allez à la plage, allez danser dans un nightclub, reprenez votre jeunesse et allez faire des choses que font les adolescentes.

Je voulais soulever les enfants au-dessus des tourniquets en acier et les laisser courir librement. Je voulais que les vieils hommes puissent garder leurs têtes hautes, que les femmes ne soient pas effrayées.

Je voulais détruire les cartes d'identité.

Je voulais abattre tout le secteur.

Je voulais que quelqu'un de l’extérieur de la Palestine voit. Constate.
Et pour donner un nom à tout ça : le symptôme laid d'une occupation désespérée qui est hors de contrôle, brutalisant l’occupé et détruisant les âmes des jeunes utilisés pour imposer l’occupation.

J'ai pleuré tout le chemin vers Jérusalem.

Et juste pour mon bien, il y avait un autre checkpoint, le n° 6, le long de la route.


Voir les images des checkpoints volants de mon voyage de Jénine à Jérusalem et d'autres checkpoints permanents en Palestine.

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MG pour ISM-France

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