Envoyer cet article
Israël - 25 juin 2011
Par Giorgio S. Frankel/Silvia Cattori
Les dirigeants israéliens affirment être « prêts à faire la paix » avec les Palestiniens. En réalité les gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais eu la moindre intention de faire la paix. Ils se sont au contraire servis du dit « processus de paix » pour continuer leur politique de destruction et de déshumanisation, non seulement de la Palestine mais aussi d’autres pays et peuples du Proche et Moyen Orient. Ils ont pu continuer de massacrer et d’expulser le peuple palestinien hors de sa terre sans jamais subir de sanctions. L’écrivain Giorgio S. Frankel, met en relief dans cet entretien la complicité de ces journalistes partisans - et gouvernements occidentaux - dans l’expansion de l’État juif et dans la prolongation des souffrances du peuple palestinien.
Benjamin Netanyahu et Shimon Peres, respectivement Premier ministre et Président de l'entité sioniste
.Silvia Cattori : Comme vous le savez quand il s’agit des crimes commis par l’armée israélienne contre les Arabes, la presse n’est pas du tout neutre. N’êtes-vous pas vous-même un de ces journalistes qui, dans le passé, a contribué à peindre une image idyllique d’Israël ?
Giorgio S. Frankel [1] : Oui, dans le passé, j’ai participé à cette propagande sioniste parce que j’ai grandi dans un contexte favorable à Israël. Donc j’avais absorbé cette culture. Dans un certain sens la presse et les médias occidentaux contribuent activement à perpétuer l’image et l’idéologie d’Israël. Il y aurait ici un long discours à faire sur le pouvoir des forces pro-israéliennes dans la presse et les médias.
N’oublions pas que pratiquement tous les correspondants des journaux étasuniens en Israël sont des Juifs pro-israéliens. Nombre d’entre eux ont servi volontairement dans les forces armées israéliennes. Donc ce phénomène existe. Un des piliers de la puissance israélienne dans le monde est cette capacité à perpétuer la narration israélienne et à continuellement modifier l’histoire pour la réécrire de façon favorable à Israël. Par exemple plus de 40 années sont maintenant passées depuis la guerre de juin 1967. Plus personne quasiment ne se souvient de la façon dont elle a commencé. La littérature pro-israélienne écrit avec désinvolture que ça a été une guerre dans laquelle Israël a dû se défendre d’une agression arabe. Cette agression n’a jamais existé. C’est Israël qui en juin 1967, à la fin d’une longue crise politique avec la Syrie, a attaqué l’Égypte par surprise. On écrit aujourd’hui qu’Israël a dû mener une guerre de défense après une agression arabe. C’est un exemple.
Silvia Cattori : Le fait que les correspondants états-uniens envoyés en Israël soient, comme vous le soulignez, « quasiment tous des Juifs pro-israéliens » est certainement un problème. Mais, à votre avis, ne voyons-nous pas le même phénomène dans les pays européens ?
Giorgio S. Frankel : L’Europe a eu une attitude partagée jusqu’à il y a quelques années. Dans un passé pas très lointain, l’Europe tendait davantage à sympathiser avec les Palestiniens. Dans les années 70 et 80, l’Italie était manifestement plus pro-arabe que pro-israélienne. L’attitude européenne a changé après l’attaque du 11 septembre 2001, quand s’est déchaînée dans le monde cette politique anti-arabe. L’attaque a été identifiée comme une offensive arabe contre le monde occidental. Après ce virage une hostilité croissante envers l’Islam s’est diffusée dans le monde occidental.
L’islamophobie en Europe a été transmise par les États-Unis. Aujourd’hui, l’Europe -la politique des pays européens alignés après le 11 septembre sur les positions états-uniennes et la guerre d’Irak- poursuit une politique anti-arabe. Cette islamophobie croissante est en grande partie alimentée, partagée, soutenue par Israël. Il faut savoir que les Européens les plus racistes, comme le Hollandais Gert Wilders, et d’autres racistes nordiques, sont aujourd’hui considérés comme des héros en Israël. Gert Wilders est régulièrement invité à tenir des conférences même dans les universités israéliennes.
On a cette attitude aussi dans les médias européens ; un peu moins dans les médias britanniques. Mais, en effet, pour de nombreuses raisons, Israël est arrivé à imposer son langage, son récit des épisodes proches et moyen orientaux. Les Israéliens ont un grand pouvoir, ils ont une grande capacité de propagande. Les Palestiniens ne disposent pas de cette force. Les Arabes n’ont pas cette capacité. Israël a pris le contrôle petit à petit. Il y a employé beaucoup de temps. Il a maintenant pratiquement le contrôle des communautés juives en Europe et aux États-Unis. Autrefois ce n’était pas comme ça. Autrefois les communautés juives critiquaient la politique d’Israël. Ainsi, si nous pensons à la propagande en faveur d’Israël, celle-ci n’est pas faite par des émigrés : elle est faite par des Juifs états-uniens qui en partagent la culture, le langage. Ce ne sont pas des étrangers. Les Juifs états-uniens sont pleinement intégrés, membres du Congrès, journalistes. La propagande pro-israélienne est renforcée de ce fait.
Silvia Cattori : Quand ce contrôle politique d’Israël sur le monde juif a-t-il pris ce virage ?
Giorgio S. Frankel : Il faut rappeler qu’à l’origine le sionisme était seulement hébergé dans le monde juif, surtout chez les Juifs états-uniens. Il a fallu beaucoup de temps pour que les sionistes arrivent à s’affirmer. Ceci, entre autres, est une des origines historiques de l’arrogance notoire, de la propension à la violence du sionisme. Le sionisme est devenu arrogant et politiquement violent justement à cause de son expérience aux États-Unis, quand il devait s’affirmer dans le judaïsme états-unien. Surtout après la deuxième guerre mondiale. Les Juifs du monde entier ont toujours eu une attitude très favorable et très sentimentale à l’égard d’Israël. Si l’on doit parler de virage, c’est après la guerre de juin 1967 qu’il y a eu un virage important. Cette guerre est très importante dans l’histoire d’Israël. Elle a créé dans la mentalité israélienne un sentiment de sécurité et de puissance. Ainsi il y a toujours eu une dialectique entre Israël et le judaïsme, quant à celui qui devait dominer l’autre. Mais après la guerre de 1967, les gouvernements israéliens ont décidé que c’était à eux qu’il revenait de dominer le monde juif. Cela s’est fait petit à petit.
Silvia Cattori : Donc, à votre avis, la propagande des autorités israéliennes, qui a toujours consisté à dénigrer et déshumaniser les Arabes et les musulmans, sert, entre autres, à impliquer et à obtenir l’adhésion totale des Juifs au projet sioniste de domination et de destruction du peuple palestinien ?
Giorgio S. Frankel : La peur des peuples musulmans a grandi après le 11 septembre. Cet événement a permis aux forces israéliennes de désigner le monde musulman comme un ennemi historique du monde occidental, ennemi avec lequel on ne peut pas faire la paix. En Europe, pour des raisons historiques, qui remontent aux Croisades, il y a cette peur ancestrale des musulmans. Après le 11 septembre il a été facile de relancer cette peur.
Lire la suite sur le site de Silvia Cattori.
Texte original en italien (25.05.2011)
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio (24.06.2011)
[1] Giorgio S. Frankel, analyste de questions internationales et journaliste indépendant, travaille sur le Moyen-Orient et le Golfe persique depuis le début des années 70. Il est l’auteur de : « L’Iran et la bombe », DeriveApprodi, Roma, 2010.
Source : Site Silvia Cattori
Afin d'assurer sa mission d'information, ISM-France fait appel à votre soutien.
L'ISM a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient. Les auteurs du site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui leur seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'ISM ne saurait être tenu responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont il n'a pas la gestion, l'ISM n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
9 novembre 2021
L’Art de la guerre - Les nouvelles armes financières de l’Occident9 novembre 2021
Le fait d'être désigné comme "terroristes" par Israël illustre le bon travail des ONG en Palestine5 novembre 2021
Israa Jaabis : De victime à criminelle, du jour au lendemain3 novembre 2021
La normalisation est le dernier projet pour éradiquer la cause palestinienne1 novembre 2021
Kafr Qasem reste une plaie béante tandis que les Palestiniens continuent de résister à l'occupation30 octobre 2021
Voler et tuer en toute impunité ne suffit plus, il faut aussi le silence14 octobre 2021
Tsunami géopolitique à venir : fin de la colonie d’apartheid nommée ’’Israël’’12 octobre 2021
La présentation high-tech d'Israël à l'exposition de Dubaï cache la brutalité de l'occupation9 octobre 2021
Pourquoi le discours d'Abbas fait pâle figure en comparaison du fusil d'Arafat à l'ONU6 octobre 2021
Comment la propagande israélienne s'insinue dans votre divertissement quotidien sur Netflix : La déshumanisation et la désinformation de FaudaIsraël
Interviews
25 juin 2011