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15 août 2014
Par Al Manar
Ils se sont rendus à quatre chez Sayed Nasrallah de l’équipe du journal libanais al-Akhbar. Son rédacteur en chef Ibrahim al-Amine, ses chroniqueurs Hassan Olleik, Wafic Kanso, et chroniqueuse aussi, Maha Zaraket. Ils sont restés 5 heures chez lui. Après l’avoir interviewé, il les a gardés au diner. Et puis ce fut une soirée jusqu’à l’aube.
« Ce fut une soirée inoubliable, » ont-ils confié pour notre confrère al-Ahed news. Ils semblaient aussi confus que fascinés. « Son apparition n’est comparable à aucune des autres personnages, » assurent-ils, à l’unanimité.
Ce n’est pas le même homme
« Il est d’une grande modestie, voire d’une grande timidité (...). il parait si bon (...) il a veillé à faire notre connaissance un à un (...), il a été d’une grande gentillesse. Durant l’interview, il émaillait la discussion de blagues et de plaisanteries, » décrit Kanso.
Dans son article sur les conditions qui ont entouré cette rencontre, Kanso constate que Sayyed Nasrallah distribue ses regards équitablement à ses hôtes. « Il parait beaucoup plus jeune que sur l’écran d’al-Manar (...) ; à la recherche de son doigt qui énerve plus d’un, tu trouves des mains d’une blancheur éclatante. Et lorsque tu entends sa voix si calme, tu te demandes si c’est le même homme qui enflamme son public. »
C’est en se penchant sur la personnalité du secrétaire général du Hezbollah, sur les changements qui l’ont marqué, ses habitudes et son comportement, et en rapportant ses révélations sur la guerre du Liban 2006, et son analyse de celle de Gaza 2014 que le journal a voulu fêter la huitième commémoration de la victoire de la résistance contre Israël de juillet 2006.
La raison qui contrôle tout
« La particularité de Sayed Nasrallah, pour ceux qui l’ont suivi méticuleusement, est l’ampleur des changements qui ont affecté sa réflexion, la façon dont il conçoit les évènements, comment il se comporte avec eux en toute quiétude, comment il contrôle avec sa raison tout son système nerveux (...). Jamais son cœur n’est lésé, jamais sa foi en la destinée divine n’est ébranlée, » apprécie Ibrahim al-Amine.
Il poursuit en s’interrogeant : « Est-ce que les gens savent ce que veut dire que cet homme ne ment jamais (...), qu’il plaisante, flatte et absorbe tout sans jamais contrecarrer ses convictions (...), le fait qu’il reste sur ses deux pieds alors que les gens dressent de lui l’icône d’un homme suspendu au ciel, le fait que ni la corruption, ni l’orgueil, ni la vanité, ni le mensonge, ni l'artifice n’osent approcher sa raison et son cœur. »
« Il est vrai que sa sacralisation est la chose qui l’a le plus lésé, pour son passé et son présent, mais cette aura n’a nullement affecté ses convictions, ni ses calculs. Elle s’est transformée en un véritable fardeau, » considère Amine qui interroge de nouveau : « Les gens savent-il à quel point il appréhende de vexer les sentiments des autres, qu’il s’agisse d’individus ou de groupes, lorsque ses paroles ont été violentes ou dures ? ».
Le seul qui détient le secret
Amine dévoile que depuis que Sayed Nasrallah a été désigné à la tête du Hezbollah, en 1993, il a édifié autour de lui un mécanisme d’action et s’est encadré d’équipes d’assistants et d’employés d’une grande complexité.
« Malgré l’expansion populaire, organisationnelle, militaire, sécuritaire et matérielle que le Hezbollah a connue durant un quart de siècle, il n’en demeure pas moins un monde totalement inconnu aussi bien aux plus proches qu’aux plus lointains. Ce monde-là, seul Sayed en détient le secret, » ajoute Amine.
A la question qu’il pose, "où se trouve Sayed Nasrallah ces jours-ci sur l’échiquier politique", Amine se charge de répondre : « Il suit le dossier de la résistance au Liban, celui du Liban dans toutes ses ramifications, il se trouve au cœur des décisions qui brosseront l’avenir du conflit avec Israël, il se trouve aussi au cœur de la décision qui décidera l’avenir de la Syrie. Il est désormais au cœur de l’échiquier irakien et dans celui, très sensible, qui entoure la péninsule arabe. »
Et Amine de conclure : « Il ne cesse de répéter sa foi en la certitude que nous allons vers la victoire. »
Guerre 2006 : emprisonner des militaires
Dans les autres articles d’al-Akhbar, Sayed Nasrallah révèle certains dessous de l’opération d’emprisonnement des deux soldats israéliens le 12 juillet 2012 qui avait alors pour but d’obtenir en échange la libération des détenus libanais dans les geôles israéliennes et dont la riposte israélienne a été son offensive contre le Liban.
« L’opération a été exécutée plusieurs mois après la prise de décision au sein du Conseil jihadiste que je préside (...), plusieurs tentatives ont été tentées au cours desquelles nos frères sont à plusieurs reprises rentrés dans la région voire en Palestine occupée. Ils embusquaient en attendant le moment propice. Nous voulions à tout prix, emprisonner des militaires et non des colons pour ne pas qu’on dise qu’on a enlevé des civils, » a-t-il relaté.
Le rôle du secrétaire général
Dans des cas pareils, comment se comporte le numéro un du Hezbollah, quels sont son rôle et ses prérogatives, telle a été la question suivante.
« Le secrétaire général prend les décision dans la gestion de l’action jihadiste. Bien sûr, il ne commande pas directement les unités jihadistes et combattantes sur le terrain. Il ne dirige pas les opérations dans le sens technique du mot (...). C’est le commandement jihadiste, c’est-à-dire les assistants jihadistes qui le font, tout en suivant avec le secrétaire général. La raison en est que c'est lui qui connait les politiques dessinées par le choura (conseil consultatif). Il bénéficie d'une certaine marge d’action et il connait bien la situation jihadiste, les moyens disponibles et la situation politique.
Donc le secrétaire général est la partie qui prend décision même dans les questions opérationnelles, il le fait en consultant, voire parfois en s’entendant avec les membres du conseil jihadiste.
Par exemple les régions que nous bombardons à l’intérieur de la Palestine occupée, c’est à nous de décider lesquelles et les responsables jihadistes sont chargés d’exécuter en coordonnant entre les différentes unités d’artillerie, de missiles (...). Lorsque nous disons que nous sommes entrés dans la phase de Haïfa, cela relève aussi de la décision. L’armement que nous devons utiliser relève aussi de la décision, comme le fait d’avoir bombardé la frégate israélienne Saer 5 (...). Pourquoi cela relève-t-il de la décision ? Eh bien parce que chaque démarche a ses propres conséquences. Lorsque nous utilisons pour la première fois un armement, cela veut dire que le conseil jihadiste a décidé de le dévoiler. Par la suite, le recours à cet armement devient exécutoire et ne relève plus du cercle de la prise de décision.
Jamais des menaces en l’air
Il y a une autre affaire, celle liée au bombardement de Tel Aviv. Ce n’est pas du tout une question d’exécution mais une grande décision. Lorsque la banlieue sud et d’autres villes ont été pilonnées au sud et dans la Bekaa, nous avons sérieusement discuté s’il fallait riposter en bombardant Tel Aviv maintenant ou après. En fin de compte, nous avons instauré l’équation de Tel Aviv en échange de Beyrouth.
La banlieue et les autres villes sont restées sous le feu du pilonnage. Nous avons créé une nouvelle équation à travers laquelle nous avons protégé Beyrouth.
Oui, nous aurions pu bombarder Tel Aviv bien plus qu’elle ne l’a été durant la guerre de Gaza (...), bien sûr que nous avons la capacité de bombarder Tel Aviv (...) jamais nous ne lançons des menaces ni ne confirmons une équation que nous ne sommes pas capables de mettre en œuvre. »
Interrogé s’il a couru un quelconque danger durant la guerre, il répond négativement. « Je n’ai pas du tout été blessé. Le lieu où je me trouvais n’a pas du tout fait l’objet d’un bombardement (...) mais la région dans laquelle je me trouvais, si (...). » Sayed Nasrallah a de même nié l’information selon laquelle un missile s’est abattu à proximité de son convoi durant un déplacement.
Les massacres nous lèsent
Parmi les questions auxquelles il a répondu : durant la guerre, quelle situation vous a le plus lésé ?
« Les massacres. Les militaires sont généralement coriaces, mais nos frères malgré cela étaient parfois très affligés par les scènes de massacres des femmes et des enfants (...), ce qui nous contrariait le plus était de s’en prendre aux civils. Les bâtiments, on peut les reconstruire. Les déplacés finissent par rentrer chez eux parce que nous étions sûrs que nous allions vaincre. Plusieurs massacres ont eu lieu, mais le plus affligeant a été celui du bloc résidentiel Imam Hassan en raison du grand nombre des victimes, et parce qu’ils ont propagé au Liban qu’il a été visé par les Israéliens parce qu’ils pensaient que j’étais présent là-bas. Bien entendu je n’ai jamais mis les pieds dans ce lieu à aucun moment de la guerre. ».
Le rôle de la Syrie
Son éminence a aussi parlé du rôle primordial de la Syrie durant cette guerre. « L’armement à partir de la Syrie n’a jamais été suspendu durant la guerre. Il n’était pas clair combien la guerre allait durer (...). Tous les moyens de transport étaient également disponibles. Malgré le fait que les Israéliens bombardaient tous les passages. Il n’y a pas eu de martyrs dans les rangs de l’armée syrienne. »
Sayed revient sur l’assassinat du haut officier syrien, le général Mohammad Suleimane, abattu en 2008 sur la plage de Lattaquié à l’ouest de la Syrie.
« Je pense que les Israéliens l’ont tué en raison de son rôle avant et durant la guerre, parce qu’il avait été chargé par le président Assad de suivre ce dossier. Son rôle était excellent. C’est pour cela qu’après la guerre, les Israéliens l’ont recherché, ainsi que Haj Imad »
Une participation syrienne envisagée
Interrogé sur une proposition du président syrien de rentrer en guerre et d’ouvrir un front, il explique :
« L’éventualité que la guerre glisse vers la Syrie était très plausible. Parce que les Israéliens imputaient à la Syrie une partie de la responsabilité de la persévérance de la résistance et de lui avoir fourni un armement de qualité qui a changé le cours de la guerre.
Cette éventualité s’est raffermie lorsqu’il a été question d’une incursion terrestre en direction de Hasbayya, Rachayya, et des deux Bekaa de l’ouest et central. A la deuxième semaine de l’offensive, il m’a envoyé le général Asef Chawkat qui était en contact avec nous durant la guerre et m’a demandé mon avis sur une idée que Damas était en train d’envisager en cas d’une opération terrestre de grande envergure et selon laquelle Damas se trouverait obligée d’entrer en guerre aux cotés de la résistance dans la guerre. Je ne prétends pas que la décision avait été prise. Mais elle a été envisagée par le président et le groupe de responsables qui prennent les décisions. Ils suivaient en détail tout ce qui se passait au Liban.
Je leur avais répondu alors : vous n’êtes pas obligés de le faire. L’affaire n’est pas aussi grave et l’éventualité d’une confrontation terrestre est très envisageable pour nous, voire nous souhaitons que les Israéliens rentrent dans une guerre terrestre, car à ce moment-là les vrais contours de la bataille seront visibles pour tous. »
2ème partie de l'entretien des journalistes d'Al-Akhbar avec Sayed Hassan Nasrallah.
Source : Al Manar
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