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ISM France - Archives 2001-2021

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Grande Bretagne -

«Quand tuer devient facile».

Par

Film par John Sweeney – produit par Bill Treharne Jones, diffusé par BBC2 dimanche à 19H10 et qui relate comment des témoins gênants comme le journaliste James Miller, les volontaires d'ISM Rachel Corrie et Tom Hurndall ont été éliminés .

Ces témoins rendus silencieux. En sept semaines au printemps dernier deux observateurs étrangers ont été tués par l’armée israélienne dans la bande de Gaza et un troisième est en état de mort cérébrale. Mais a-t-on dit la vérité ? John Sweeney enquête.

En sept semaines au printemps dernier deux observateurs étrangers ont été tués par l’armée israélienne dans la bande de Gaza et un troisième est en état de mort cérébrale. Mais a-t-on dit la vérité ? John Sweeney enquête.

James Miller avait appris à surfer à mes enfants. Ensemble nous étions allés au Kosovo, en Tchétchénie et au Zimbabwé. Il était drôle, profondément intègre et derrière une caméra, il était génial. Ensemble, nous avons fêté notre médaille de la Royal Television Society avec force panachés. Je m’étais lancé dans une discussion, avec un type irritant dans un costard de pingouin ; James est entré, a menacé de virer le type dehors, et l’a viré. A ce stade, un pourri d’attaché de presse m'a
murmuré à l’oreille « Vous savez qui c’est ? » Non. « C’est le directeur de ITV ». James et moi nous nous sommes beaucoup amusés, et de temps à autre nous avons vraiment bossé.


J’étais à Bagdad quand j’ai entendu la nouvelle. Il avait été touché à Rafah, à l’autre bout de la bande de Gaza, et il était mort. J’ai téléphoné à sa veuve, Sophie et j’ai pleuré tout mon soul. Quand la BBC a décidé d’enquêter sur l’assassinat de James, ils m’ont demandé de faire le reportage. Je ne pouvais pas dire non. James n’était pas le premier témoin international à tomber en silence. C’était le troisième. Ce printemps, en moins de sept semaines et dans un rayon de moins de trois miles (4 kms) la militante américaine et bouclier humain Rachel Corrie a été touchée à mort par un bulldozer israélien, le photographe et militant de la paix anglais Tom Humdall a été touché à la tête et laissé en état de mort cérébrale ; et James Miller a été touché à mort.

Pour comprendre ce qui est arrivé à James, il faut analyser l’assassinat de Rachel et la manière dont Tom a été estropié, Tom dont la famille est en ce moment en train de discuter avec les médecins pour savoir si la machine qui le maintient en vie devrait ou non être débranchée. Un jour nous avons filmé Tom, dans son lit du Royal Hospital de Putney, au sud-ouest de Londres, spécialisé dans les troubles neuro-cérébraux. Au mur il y avait une série de photos montrant Tom et toute sa vie en face de lui. On n’entendait que le bleep-bleep du moniteur de surveillance. Cette après-midi là, nous sommes allés à Devon filmer Sophie Miller, la veuve de James, et leur enfants, Alexandre trois ans, et Lotte pas tout à fait un an.

Réaliser notre film, Quand tuer est facile, a été l’ épreuve la plus atroce de ma carrière et c’est vraiment pénible que le gouvernement israélien et les Forces israéliennes de défense (IDF) aient refusé de nous parler. Depuis la mi-août nous avons sans arrêt faxé et téléphoné aux israéliens, leur demandant d’expliquer leurs actions. Tous ce que nous avons obtenu c’est une série de vieux communiqués de presse.

Rachel Corrie a été la première des trois victimes. Elle était membre du Mouvement International de Solidarité (ISM) Ce sont de jeunes idéalistes, principalement européens et américains qui s’interposent en boucliers humains. Vous pouvez les trouver naïfs, même cinglés. Il n’y a pas à douter de leur cran. Ils s’interposent entre les bulldozers et leurs cibles, les maisons des palestiniens que l’IDF veut mettre en miettes.

Les israéliens ont leurs raisons. Rafah est une forteresse de l’extrémisme islamiste à Gaza. Les palestiniens creusent des tunnels en dessous de la frontière contrôlée par les israéliens pour rejoindre leurs parents en Egypte. Les tunnels, prétendent les israéliens, servent à passer des fusils et des bombes. Il est juste de dire que peu, sinon aucun kamikaze ne sont venus de Gaza pour la simple raison que les israéliens ont pratiquement rendu impossible aux résidents de quitter la bande de Gaza. Et même, pour rendre plus difficile le percement de tunnel l’IDF a créé un mur de Berlin, façon «passage de la mort». Les gens de l’ISM y viennent et y font un passage. Le gouvernement israélien les prennent pour des «irresponsables», «illégaux», et des «sympathisant des terroristes».

On ne doit pas perdre tout cela de vue dans le contexte de la seconde intifada où les actions militaires israéliennes ont fréquemment eu lieu en réponse aux attaques suicides palestiniennes. Jusqu’à présent 800 israéliens ont été tués ainsi que 2 200 palestiniens.

Le 16 mars de cette année, Rachel et ses amis de l’ISM défendaient la maison du Dr Samir Nasser Allah contre les bulldozers. Les boucliers humains avaient réussi à passer. Tom Dale et Alice Coy, des militants de l’ISM virent un bulldozer foncer bruyamment sur Rachel. Elle restait debout là où elle était. Le bulldozer ne s’arrêta pas. Dale, un étudiant d’Oxford, vit clairement l’incident. « Il (le conducteur) savait parfaitement qu’elle était là. Le bulldozer s’immobilisa en position d’attente juste au-dessus de son corps, puis fit marche arrière, pelleteuse abaissée de sorte que si elle était en dessous le bulldozer puisse l’écraser une deuxième fois. Ce n’est que plus tard quand il fut devenu parfaitement clair que son corps était dessous qu’il releva la pelleteuse ».

Rachel trouva la force de dire à Coy « J’ai le dos brisé ». Elle mourut peu après. Une photo extraite d’un film montre clairement les militants de l’ISM rassemblés autour de Rachel mortellement blessée. A l’arrière plan, le bulldozer, et les traces reconnaissables du bulldozer. Le Dr Yehuda Hiss, médecin pathologiste, a noté que Rachel semblait avoir été écrasée par un bulldozer et a noté qu’elle était morte « par écrasement de la poitrine ». Les omoplates de Rachel ont été écrasées, sa colonne vertébrale brisée en cinq endroits et elle avait six côtes cassées. Son visage était visiblement lacéré par les lames de la pelleteuse.

L'armée israélienne a produit un rapport de terrain qui établit que «Rachel n’a pas été poursuivie par un véhicule » et a rajouté « qu’elle n’était pas dans le champ visuel du conducteur du véhicule ». L'armée israélienne a confirmé cette version en permettant à la télévision israélienne de faire une interview-son, uniquement, du soldat qui conduisait le bulldozer. Il a déclaré « Quand j’étais en train de faire des terrassements, j’ai ramassé une cargaison de terre et l’ai mise de côté. Il n’y avait personne à ce moment là. Peut-être a-t-elle été ensevelie à ce moment-là. Je ne sais pas. Je ne l’ai pas vue ». Il y avait aussi un deuxième soldat dans le bulldozer. Qu’a-t-il vu ? Nous n’en savons rien. Le rapport de l’IDF continue en affirmant que Rachel « a été frappée par de la boue et une plaque de béton qui ont provoqué sa mort ». Mais alors, qu’en est-il des constatations du médecin pathologiste israélien, constatant des blessures multiples, qui ne collent pas avec une simple plaque de béton tombant sur elle ? Curieusement, quand ultérieurement la police militaire a mené une enquête, elle a conclu que Rachel n’avait pas « été heurté par un bulldozer » mais qu’elle avait trébuché contre un dépôt d'ordure.

La famille de Rachel Corrie est persuadée que la version de l’événement par l'armée israélienne est une fabrication évidente. "L’IDF ne voulait pas nous parler de la mort de Rachel ; l’enquête de la police militaire israélienne est terminée et aucun soldat israélien n’a été poursuivi pour aucun délit".

Tom Hurndall a été visé à la tête le 11 avril. L’IDF a admis avoir tiré sur Tom, mais ils disent qu’ils avaient de bonnes raisons pour ça, il portait un treillis de camouflage et tirait au fusil contre un avant poste israélien. Le rapport de terrain de l’IDF inclut même deux diagrammes montrant l’endroit où était posté le tireur. Le père de Tom, Anthony Hurndall, un juriste en immobilier de la City à Londres, a enquêté sur l’assassinat de son fils. Les deux diagrammes du rapport de l’IDF localisent la position de Tom quand on lui a tiré dessus à deux endroits différents. Ces endroits sont contradictoires. Treize témoins oculaires et deux séries de photos localisent Tom à un endroit différent à environ 100 mètres plus loin que l’endroit de sa mort. Les témoins disent que Tom ne tirait pas au fusil sur les israéliens mais aidait un petit enfant palestinien pétrifié sous le feu israélien.

Juste après qu’on eut tiré sur Tom, il a été transporté par deux jeunes palestiniens de la ligne de feu vers un lieu sûr où on a pu lui donner les premiers soins. Deux photographes ont pris une série de clichés montrant Tom quand on le ramassait. Le sang gicle de sa tête et on peut affirmer que ces images ont été prises dans les quelques secondes qui ont suivi le tir. A l’arrière plan des deux séries de photos on voit distinctement des graffites du Hamas, ce qui définit le site où Tom a été descendu comme étant le lieu identifié par les témoins oculaires.

Le rapport de terrain de l’IDF affirme que Tom portait un treillis de camouflage. Les militants de l’ISM portaient à dessein des vestes fluorescentes pour s’identifier et se différencier des terroristes palestiniens. Le photographe sud africain Garth Stead a pris des photos en noir et blanc et l’une d’entre elles montre clairement que Tom porte une veste caractéristique. Le second jeu de photos, prises par un amateur vidéo, prouve que la veste n’est pas un treillis de camouflage mais qu’elle est orange. J’ai demande à Stead s’il était possible de prendre la couleur orange pour du camouflage. Il m’a dit « Non à moins d’être un voleur d’orange ».

La famille deTom Hurndall pense aussi que la version des évènements par l’IDF n’est que fabrication. Son père, après six semaines d’enquête, est arrivé à contre cœur à la conclusion qu’on est en face « d’un cas de tentative de meurtre". Si Tom meurt, et c’est probable, alors ce sera un meurtre ». Une enquête militaire est toujours en cours.

James Miller a été visé le 2 mai. Il était à Rafah depuis plus de deux semaines et une bonne partie de ce temps se trouvait dans une maison que l’IDF appelle « La maison des journalistes ». Au cours de la dernière nuit de tournage il y avait eu des tirs, principalement ou exclusivement en provenance de compagnies blindées, contre des cibles palestiniennes. S’en suivit une période de calme puis les troupes des compagnies blindées se sont adressées à James et à son reporter Saira Shah (tous les deux avaient fait deux films en Afghanistan qui eurent un succès surprenant, et obtenu plusieurs récompenses). La caméra de James a enregistré que les soldats israéliens les appelaient, non en hébreu, mais en arabe. On pense qu’ils étaient de l’unité bédouine de patrouille du désert, des mercenaires arabes qui combattent pour l’agent que leur donnent les israéliens. Les Bédouins ne sont pas des réservistes israéliens nerveux mais des volontaires endurcis à la bataille qui servent à Rafah durant de longues périodes. (On les appelle en arabe «Voulez-vous être comme Fairuz » (une chanteuse libanaise) et « voulez vous porter du parfum » une rengaine tirée d’une sitcom égyptienne. Saira Sha pensait qu’ils sont si francs ?)

Il y avait deux cameramens qui enregistraient la scène, le cameraman de James et celui d’un correspondant palestinien travaillant pour l’Associated Press TV News (APTN). Deux transports de troupe qui patrouillaient dans le coin coupèrent leurs moteurs et éteignirent leurs phares. C’est un vieux truc de soldat ; pour voir dans le noir vous éteignez vos phares et votre vision nocturne augmente formidablement. On peut voir. Les autres ne peuvent pas vous voir. Bien plus, grâce à l’aide militaire américaine, l’IDF a l’un des meilleurs équipement du monde en vision nocturne. Les véhicules blindés à Rafah portent couramment deux fusils équipés de système nocturnes Aquila, qui utilisent la lumière disponible et en quadruple la puissance. James et son équipe étaient assis dans une véranda bien éclairée. Les soldats pouvaient très bien les voir en vision nocturne, et très bien éclairés à travers leurs équipements de vision de nuit. Le rapport de terrain de l’IDF concernant la mort de James reste confidentiel, mais nous avons eu sous les yeux une « fuite ». Et qui établit clairement que, après quelques tirs, la nuit semblait calme.

James avait filmé dans l’espoir d’enregistrer le dynamitage israélien d’une des maisons abandonnées sur "le chemin de la mort", mais on avait l’impression que l’IDF avait terminé sa mission pour la nuit. L’équipe décida de quitter la maison d’où ils avaient filmé et de retourner (pour plus de sûreté) dans leur appartement du centre de Rafah. C’était leur dernier jour de tournage.

Ils ont décidé de se montrer ouverts et francs. D’approcher un militaire directement et de lui demander de leur assurer un passage sécurisé. James, Saira et leur guide local, Aboud, se dirigèrent directement vers leur véhicule, en parlant en anglais et en arabe. Saira tenait un passeport anglais, Aboud un drapeau blanc que James éclairait de sa torche. Depuis la véranda le cameraman de l’APTN filmait la scène. Sur l’enregistrement on entend clairement que la nuit est terriblement calme. Aucun bruit de tirs. Sinon, l’équipe n’aurait pas pris de risque. Ils s’éloignèrent d’environ une vingtaine de mères de la véranda quand le premier tir éclata. L’équipe se paralysa. Pendant treize secondes, seul le cri de Saira déchira le silence « Nous sommes des journalistes anglais ». Vint alors le second tir, qui tua James. Il a été visé en plein cou. La balle était de provenance israélienne et tirée selon un expert médico légal à moins de 200 mètres de distance.

Juste après le tir, l’IDF a déclaré que James avait été touché dans le dos, pris dans un accrochage. Plus tard elle a démenti ce qui avait été dit à propos de la partie du corps qui avait été touchée, mais jusqu’à aujourd’hui elle a maintenu qu’il avait été touché au cours d’un accrochage. Il n’y a pas trace d’accrochage sur l’enregistrement de l’APTN. L'armée israélienne et le gouvernement d’Israël ont choisi de ne pas nous parler du cas de James Miller. Une enquête militaire est toujours en cours.

Depuis le début de la seconde intifada, 2200 palestiniens ont été tués. Neuf soldats israéliens ont été poursuivis pour différents crimes, mais aucun n’a été déclaré coupable de meurtre arbitraire. Seulement, il y a quelque chose de nouveau sur les champs de bataille des territoires occupés : le meurtre et la mutilation de journalistes occidentaux et de militants de la paix. Et, contrairement aux Palestiniens, les familles des victimes internationales ont pu supporter la pression. Ils n’ont cependant reçu que bien peu de réponses satisfaisantes.

Nous avons montré le film de l’APTN sur l’assassinat de James à un soldat israélien d’active. Il a remarqué que l’équipe de la télévision ne ressemblait pas à des terroristes islamiques et à conclu « C’est un meurtre ».

« Quand tuer devient facile » par John Sweeney – produit par Bill Treharne Jones, diffusé par BBC2 dimanche à 19H10 Ier novembre 2003

Source : www.news.independent.co.uk

Traduction : CS

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