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Israël -

Amos Oz n’était pas une colombe

Par

Haidar Eid est maître de conférence de littérature post-coloniale et post-moderne à l’Université Al Aqsa de Gaza. Il a beaucoup écrit sur le conflit israélo-arabe, dont des articles publiés sur Znet, Electronic Intifada, Palestine Chronicle, et Open Democracy. Il a publié des articles d’études culturelles et de littérature dans de nombreuses revues, dont Nebula, Journal des études américaines en Turquie, Cultural Logic, et le Journal de littérature comparative.

Une fois encore, je me retrouve dans l’étrange situation de devoir écrire une nécrologie critique d’un autre membre de la soi-disant “gauche” israélienne, ou plutôt du “camp de la paix”. Il y a quatre mois il s’agissait d’Uri Avnery, fondateur du mouvement pacifiste Gush. Aujourd’hui c’est le prestigieux écrivain israélien Amos Oz, mort à l’âge de 79 ans. Bien que mon domaine de prédilection soit la littérature, ce sont les idées politiques de l’homme qui m’ont d’avantage intéressé.

Amos Oz n’était pas une colombe

Comme la plupart des leaders de la “gauche” sioniste modérée, Oz ne s’opposait qu’à l’occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza, et n’a jamais condamné le péché originel — le grand pillage de la Palestine en 1948. Selon ce sioniste convaincu jusqu’au dernier jour, l’occupation de 1967 était la source du “conflit israélo-palestinien.”

Je me suis intéressé à ses positions concernant deux sujets majeurs : le droit au retour et la solution à deux Etats. Sa position reflète bien celle de la soi-disant “gauche” israélienne, ou sionisme modéré. Après avoir servi lors de la Guerre des six jours en 1967, Oz a été l’une des premières figures publiques à s’opposer à l’occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza et à se faire le porte-parole de la solution à deux Etats, ou à deux entités ethniques basées sur l’identité ethno-religieuse.

En outre, Oz a défendu, à de nombreuses reprises, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par Israël, y compris l’attaque israélienne de grande ampleur sur le Liban en 2006 et le massacre de Gaza de 2008-2009. Le plus étonnant a été qu’il était tellement d’accord avec la décision du président états-unien Donald Trump de déplacer l’ambassade états-unienne à Jérusalem qu’il pensait que “chaque pays du monde devrait suivre le Président Trump et déplacer son ambassade en Israël à Jérusalem.”

On peut se faire une idée de l’idéologie guidant ses écrits en lisant trois de ses textes que je connais le mieux et qui sont également les textes les plus connus en Israël : Dans la terre d’Israël, Mon Michaël et Une histoire d’amour et de ténèbres.

Dans ce que l’on considère être ses mémoires, Une histoire d’amour et de ténèbres, il y a une interaction entre littérature et idéologie et la manière dont cette dernière prend le dessus au détriment de l’esthétique. En glorifiant les kibboutz bien que construits sur des terres volées appartenant à des autochtones Palestiniens, il est devenu un membre actif, et un défenseur, de l’agressive politique colonialiste de son pays. Dans son œuvre, les Palestiniens sont (sous)représentés comme des personnages marginalisés et passifs, jamais comme des agents actifs. L’œuvre littéraire d’Oz est réellement la fusion de la littérature et de l’idéologie israélienne.

Tout comme Avnery, Oz appartenait à un groupe d’Israéliens qui essaient d’imposer ses propres paramètres restrictifs à la lutte palestinienne ou de nuancer son soutien à cette lutte en fonction de son agenda politique. Il est d’une importance capitale, dans ce contexte, de distinguer les différentes variantes de ce soutien ou reconnaissance.

Oz évitait soigneusement le cadre politique défini par les forces politiques et la société civile palestiniennes, avec pour stratégie de ne mettre fin qu’à l’occupation militaire de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza de 1967. A tel point que lorsqu’il employait le terme colonialisme, il limitait l’application du terme au territoire palestinien occupé en 1967, et non à la Palestine historique. Le danger de cette formulation est qu’elle élude le problème du droit au retour de millions de réfugiés palestiniens ainsi que celui du système légalisé et institutionnalisé, et maintenant constitutionnalisé, de racisme et de discrimination envers les citoyens palestiniens d’Israël. Elle ignore donc les droits, imposés par l’ONU, de la grande majorité du peuple indigène de Palestine.

Il était le reflet des tentatives israéliennes de restreindre le champ des droits fondamentaux des Palestiniens à la liberté, à l’égalité et à la justice. C’est une pratique bien connue de la “gauche sioniste” de définir les droits des Palestiniens en les limitant à ceux vivant en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza et d’ignorer les 7 millions de réfugiés dont le droit au retour est garanti par le droit international, ainsi que les 1,6 millions de citoyens palestiniens d’Israël qui sont les victimes de la politique raciste de l’état. Oz, tout comme d’autres sionistes modérés, ont lutté pour le ”droit d’Israël à exister” sans démanteler son système colonial et d’apartheid, tout comme certains blancs libéraux ont lutté pour améliorer les conditions d’oppression des Africains noirs pendant l’apartheid en Afrique du Sud. C’est pourquoi, tout comme d’autres Palestiniens, je doute de la sincérité de ces Israéliens qui ne remettent jamais en question le caractère raciste d’Israël, sans même parler du crime commis envers notre peuple en 1948. Les Israéliens sur lesquels nous pouvons compter sont ceux qui reconnaissent nos droits, internationalement reconnus, y compris le droit au retour. Oz n’était pas l’un d’eux. Au contraire, il était engagé dans le projet sioniste en Palestine en défendant la solution raciste à deux états, et en défendant sans limite une majorité juive sur 78% de la Palestine historique.

Rien de surprenant qu’Edward Saïd ait eu une autre vision qu’Oz. Dans La fin du processus de paix : Oslo et après, E. Saïd écrit :

"Le prévisible Amos Oz a exigé que nous choisissions entre la paix et la violence, comme si Israël avait déjà rappelé ses avions au sol, démantelé Dimona, arrêté de bombarder et d’occuper le Sud Liban (deux hommes libanais de 70 ans ont été tués par les avions israéliens lors des bombardements du marché : pourquoi n’est-ce pas de la violence et de la terreur ?), et retiré toutes ses troupes des 97% de la Cisjordanie qu’il contrôle encore, ainsi que ces barrages militaires qu’il a installé entre chaque ville palestinienne."

Je pensais à ces mots en 2009 quand les F16 et les hélicoptères Apache israéliens bombardaient mon quartier, tuant des centaines de femmes et d’enfants. Naturellement je me demandais : pourquoi Oz est-il d’accord avec ça ?

Avec sa mort et, avant lui avec celle d’Avnery, nous assistons à la fin de la façade de la soi-disant “gauche” israélienne.

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Traduction : Lauriane G. pour l’Agence Média Palestine
Article original en anglais : Mondoweiss.


Source : Agence Media Palestine

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