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Israël - 7 janvier 2007
Par Louis Frankenthaler
Louis Frankenthaler est directeur pour l'éducation et le développement au Public Committee Against Torture in Israël, une organisation israélienne pour les Droits de l'Homme.
Depuis près de quarante ans, l'occupation israélienne du territoire palestinien est une tache indélébile, créant les conditions de la violence et réduisant de façon significative la crédibilité des assertions israéliennes de démocratie.
Récemment, l'ancien président des Etats-Unis Jimmy Carter a été largement châtié par les "amis d'Israël" pour avoir associé le mot Apartheid au régime israélien d'occupation du territoire palestinien (la Cisjordanie et Gaza).
Un soldat israélien tire du gaz lacrymogène dus des protestataires palestiniens lors d'une manifestation contre le mur de séparation dans le village de Bilin près de la ville de Ramallah en Cisjordanie , 29 décembre 2006. (MaanImages/Fadi Arouri)
Alors qu'on peut s'interroger sur la sagesse d'importer le terme Apartheid du langage de ce qu'était le régime de tyrannie raciste en Afrique du Sud, les effets sous-jacents et à long terme et, bien évidemment, les buts de l'occupation ont été de séparer les Palestiniens de leur patrie et de les diviser en interne, en même temps que de les désinvestir de tous leurs droits politiques et culturels.
Ce n'est peut-être pas, techniquement, de l'apartheid mais ça décrit certainement un système d'oppression qui s'est enraciné dans la réalité actuelle et prévisible en Israël et en Palestine. (ndt : voir l'opinion de Shulamit Aloni sur le sujet)
Le problème, au sujet du mot Apartheid, est que la nature atroce et outrageante (injurieuse) de l'occupation devrait suffire pour sécuriser le sens dans le langage global qui est comparable à celui d'Apartheid.
Alors, même si le Premier Ministre israélien Olmert retire quelques barrages ou une ou deux colonies, il demeure clair que la barrière réelle à une vie normale pour toutes les personnes de la région reste le pharaonique Israël refus d'abandonner sa main-mise sur les territoires palestiniens occupés et de permettre au peuple palestinien d'être libéré de l'occupation.
De plusieurs façons, la nature de l'occupation est plus visiblement illustrée par la politique de colonisation qui continue à être imposée au peuple palestinien.
Le rapport récent du groupe israélien de soutien La Paix Maintenant sur les colonies israéliennes construites sur les terres palestiniennes privées (et volées) est un document important qui informe clairement la population israélienne sur la nature épouvantable de l'occupation et son agression de la loi, de la démocratie et des droits de l'homme.
Après cette lecture, il n'y a pas un seul israélien, ni un seul "supporter d'Israël" qui peut, en toute conscience, dire qu'il ne connaît pas la nature brutale de l'occupation israélienne des territoires palestiniens depuis quarante ans; qui se manifeste de façon la plus visible par la politique illégale d'Israël de transfert et d'installation de citoyens israéliens sur la terre palestinienne.
Aussi accablantes que soient les charges dans ce rapport, il est devenu clair que le monde politique israélien ne voit pas ce rapport comme un réquisitoire contre sa politique de colonies ou contre l'occupation dans sa globalité.
Il est plus vraisemblable que derrière les portes closes, le rapport est soit ignoré, soit considéré comme une affirmation du "succès" de quarante ans de politique d'occupation, d'annexion, de privation de droits et d'abus contre la population palestinienne indigène.
Les colonies concernées, telles Ma'ale Adumim et Ariel, sont maintenant normalisées dans le discours public israélien.
On mène, dans ces "communautés", une vie normale.
En fait, le rapport fonctionne comme une indication de la banalité de la plaie de l'occupation.
Le commerce fonctionne, des bibliothèques sont construites, des écoles et des terrains de jeux continuent à être bâtis et les résidences continuent sans entrave.
L'extension de la normalisation et la banalité de l'occupation et des colonies a atteint de tels sommets que les Israéliens sont à peine conscients et sûrement indifférents au fait que les colonies et les colons sont la partie dominante de la société israélienne privilégiée, pompant les précieuses ressources à la fois des sociétés israéliennes et palestiniennes, et n'offrant rien de positif en échange.
L'occupation est tellement banale et endémique qu'on fait peu attention, ni en Israël ni aux Etats-Unis, au fait que le nouvel ambassadeur d'Israël aux Etats-Unis, Salai Meridor, est lui-même un colon, originaire de la colonie Kfar Adumim.
Pendant ce temps, alors que les règles de la vie quotidienne continuent sans entrave pour les colons israéliens, pour les Palestiniens, la vie normale est impossible.
Les activités quotidiennes, considérées comme garanties pour la plupart d'entre nous – aller chez le médecin, au marché, voir ses amis et sa famille, aller à l'école ou à l'université – sont criminalisées pour la population palestinienne tout entière à cause du régime d'occupation.
La vie palestinienne est régulée et contrôlée par les Israéliens à un tel niveau que toute tentative de déplacement à l'extérieur de l'espace restreint imposé par Israël est devenue une entreprise illégale.
L'ironie de l'occupation est que les colonies israéliennes sont "légales" ou bien simplement des "avant-postes illégaux" en voie de légalisation "de facto" ou "de jure", alors que la totalité de la population palestinienne est traitée au mieux comme des étrangers illégaux sur leur propre terre, sans droit, vivant sous un régime de discrimination absolue et d'inégalité abjecte.
C'est un exemple classique de la situation décrite par Hannah Arendt dans "Les origines du Totalitarisme" dans laquelle les individus dotés de droits humains se voient nier l'accès à ses droits précisément à cause du fait qu'ils sont privés de droits civiques et rendus apatrides, privés de leur "place dans le monde".
De plus, même plaider en faveur des droits de l'homme et résister pacifiquement à l'occupation ont été effectivement criminalisés par Israël, qui a récemment interdit que les Palestiniens soient transportés par des Israéliens ou autres à l'intérieur des territoires occupés – ce qui revient à empêcher tout travail humanitaire.
Pour des observateurs chevronnés de l'occupation, ceci n'est pas une surprise parce qu'Israël, en particulier depuis 1967, a développé une culture enracinée d'impunité.
Par exemple, presque toutes les plaintes du Comité Contre la Torture en Israël (Public Committee Against Torture in Israël (PCATI) contre la torture et les mauvais traitements restent sans réponse ou sont, au mieux, étudiées sans sincérité.
C'est la raison pour laquelle PCATI demande une réforme complète de ce mécanisme d'enquête défectueux.
La violence des colons contre les Palestiniens ne fait l'objet d'aucune vérification, les effets délétères des colonies et de la construction du mur de séparation sont ignorés et l'insistance de la communauté internationale à au moins un minimum de respect des règles humanitaires internationales et des Droits de l'Homme est méprisée ou considérée comme un nouveau signe que le monde est "contre Israël".
L'occupation est une forme de la tyrannie. Une récente étude faite par des universitaires israéliens et des procureurs pour les droits humains (voir Ben-Naftali, Orna, Aeyal M. Gross and Keren Michaeli. Illegal occupation: framing the Occupied Palestinian Territory, 23 Berkeley J. Int'l L. 551-614 (2005)) a souligné l'illégalité sans ambiguïté de l'occupation et le fait que les Palestiniens ont été déshumanisés et privés de leurs droits humains et politiques à cause de l'occupation.
Les aspirations palestiniennes à l'autodétermination n'ont jamais été sérieusement prises en considération (et ne le seront jamais, je pense) par Israël. Les pouvoirs de l'Autorité Palestinienne ont été effectivement réduits à néant par Israël, semblables à ceux d'une municipalité locale.
En bref, la situation créée par Israël est celle d'une répression sans représentation. A travers l'histoire, les peuples opprimés de cette façon ont résisté à de telles conditions intolérables.
La question est : à partir de là, où allons-nous ?
La réponse, du moins d'un point de vue intérimaire, est de faire comprendre à Israël que sans quelques réelles avancées vers l'autodétermination des Palestiniens, la communauté internationale devra envisager une modification du statut des habitants palestiniens des territoires occupés qui, pour avoir vécu sous la longue oppression israélienne, seront en droit de participer au discours politique israélien et auront le droit de participer à la détermination de la politique et de la législation qui ont dirigé leurs vies pendant quarante ans.
L'occupation elle-même n'est pas une occupation en soi mais plutôt une annexion partielle. Ceux qui sont sous occupation ont été exploités et expropriés pour le bénéfice de l'occupant, en même temps que leurs droits politiques ont été constamment niés.
Le temps laisse bien sûr des traces et j'appellerai le changement de statut auquel je me réfère "naturalisation constructive".
A la lumière du refus d'Israël d'honorer les aspirations démocratiques palestiniennes, de son refus obstiné de mettre un terme à l'occupation et de garantir l'établissement d'un Etat palestinien souverain et viable, les Palestiniens doivent maintenant en être affranchis, avec, et c'est le strict minimum, le droit de participer et d'influer sur les politiques sous lesquelles ils ont été des esclaves depuis quarante ans.
C'est pourquoi, sans renoncer aux droits à la nationalité palestinienne, l'option d'étendre le droit de vote des Israéliens aux Palestiniens sous occupation doit être sérieusement considérée.
A lire également :
• L"ouragan Carter d'Henry Siegman
• Pris au piège comme des Rats de Stop The Wall
Source : http://electronicintifada.net/
Traduction : MR pour ISM
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