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Gaza - 10 septembre 2019
Par Ramona Wadi
Ramona Wadi est une chercheuse et une journaliste indépendante, critique de livres et blogueuse spécialisée dans la lutte pour la mémoire au Chili et en Palestine, la violence coloniale et la manipulation du droit international.
À l'approche des élections israéliennes, le Premier ministre Benjamin Netanyahu cherche de nouvelles méthodes pour vider Gaza des Palestiniens. La plus récente, dans les discussions sur l'intensification de l'agression future contre l'enclave, consiste à aider les Palestiniens de Gaza à « émigrer » vers les pays hôtes.
Selon des informations parues dans les médias israéliens, Israël aiderait cette émigration palestinienne financièrement et logistiquement. Cette prétendue bienveillance cherche à détourner l'attention du fait que de telles manigances contredisent les principes de la libre circulation, comme en témoigne le blocus illégal qu’Israël impose à Gaza.
Jusqu'à présent, les pays d'Europe et du Moyen-Orient ont manifesté peu d'intérêt pour ce projet. Il est possible que le plan de Netanyahu tel que diffusé par les médias ne soit rien de plus qu'un exercice de propagande visant à recueillir des votes. Netanyahu a été sévèrement critiqué par ses opposants, notamment par Benny Gantz, leader du parti Bleu et Blanc et ancien chef de l'armée israélienne, pour ne pas avoir dissuadé la résistance palestinienne à Gaza.
Il ne fait toutefois aucun doute que Netanyahu encourage des formes d'expansion coloniale qui normalisent la violence inhérente au processus.
La communauté internationale ne mènera aucune action coercitive contre Israël, quoiqu’il fasse. Alors que l'opinion publique prend conscience de la violation par Israël des droits palestiniens, Netanyahu cherche à maintenir l'oppression sur les Palestiniens sans manifestations explicites de violence.
Netanyahu tente donc de trouver des moyens de normaliser le fait de déplacer les Palestiniens, en s’écartant de la ligne politique violente qu’il a maintenue à Gaza, notamment le blocus illégal et les agressions généralisées qui perpétuent le cycle d’une population démunie et déplacée à l’intérieur de son propre pays.
En fait, Netanyahu a abandonné depuis longtemps la préférence israélienne pour les bombardements démontrée dans les opérations Plomb durci et Bordure de protection. Depuis que le président des États-Unis, Donald Trump, a pris ses fonctions, il s’est plutôt concentré sur l’oppression des Palestiniens et sur l’obtention de justifications diplomatiques pour ses actions.
En mai, le dernier attentat à la bombe médiatisé à Gaza a apporté à Netanyahu le soutien explicite qu'il cherchait – faire accepter les récits sécuritaires d'Israël et la justification de sa violence. Dans quelle mesure serait-il plus facile d'utiliser le principe de l'émigration palestinienne - aidé par Israël, pour obtenir un soutien au perfectionnement des méthodes de déplacement forcé ?
Les plans visant à faciliter l'émigration palestinienne de Gaza reposent sur des décennies de privation de vie normale pour les Palestiniens. À Gaza, le blocus illégal a exacerbé ces privations qui restreignent la circulation des personnes et des biens sous prétexte de préoccupations sécuritaires. En outre, le blocus a fourni à Israël un terrain d’expérimentation des armes.
En bref, Israël a tiré avantage de Gaza à bien des égards, en particulier lorsqu'il poursuivait ouvertement le massacre de civils palestiniens dans l'enclave. La levée du blocus aurait privé Israël des avantages qu'il retirait des violations systématiques des droits et des besoins de base des Palestiniens.
Le blocus de Gaza est peut-être la violation israélienne la plus unanimement critiquée. Les surveillances internationales et les manifestations palestiniennes ont mis en évidence ses répercussions.
Dans les cessez-le-feu négociés, la levée du blocus a été l’une des revendications des Palestiniens. La fermeture de Gaza a érodé tous les aspects de la vie normale et anéanti son économie. À la suite des agressions israéliennes, les restrictions à l’importation ont entravé la reconstruction de Gaza, toujours sous prétexte de questions sécuritaires.
Le blocus israélien et les attaques contre Gaza ont amené l'ONU à déclarer à plusieurs reprises que l'enclave serait invivable d'ici 2020.
La solution évidente serait de lever le blocus sur Gaza et de décoloniser toute la Palestine. Bien entendu, Israël n'acceptera jamais de revenir sur son projet colonial.
Pour son scénario hypothétique d'émigration palestinienne facilitée par le colonialisme, les conséquences du blocus devraient rester en place et, si possible, être amplifiées à un point tel que le choix des Palestiniens de rester ou de partir serait encore plus urgent qu’il ne l’est actuellement.
Encourager les Palestiniens à émigrer de Gaza neutraliserait les critiques contre le blocus, en prétendant offrir un moyen de sortir de la misère qu’il a infligée aux Palestiniens, en évitant tout blâme et toute responsabilité.
En outre, Netanyahu masquerait le concept de transfert forcé du fait du dénuement en se lançant dans une propagande sur l’autorisation aux Palestiniens de circuler librement, pour ne jamais revenir.
La seule différence entre ces tactiques et celles mises en œuvre lors de la Nakba est que la dernière en date ne serait pas considérée comme une option acceptable du point de vue diplomatique.
Il n’y a rien de gratuit dans l’agenda de Netanyahu pour faciliter l’émigration massive de Gaza. Dans le cas peu probable où le gouvernement israélien trouverait des pays disposés à participer à son projet, il est important de se rappeler que la déshumanisation d'une population atteindrait des niveaux encore plus déplorables.
Cette forme de nettoyage ethnique normalisé consoliderait également les récits de la Nakba fabriqués antérieurement par Israël, qui affirmaient faussement que les Palestiniens avaient volontairement quitté leurs maisons pour devenir des réfugiés.
Haaretz a interprété le plan de Netanyahu comme une confirmation de la politique de transfert forcé d'Israël au reste de la communauté internationale.
À la lumière du soi-disant "accord du siècle", dont les détails doivent être annoncés le mois prochain, Israël insiste sur le fait qu'il ne permettra pas aux réfugiés palestiniens de revenir sur leurs terres.
Depuis que l'Egypte a ouvert son poste-frontière, des milliers de Palestiniens ont quitté Gaza, citant tous les possibilités d'une vie meilleure. Certains Palestiniens ont également tenté ce périlleux voyage par mer à travers la Méditerranée. Les deux possibilités sont nées de l'annihilation de la liberté de choisir.
Israël casse la résistance palestinienne en forçant les Palestiniens à choisir entre résistance et survie.
Il n'y a aucune chance pour la première si les besoins essentiels ne sont pas satisfaits. Le refus perpétuel d'Israël de garantir la fourniture des produits de première nécessité pousse les Palestiniens à prendre des décisions drastiques.
Netanyahu exploite les besoins des Palestiniens en préparant la communauté internationale à normaliser sa politique de transfert forcé.
Si le plan est mis en œuvre, un chapitre encore plus brutal s’ouvrira pour les Palestiniens en termes de reconnaissance et de lutte, et les deux seront ignorées pour satisfaire la façade d'Israël dans la diplomatie internationale.
Source : The New Arab
Traduction : MR pour ISM
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