Israël - 2 janvier 2006

Démocratie pour les Seigneurs et les Maitres

Par Ze'ev Sternhell

"Les pratiques abusives", l'abattage répété des oliviers, le vol des terres proches de la colonie de Modi'in Illit et le pogrom qui est le lot quotidien des Arabes d'Hebron (et ce ne sont que des exemples des informations de ces derniers jours) peuvent étonner seulement ceux qui n'ont jamais voulu savoir.
Parmi eux, malheureusement, nombreux sont ceux qui travaillent pour les media.

Les actions de la police des frontières ainsi que celles d'autres unités qui travaillent au service des colonies sont connues depuis longtemps.

Depuis plus de 25 ans, du rapport Karp au rapport Sasson récemment publiée, chacun sait que la loi n'est pas imposée dans les territoires, et donc que la police n'est pas obligée de faire un effort pour s'occuper des transgresseurs.

l n'y a plus de discussion sur des bases normales de moralité universelle:
Dans une société coloniale, il y a différents types d'êtres humains, et donc, différentes droits et différentes valeurs.

Mais les colons ne portent pas seuls la responsabilité du régime oppressif au delà de la ligne verte; ils exploitent seulement la situation pour rendre intolérable la vie des habitants, dans l'espoir que la société palestinienne se désagrégera, de sorte que quand le moment viendra, il sera possible de s'en débarasser totalement.

Sur le même niveau, ce ne sont pas les soldats eux-mêmes qui doivent être blâmés pour le harcelement de la population, et dans le cas "d'une pratique abusive" rapportée par Haaretz, ils ne sont pas les seuls à porter une responsabilité directe dans la mort du Palestinien qui a été attaché à son âne.

Les chefs de la hiérarchie militaire et les hauts responsables du gouvernement sont personnellement responsables de ces actes.

Ce sont les personnes qui contrêlent le "système" : du grade le plus bas sur le terrain au sommet jusqu'au chef d'Etat-Major, le Ministre de la Défense et, en premier, le Premier Ministre.

Un gouvernement qui a été capable d'effectuer le désengagement n'aurait aucune difficulté, s'il le voulait, à imposer la loi et l'ordre dans les territoires.

S'il ne le fait pas, cela signifie que les crimes sont effectués sciemment.

Après tout, c'est notre plainte quotidienne auprès du Président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas (Abu Mazen), malgré le fait que sa capacité à contrêler ce qui se passe à Gaza est à des années lumières de la capacité du gouvernement israélien d'imposer son autorité en Cisjordanie .

Mais que pouvons-nous réellement attendre quand le Ministre de la Défense responsable des Territoires est un opportuniste pathétique ?

Est-ce que c'est un homme qui risquera de perdre des voix pour préserver notre humanité?

Et que diriez-vous d'un chef d'Etat Major qui, quand il était commandant de l'Armée de l'Air israélienne, s'est vanté - à propos de la chute de la bombe d'une tonne sur un bâtiment résidentiel à Gaza - que quand il lache lui-mêmeune bome , il ne ressent rien d'autre que "une légère secousse sur l'aile de l'avion"?

Aucun de ces gens ne voit ni n'entend.

Le ministre de la Sécurité Publique non plus, dont les policiers ne sont pas capables de localiser ceux qui ont abattu des arbres et qui est responsable de la polices de frontières;
Ni le procureur général, un homme faible et un expert juridique avec des horizons limités qui a eu son rêle réduit dès le début et le Ministre de la Justice non plus, qui préfère également ne pas être impliqué dans une question qui n'est pas exactement populaire.

C'est risqué, après tout, de pertuber un déplacement réussi dans un centre commercial ou ailleurs.


Néanmoins, que dites-vous du Premier Ministre Ariel Sharon, l'homme fort d'Israël, adoré par son peuple et favori des médias, qui veut devenir David Ben-Gurion?

Pour Ben-Gurion, qui n'était ni un socialiste ni un social-démocrate, mais pas moins nationaliste radical que Sharon et un politicien qui était prêt à utiliser tous les moyens, la moralité humaine basique était encore considérée comme un élément fondamental de l'ensemble de la force nationale.

Une armée, des forces de police et des unités d'enquêtes de police qui ne voient rien de mal dans ce nouveau type d'abus, qui s'est terminé par la mort de la victime, sont fortement dangereux pour la société israélienne.

Cette brutalisation de la société israélienne est un danger pour notre futur.

Cependant, ceux qui devraient être les premiers à objecter et venir défendre les Arabes, ne fût-ce que pour leurs propres intérêts égoïstes, ce sont les colons.

La désintégration des préceptes basiques de la loi met en danger toute la société, mais ceux qui sont le plus exposés sont les groupes minoritaires.

Piétiner les droits de l'homme dans les territoires est seulement la première étape.

Pendant le désengagement, nous avons vu à quel point il était facile d'ébranler ces droits, même parmi les Juifs. La détention administrative massive des activistes et des chefs des colonies est une possibilité bien plus probable qu'elle le semble actuellement. Les droits de l'homme, la justice et l'égalité devant la loi sont indivisibles.

Une armée qui est disposée, comme à Hebron, à permettre l'abus régulier des Arabes, une force de police qui ne veut pas trouver et arrêter les criminels, un gouvernement qui soutient une suprême responsabilité pour les injustices s'habituent à vivre en dehors de la loi et considèrent ces injustices comme une norme acceptable.


Si, après les élections, nous n'avons pas un gouvernement qui est disposé à arrêter la faillite du système d'investigation et de poursuite dans les territoires et ne change pas fondamentalement la réalité de la vie là-bas, sans relation à la nature du futur accord de statut final, une partie entière des bases de la démocratie israélienne sera perdue.

Sans protection des droits de l'homme, la démocratie est un mot vide.


Les démocraties des seigneurs et des maîtres, du type de celle qui règne dans les territoires, qui respectent rigoureusement les règles formelles de la décision à la majorité seulement parmi la nation dirigeante, ont existé aussi dans d'autres endroits : Elles ont disparu et n'existent plus.

Source : Ha’aretz

Traduction : MG pour ISM