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ISM France - Archives 2001-2021

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Israël -

L'affaire Joe Golan

Par

Début 1962, un citoyen Israélien appelé Yosef (Joe) Golan est venu au Consulat d'Israel à New York pour renouveler son passeport. Il a rempli les documents nécessaires et a payé les frais, puis le Consul lui-même, Benjamin Eliav, est sorti et l'a informé que, malheureusement, son passeport ne pourrait pas être renouvelé. Un peu plus tard, Golan a appris qu'Eliav avait agi selon des instructions qu'il avait reçues de son patron, le ministre des Affaires Etrangères de l'époque,Golda Meir.
Et a ainsi commencé "l'affaire Joe Golan."

Golan, le conseiller aux Affaires Arabes du Congrès Juif Mondial (WJC), avait une politique étrangère alternative; il avait des contacts avec des hommes d'Etats Arabes, dont des leaders du Mouvement National en Algérie. Meir tentait de le neutraliser.

Les événements et les scandales innombrables qui se sont produits depuis 43 ans ont poussé l'histoire de Joe Golan plus ou moins dans l'oubli, mais cette semaine, sa veuve publie un livre de mémoires (publié en Hébreu et intitulé "Dapim miyoman," ou "pages d'un journal intime" par Carmel Press) qu'il a laissé derrière lui et est fortement retors.

Le scandale du passeport, qui fut également sujet d'une discussion à la Knesset, s'est répandu, comme d'habitude en Israël, sans que la plupart des Israéliens soient autorisés à savoir de quoi il s'agissait : Meir s'est principalement servi d'un dossier secret préparé pour elle par Isser Harel, le chef de l'époque de l'agence d'espionnage, le Mossad, qui décrivait Golan comme un "risque pour la sécurité" et ne devait donc pas être autorisé à quitter le pays.

La version des événements de Golan est tout à fait étonnante et avec d'autres chapitres du livre, on arrive à conclure que l'histoire de l'immigration vers Israël depuis l'Afrique du Nord - et peut-être les bases de la relation entre Israël et l'ensemble des Juifs - doit être réexaminée.


En 1961, Golan se demandait ce qui adviendrait aux Juifs d'Algérie quand le Front National de Libération (FLN) aurait expulsé les Français et aurait établi un état indépendant. Il est allé en Tunisie et a rencontré l'un des chefs du FLN, Karim Belkacem.

Belkacem a accueilli Golan en tant qu'ami qui soutenait l'indépendance algérienne, mais n'a laissé aucune place au doute : Les Juifs algériens avaient lié leur destin à la France.
Bon nombre d'entre eux étaient impliqués dans l'oppression de la population, y compris dans les interrogatoires et la torture.

La meilleure chose qu'il pouvait conseiller aux Juifs Algériens était de quitter le pays avant qu'il ne soit trop tard: "Nous ne pouvons pas garantir leur sécurité et les protéger contre la colère des masses," a dit Belkacem.


Golan pensait que les Juifs Algériens devraient être prévenus. C'était seulement 16 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

L'un des supérieurs de Golan au Congrès Juif Mondial était Gerhard Riegner, l'homme qui a porté à la connaissance du monde l'un des premiers rapports du projet d'extermination des Juifs Européens.
Golan a rencontré Golda Meir.
Elle a commencé par un reproche cinglant : Qui lui avait donné la permission d'aller en Tunisie?


En tant que citoyen israélien, il lui était interdit d'avoir des contacts avec des Arabes. Le FLN était une organisation terroriste et avoir un contact avec ses membres était un acte imprudent qui pouvait nuire aux relations entre Israël et la France.


La France fournissait des armes à Israël; La France avait demandé à Israël que les Juifs Algériens restent où ils étaient. Par conséquent, l'avertissement du FLN ne devait pas leur être transmis, a déclaré Meir - selon Golan. Les services de sécurité français les protégeront, a-t'elle argué. Golan s'est demandé si elle le pensait vraiment : "Il faut être idiot pour le croire," a-t'il écrit en son journal, et a décidé d'agir contre ses ordres.

"Il y a des périodes où une personne est sûre d'avoir raison," a-t'il écrit. "Si j'avais obéi aux instructions de Golda, des centaines de Juifs Algériens, peut-être même des milliers, auraient été tuées."

Golan a préparé un rapport au sujet de son entretien avec Karim Belkacem et l'a transmis – via une opération secrete et complexe - au rabbin en chef d'Algérie, David Ashkenazi.
En conséquence, écrit-il, les Juifs Algériens ont commencé à quitter le pays, d'une façon organisée et non pas sous forme de panique : "En raison de mon action, des centaines, si non des milliers de Juifs Algériens ont eu la vie sauve", conclut-il.

Golan est mort il y a environ deux et ans et demi. Il a écrit ses mémoires en français. Il était né à Alexandrie et a grandi à Damas. Son père né en Russie vendait des machines à coudre et a servi avec Yosef Trumpeldor dans un régiment de muletier.
Golan a fait partie de la Haganah et a fini par connaître les leaders du Mapai.

Plus tard, il a servi dans le corps des renseignements des Forces de la Défense israélienne, il a étudié à Paris et y a trouvé du travail en tant que conseiller aux Affaires Arabes auprès du Congrès Juif Mondial.

Le président du Congrès de l'époque, Nahum Goldman, pratiquait une politique étrangère Juive qui ne cadrait pas toujours avec les définitions des intérêts d'Israël formulées par David Ben-Gurion et Golda Meir.

Leurs relations étaient un mélange de respect et d'hostilité, et de concurrence permanente, combinés à de la jalousie et à des querelles provenant des différences personnelles.
Au milieu de cela, Goldman cherchait des moyens d'établir un dialogue avec des responsables des Etats Arabes, sans coordination avec le Ministère des Affaires Etrangères ou le Mossad.

Golan et les gens du Mossad étaient horripilés par les tractations secrètes en vue de faire sortir les Juifs du Maroc.

Golan raconte largement trois conversations avec le Roi Mohammad V du Maroc.

Le roi l'avait accepté comme représentant des Juifs et, à la différence des responsables du FLN en Algérie, il exprimait une peine profonde au sujet du départ des juifs; Golan indique que le roi voulait qu'ils restent.

Entre autres choses, il a parlé avec Golan de ce qui était arrivé aux Juifs Marocains quand ils étaient arrivés en Israël: Il savait qu'ils étaient logés dans des camps de transit et qu'ils étaient discriminés.

Le roi était au courant des principes de l'idéologie sioniste, mais estimait que les Juifs du Maroc auraient une meilleure vie s'ils restaient dans son pays.


Golan accuse l'establishment Ashkenaze de discrimination ethnique découlant de la crainte raciste qu'Israël puisse devenir un Etat Oriental.


Le plus grand scélérat de son histoire est le Dr. Haim Sheba : "Le confident de Ben-Gurion... est parvenu à convaincre la direction du Mapai... que la rencontre avec des Juifs Marocains affaiblirait la texture biologique humaine de la société israélienne et entrainerait sa dégénération... parce que les dures conditions physiques dans lesquelles vivent les Juifs Marocains, en particulier ceux qui vivent dans les villes et les villages, a miné leur santé et la rencontre avec eux causerait un dommage irréversible à la 'super-race' de Sabras" - affirme Golan.


Les propos de Golan sont très critiques au sujet de la politique de "sélection" qui a guidé Israël pendant sa première période - le choix des jeunes et forts qui pourraient bénéficier à l'Etat, et l'abandon des faibles, des vieux et des malades.
Au bout d'un moment, l'Etat a décidé de prendre tout le monde et a même payé les autorités Marocaines pour chaque personne.

La position de Golan à ce sujet n'est pas claire. Il ne dit pas explicitement qu'il aurait été mieux pour les Juifs Marocains de rester au Maroc, mais son livre invite à une discussion sur certaines questions basiques :
Pourquoi les juifs du Maroc sont-ils partis?
Ont-ils pris la bonne décision quand ils ont été aidés en cela par Israël?
Et, surtout, Est-ce qu'Israël a encouragé leur départ afin de les protéger en tant que Juifs, ou l'inverse : Les intérêts de l'Etat d'Israël ont-ils entrainé la destruction de la communauté juive au Maroc?


Golan critique fréquemment et dans les termes les plus cinglants Isser Harel, qui a fourni à Golda Meir le prétexte pour annuler son passeport. "C'était la mort d'une réputation perpétrée d'une manière élégante qui rappelle les méthodes de travail que Goebbels avait développées avec succès. Isser Harel ressemble à un étudiant appliqué", est juste un exemple.

Au sujet de l'audience au sein des Affaires Etrangères et du Comité de défense de la Knesset, il écrit: "Cette session à la Knesset symbolise la période noire, honteuse et triste dans la vie politique de mon pays, qui à ce moment a perdu son honneur et a vendu son âme au diable. Telle fut l'époque du gouvernement de Golda Meir."


Son passeport lui fut rendu quelques mois plus tard.

Golan a consacré une grande partie de son travail en tant que diplomate pour le Congrès Juif Mondial en consacrant ses efforts pour améliorer les liens entre les Juifs et l'Eglise Catholique, pourtant la principale question soulevée par son livre est qu'Israël a manqué des occasions d'apaiser ses relations avec les Arabes, sans guerres.

Golan fût l'un des initiateurs des réunions entre Israéliens et Arabes qui ont eu lieu à Florence; il écrit au sujet d'une longue conversation avec le journaliste égyptien Mohammed Hasanain Haikal, et avec l'un des proches collaborateurs de Nasser.

Son livre ne pourve pas qu'Israël a manqué quelque chose et il ne fait pas ce raisonnement: Il semble possible aujourd'hui d'affimer que jusqu'à la Guerre des Six Jours, Israël n'avait rien à offrir aux Arabes, indépendamment des manifestations de bonne volonté, comme celles organisées par des gens comme Joe Golan.

Il est difficile d'affirmer que la Guerre des Six Jours aurait pû empêcher que Ben-Gurion et Golda Meir puissent également adopter l'"esprit de Florence."

Toutefois, la valeur de la diplomatie alternative, comme celle qu'a entretenu Uri Avnery et plus tard, Yossi Beilin et d'autres, ne doit pas être sous-évaluée : Elle a mené, entre autres, aux Accords d'Oslo et de Genève.

A cours des dernières années de sa vie, Golan a travaillé comme diplomate-conseiller au service de plusieurs pays africains, et était très respecté et admiré comme ami dans tous ces pays.

Quand le président du Sénégal, Leopold Senghor, a appris que Golda Meir avait annulé son passeport - il a accordé à Golan et à son épouse Esther la citoyenneté Senegalaise.

Esther Golan, qui vit dans le quartier Juif de la Vieille Ville à Jérusalem, possède toujours un passeport valide du Senegal. Hé, on ne sait jamais quand on pourrait en avoir besoin.


Source : http://www.haaretzdaily.com/

Traduction : MG pour ISM

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