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Hébron - 11 novembre 2007
Par Jesse Rosenfeld
Jesse Rosenfeld est journaliste indépendant, basé à Ramallah.
Depuis une colline en bordure d'Idhna avec Muhammad Talab et Muhammad Ibrahim Natah, fermiers déplacés, tout ce qui reste visible de leur village détruit est une tache de poussière blanche, juste de l'autre côté du mur d'Israël. Bien qu'il fasse partie de la Cisjordanie occupée, l'armée israélienne a détruit ce village de tentes et de baraques qui abritait 267 personnes, à l'ouest d'Hébron, le 29 octobre dernier, et a ordonné aux villageois de déménager à Idhna.
Les restes du village détruit par l'armée israélienne le 29 octobre. Tout ce qu'on peut voir maintenant est de la poussière blanche à l'endroit où le village était bâti. (Photo by Hindi Mesleh)
Selon Talab, le village était constitué de réfugiés palestiniens qui vivaient là depuis 1948. "Nous sommes réfugiés depuis 48, et soixante ans après, ils nous déplacent encore. Nous ne savons pas où nos enfants iront dans soixante ans", dit-il.
Talab et Natah disent tous les deux que le village n'a reçu aucune notification de l'éviction et que les soldats, en jeeps, sont arrivés deux jours avant pour dire aux villageois qu'ils devaient partir. "Il n'y a eu aucune notification officielle, pas de lettre, rien. Ensuite, l'armée est arrivée et a tout détruit", dit Natah.
Les villageois racontent que 500 soldats armé et la police ont pris part à la démolition, avec des jeeps et deux énormes bulldozers. Ils disent que l'armée a tué une partie de leurs troupeaux, détruit toutes leurs affaires personnelles et ont été violents envers les habitants. "Ils ont battu plusieurs hommes, ils en ont arrêté un et lui ont infligé une amende de 5.000 shekels pour refus de quitter sa maison", dit Talab. Il ajoute que l'armée a déjà usé de brutalités envers la communauté, et raconte que longtemps avant l'éviction, ils ont fait un raid dans leur ville la nuit et sont entrés en force dans les maisons où ils ont détruit les meubles, battu les hommes et terrorisé les femmes et les enfants.
Talab et Natah sont nerveux, épuisés et toujours en état de choc depuis les événements des semaines précédentes. Ils disent qu'il ne leur reste plus rien et qu'ils sont obligés de vendre le reste de leurs troupeaux pour pouvoir survivre, expliquant qu'ils ne peuvent pas continuer à cultiver puisqu'ils n'ont plus de terre où faire paître les bêtes. "Maintenant, nous louons des maisons à Idhna… L'armée ne nous a rien laissé", dit Talab.
Les villageois disent que l'armée leur a dit qu'ils étaient expulsés pour des raisons de sécurité, parce que leurs maisons et leurs fermes étaient située du côté occidental du mur d'Israël, qui a été érigé en Cisjordanie occupée. Toutefois, selon les fermiers locaux d'Idhna, cette éviction est simplement la dernière étape d'une attaque continue de l'armée israélienne sur l'économie agricole palestinienne.
La ferme de Mohammad Shehada, fermier laitier local, a été détruite le 25 mai 2007, après qu'il ait retardé de plusieurs année les ordres de démolition de l'armée par une action en justice. La ferme a été construite en 1996 et Shehada a commencé à recevoir des ordres de démolition de l'administration israélienne en 2001. D'abord, ils lui ont dit que c'était parce qu'il n'avait pas de permis. Ensuite, lorsqu'Israël a commencé la construction du mur dans le secteur, les officiers lui ont dit que sa ferme posait un problème de sécurité parce qu'elle gênait leur vue. "Ce n'est pas une question de sécurité parce qu'ils ont continué à démolir des fermes après la construction du mur. Ils font ça pour détruire l'économie palestinienne", dit-il. "Nous produisons nous-mêmes du lait et de la viande et ils ne veulent pas, ils veulent que nous dépendions d'eux."
Depuis la démolition de sa ferme, Shehada dit que lui et sa famille ont été laissés dans une situation financière difficile et que la poursuite de l'agriculture coûte cher. "La terre m'appartenait, mais depuis la démolition, je dois louer une terre et je perds beaucoup d'argent." Comme pour les autres bergers du village détruit, il souligne que l'infrastructure agricole toute entière a été ruinée par la démolition. "Ils ont détruit notre matériel de traite et les outils agricoles. Ca m'a coûté un million de shekels, et j'ai été obligé de vendre ma voiture".
Pendant que nous étions à Idhna, Layth Farajallah, fils d'un laitier et éleveur local, a proposé de nous conduire, le photographe et moi, dans les fermes locales. Il explique lui aussi que l'armée israélienne n'a pas cessé de les harceler et de démolir leurs fermes. Farajallah nous emmène dans la ferme laitière de sa famille, près du mur, et nous montre le secteur d'un champ adjacent où des fermiers vivaient dans des cabanes, pour être près de leurs terres. Il décrit comment, en 2006, l'armée a détruit les cabanes, prétendant qu'elles étaient trop près du mur. Comme dans le village détruit la semaine dernière, il n'y a plus aucune preuve qu'elles aient jamais existées.
Farajallah nous montre ensuite la ferme laitière. C'est une ferme moderne, équipée de matériel de traite, de tuyaux, et d'une grange pour le bétail à environ un demi-kilomètre du mur. Il dit qu'il a reçu, lui aussi, un ordre de démolition en 2006 et que l'armée entre systématiquement dans la ferme, forçant les membres de la famille à monter la garde. Il ajoute qu'une fois, les soldats ont volé deux taureaux dans la grange. Comme Shehada, Farajallah dit que ces démolitions et confiscations de propriété font partie de la tentative israélienne systématique de détruire toute économie palestinienne indépendante.
Après tout ce qu'ils ont subi la semaine dernière, et le harcèlement de l'armée israélienne des années passées, Talab et Natah disent que tout ce qu'ils veulent, c'est que l'armée les laisse revenir sur leur terre et les laisse en paix, pour qu'ils puissent reprendre leurs activités agricoles. Les fermiers d'Idhna expriment le même sentiment, et veulent simplement poursuivre leur travail.
Voir les photos de Talab et Natah, et du village détruit.
Source : Palestine Monitor
Traduction : MR pour ISM
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