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Israël - 26 juin 2005
Par Adri Nieuwhof et Jeff Handmaker
Adri Nieuwhof et Jeff Handmaker sont avocats des Droits de l'Homme. Les deux auteurs ont voyagé beaucoup en Israel et en Palestine Occupée. Nieuwhof est à allé à Haifa en Juin 2005.
À première vue, Haïfa semble être une ville calme et prospère par rapport à ce que nous avons vu lors de nos visites précédentes à Ramallah, à Hebron et à Jérusalem.
Il n'y a aucun checkpoint avec du barbelé à l'entrée de la ville, aucun mur de 8 mètres de haut.
Il y a une belle vue sur la mer depuis le Mont Carmel et le magnifique temple Baha'i et les jardins se trouvent au milieu de Haïfa.
Cependant, tout en parlant avec des membres de la communauté palestinienne d'Haïfa et en réfléchissant à son histoire turbulente, une autre image émerge, celle de la souffrance silencieuse.
Haïfa est l'une des cinq villes "mixtes" d'Israël avec une population totale d'environ 270.000 personnes dont officiellement 24.100 (9%) sont des Palestiniens (13.500 chrétiens et 10.600 Musulmans). Jusqu'en 1967, Haïfa avait la plus importante population palestinienne en Israël. Sa position géographique dans le nord, où vivait la plupart des communautés palestiniennes en Israël, prête à Haïfa un statut spécial en termes de services, commerce, emploi, art et culture.
Haïfa a attiré beaucoup de Palestiniens du nord, en plus des habitants qui sont restés à Haïfa après 1948. Mais, un nombre considérable des habitants palestiniens de Haïfa qui vivaient à Haïfa depuis des décennies sans avoir été définis en tant que véritables résidents d'Haïfa dans l'enregistrement de la population. L'évaluation officieuse de la population palestinienne à Haïfa est d'environ 30.000 personnes, ce qui donne environ 6.000 Palestiniens officiellement non reconnus.
Qu'est-ce qu'il y a dans un nom?
Parmi les 280 personnes interviewées dans une enquête effectuée par le Comité de Développement Social (SDC) de Haïfa, les plus communes auto-définitions sont "Arabe israélien" ou "Palestinien israélien", avec 23 % qui se définissent comme tels. De plus, 14,3% se définissent comme "Arabe palestinien israélien" ou "Palestinien Arabe Israélien" et 16 autres pour cent se définissent comme "Palestinien Arabe" ou "Arabe Palestinien". Le SDC a également enregistré beaucoup d'autres définitions, lesquelles incluaient un élément israélien.
Le gouvernement d'Israël, et la plupart des Israéliens, définissent les citoyens palestiniens d'Israël en tant que "Arabe". Cependant, nous préférons employer le terme "Palestinien", car il se rapporte à la Palestine, l'endroit d'où les Palestiniens sont venus.
Nettoyage ethnique
En 1948, le mandat des Anglais se terminait et Israël déclarait unilatéralement son indépendance, ce qui a fait éclater une guerre avec les pays arabes voisins et contre la population palestinienne autochtone et la dépossession générale de la terre et des propriétés palestiniennes. A ce moment-là, Haïfa a offert un abri à environ 128.000 personnes, dont 66.000 étaient Juilfs.
L'historien israélien Benny Morris a écrit que la direction de la milice sioniste, la Haganah et de la milice Irgun Zvai Leumi (IZL, le mouvement clandestin d'Israël pour une libération nationale) avaient comme priorité le nettoyage éthnique de la ville de sa population arabe palestinienne:
"Environ 5.000 forces sionistes de la Haganah ont commencé leur attaque sur Haïfa le 21 avril 1948... les messages de terreur ont été diffusés par la Haganah via des haut-parleurs, pour terroriser les habitants arabes et qu'ils prennent la fuite".
La ville de Haïfa est tombée entre les mains de la milice des forces sionistes, la Haganah, le 23 avril de la même année.
Monsieur Alan Cunningham, Haut Commissaire britannique pour la Palestine, a écrit dans une communication officielle à Londres (22 avril 1948), "Les autorités britanniques à Haïfa ont l'impression que l'évacuation totale des Arabes d'Haifa est encouragée par les les plus hauts dirigeants arabes et que la population de la ville est contre".
Après la prise de Haïfa par la Haganah, environ 3.500 Palestiniens seulement ont été autorisés à rester à Haïfa. Ceux qui ont été interviewés à Haïfa et qui étaient assez vieux pour se souvenir de ces événements ont rappelé que les Palestiniens qui y vivaient craignaient constamment pour leurs vies et leurs biens, et bon nombre d'entre eux furent témoin du pillage de leurs maisons et de leurs par les milices et les colons sionistes.
Fuite par peur
La grande majorité de la population palestinienne de Haïfa a fui en bateau et a débarqué au Liban. Quelques bateaux sont parvenus à débarquer à 15 kilomètres au nord d'Acre, une ville qui a été nettoyée éthniquement quelques semaines plus tard.
Hanan (ce n'est pas son vrai nom) est un citoyen palestinien chrétien à la retraite de Haïfa. Elle nous a montré non seulement l'héritage palestinien de la ville, mais également l'héritage confisqué à sa famille.
Quand elle était petite, sa famille, effrayée, a fui Haïfa. Sa famille vivait dans un immeuble qu'elle possédait.
Le père de Hanan possédait également une usine de matériaux de construction, qu'elle nous a montré
Dépossession
La famille de Hanan est revenue peu de temps après la prise d'Haifa par la Haganah. Quand ils sont revenus, ils ont découvert que l'usine et l'immeuble avaient été confisqués et étaient occupés par des familles Juives.
La famille a décidé de commencer une nouvelle vie sur le toit de ce qui était leur propriété et y a construit un nouvel appartement. La famille n'a jamais été dédommagée pour la confiscation de leur propriété.
Les vieilles photographies montrent son frère sur le toit devant le petit appartement nouvellement construit.
Hanan se souvient de la peur que ses parents ressentaient pour sa sécurité et la sécurité de ses frères et soeurs. Par conséquent, elle a grandi dans le cercle fermé et protégé de la famille.
Elle nous a également montré la maison de son grand-père, une maison qui est maintenant aux mains d'une société immobilière israélienne, comme tant d'autres maisons appartenant autrefois aux Palestiniens.
Elle est maintenant louée à une famille palestinienne.
Inégalité entre les quartiers
Abu Hassan (nom d'emprunt) avait douze ans en 1948. Sa famille habitait à Omnizet, un petit village près de Haïfa derrière le Mont Carmel. Il explique que de nombreux souvenirs font que, pour lui, 'Omnizet 'signifie la mère de la beauté.
Le village a été complètement détruit par les milices Sionistes. Il est resté avec son frère plus âgé de 32 ans à Haïfa, après que tous les autres membres de la famille aient fui. Il est parvenu à survivre et habite toujours à Haïfa, maintenant dans le quartier Halisa. Il est fier de sa progéniture et celle de son frère : 60 enfants et petits-enfants.
Halisa est fortement peuplé, le quartier le plus pauvre de Haïfa. La majorité des habitants de Halisa sont des Palestiniens. Au cours des années, ils sont venus à Haïfa après avoir été déraciné de leurs villages, qui ont été détruits en 1948. Environ 121.000 Palestiniens de Haïfa et de 58 villages environnants ont été dépossédés.
La rue principale de Halisa a été récemment goudronnée, mais les autres rues ne le sont pas. Par rapport aux secteurs juifs de Haïfa, on voit bien où la municipalité met son argent.
Depuis 1933, il n'y a eu aucun plan pour l'amélioration de Halisa;
mais en 2001, quand sous le prétexte de la "rénovation du quartier", la municipalité de Haïfa a proposé un "projet de construction" pour le quartier.
Le plan de la municipalité inclut la confiscation et la démolition des balcons, des cours et des jardins de la plupart des bâtiments.
Sans consulter la population de Halisa, la municipalité a décidé que les rues devaient être élargies, entrainant une destruction à grande échelle des maisons et en faisant venir les rues jusqu'aux murs des bâtiments.
C'est presque comme si la population de Halisa avait des besoins différents de ceux des résidents juifs de Haïfa, qui apprécient avoir des cours et des arbres autour leurs maisons.
Essayer d'effacer le passé
Abu Hassan nous montre Halisa et explique comment il a changé. Il remémore les jardins des Palestiniens avec des oliviers, des amandiers et des figuiers.
C'est douloureux de voir à quel point les propriétés palestiniennes qui ont été confisquées par les sociétés immobilières israéliennes ne sont pas bien entretenues. Les toits et les balcons ne sont pas réparés de sorte qu'avec le temps, l'ordre de démolition vienne inévitablement.
On peut penser que la présence des Palestiniens est lentement mais sûrement éradiquée de Haïfa.
En plus de la dépossession systématique des biens, l'autre manière sur lesquels se sont portés les efforts 'pour effacer le passé' a été par le changement des noms arabes originaux des rues en hébreu et/ou avec des noms Sionistes.7
Démolitions de maisons
Les ordres des démolitions de maisons s'accélèrent à un rythme effrayant. L'association arabe pour les droits de l'homme (HRA) a récemment signalé que, "le 5 juin 2005 la municipalité à Haïfa, avec l'aide des forces de police, a détruit la maison de Basim et de Miriam Bushkar, située Rue Bar Yehuda, où la famille avait vécu pendant les 70 dernières années."
Cela a été effectué bien qu'une délégation des habitants soit allée voir le Maire de Haifa, Yona Yahav, la nuit précédente pour essayer de résoudre le problème. HRA a signalé plus tard que douze personnes ont été blessées et vingt ont été arrêtées.
Auparavant, le HRA avait signalé que : "le 30 mai 2005, le Comité à la Construction et à l'Aménagement du District de Haïfa a également démoli, sans préavis, la maison de Muhammad Mursah, du village de Jatt al-Muthhalath, en prétendant que la maison avait été construite sans permis.
C'est la deuxième maison qui a été démolie dans le village depuis ces derniers mois, en vue de la création d'une "zone d'isolement" entre le village de Jet al-Muthalath et d'autres Kibboutzes dans le District Régional de Menashe.
Un de ces derniers, le Kibboutz Majaal, avait demandé spécifiquement au Comité à la Construction et à l'Aménagement du District d'interdire les résidents du village de s'agrandir en direction du Kibboutz."
"Nous avons été sauvés du fantôme de la destruction pendant environ cinq années," a dit Ashraf Jasar, l'avocat représentant le propriétaire de la maison.
"Depuis l'année 2000, nous avons été de tribunaux en tribunaux jusqu'à ce que nous ayons épuisé tous les moyens légaux. Il était de la responsabilité du conseil local de faire un plan d'aménagement."
La raison indiquée pour la démolition, a confirmé Jasar, c'était que le secteur où se situe la maison était une zone constructible, mais récemment, ce secteur est devenu une "zone d'isolement" entre le village palestinien et le Kibboutz Majaal.
Comme la maison était sur la limite, le comité a exigé sa démolition. Jasar a souligné que des dizaines de maisons sont menacées par la démolition, et devraient être sauvées."
Dans un autre quartier palestinien, Wadi Nisnas, 54 démolitions sont prévues.
Wadi Nisnas est un quartier animé avec beaucoup de magasins où vivent presque 30 % des citoyens palestiniens de Haïfa.
Un Ordre de la ville de Haïfa en 1966 a menacé de démolir 4 maisons pour l'élargissement d'une route. Il n'était pas appliqué jusqu'il y a à trois ans, quand le nouvel ordre de démolition à grande échelle est apparu.
Ce plan ne tient pas compte de ce dont la communauté a besoin.
L'attention doit être prêtée à ce qui arrivera à ceux qui sont expulsés , dit Nasser Nasrallah10, conseiller juridique et coordonnateur du projet de logement pour le Comité de Développement Social de Haïfa.
Lutte pour égalité des droits
Pendant un bref séjour à Haïfa, de nombreux Palestiniens avec la citoyenneté israélienne ont exprimé leur sentiment que Haïfa était également leur ville.
Comme l'a observé un Palestinien :
"Nous voulons vivre dans une ville où notre héritage culturel, architectural et historique est conservé, et qu'il ne nous soit pas enlevé. Nous voulons l'égalité des droits, et cela inclut le droit à notre histoire."
Tout comme les jardins bien-conservés du temple de Baha'i sert à inspirer les millions de fidèles Baha'i, pour ceux dont Haïfa est le centre de leur religion, les efforts tenaces des Palestiniens dans leur lutte incessante pour l'égalité des droits servent également d'inspiration.
Leurs voix méritent d'être entendues.
Source : http://electronicintifada.net/v2/article3936.shtml
Traduction : MG pour ISM
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