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Gaza - 8 avril 2004
Par Samah Jabr
Samah Jabr est palestinienne, médecin et résidente à Jérusalem occupée. Fille d'un professeur d'université et d'une directrice de collège, elle est chroniqueuse pour le Palestine Report en 1999-2000, sa rubrique s'intitulait " Fingerprints " ("Empreintes digitales"). Depuis le début de l'Intifada, elle contribue régulièrement au Washington Report on Middle East Affairs et au Palestine Times of London. Lauréate du Media Monitor's Network pour sa contribution sur l'Intifada, un certain nombre de ses articles ont été publiés dans le International Herald Tribune, le Philadelphia Inquirer, Haaretz, Australian Options, The New Internationalists et autres publications internationales. Elle a donné plusieurs séries de conférences à l'étranger pour faire partager la vision palestinienne de ce conflit. Elle a tenu des conférences à l'Université Fordham et au St. Peter's College à New York, à Helsinki et dans plusieurs universités, mosquées et églises en Afrique du Sud
Ni l'acte, ni la manière brutale de l'assassinat cruel de Sheikh Ahmad Yassin ne fut surprenant, ni l'était l'indifférence d'Israël devant le sévère coût humain payé par les autres Palestiniens se trouvant autour de Sheikh Yassin au moment où il fut touché.
Sheikh Yassin n'est pas le premier et ne sera pas le dernier leader palestinien en lutte pour les droits de son peuple à être tué.
Agitant le spectre politique et idéologique, Israël a assassiné beaucoup de Palestiniens, de non Palestiniens, d'intellectuels, d'écrivains et d'artistes - qui menèrent le combat contre son occupation de Palestine.
Sous le mandat de tous ses premiers ministres démocratiquement élus, Israël a assassiné des responsables palestiniens dans les Territoires Occupés, dans des camps de réfugiés et parmi la Diaspora. Cependant, ce qui étonne est la manière incroyablement exacte qui révèle comme une métaphore la nature de ce conflit.
L'image de cet hélicoptère Apache d'origine US lançant trois missiles sophistiqués pour tuer un vieil homme de 69 ans, tétraplégique, presque sourd et rendu quasiment aveugle par des " pressions physiques modérées appliquées dans les geôles israéliennes, quittant sa mosquée dans son fauteuil roulant après les prières de l'aube, symbolise, à une plus petite échelle, ce qui se passe en Palestine occupée.
Israël a recours à une logique de puissance pour étouffer le pouvoir de logique des Palestiniens qui luttent pour une vie décente et libre sur leur terre natale.
En 1948, à l'age de l'adolescence, Sheikh Yassin fut expulsé de son village, Al Joura, près d'Askalan. Pendant le reste de sa vie, il a vécu comme un réfugié, dans une petite et modeste maison dans un quartier pauvre de la Bande de Gaza.
Bien qu'il était captif de son fauteuil, Sheikh Yassin avait un esprit créatif et un grand cœur. Orateur courageux, influent, audacieux, il était connu pour sa sagesse, sa modération et sa foi inébranlable.
Il ne luttait pas pour exterminer les Juifs et créer un empire islamique, comme les médias occidentaux manipulateurs aimaient à le décrire. Il faisait la distinction entre un Juif et un occupant sioniste.
Cependant, il préconisait la résistance armée pour libérer la terre de Palestine occupée et stopper les meurtres et l'oppression quotidienne endurés par son peuple.
Bien sur, il y avait débat entre nous sur les visions, opinions et stratégies de Sheikh Yassin et de son organisation mais tous, nous savions qu'il aimait la Palestine et donc nous l'aimions et nous étions unis avec lui dans cet amour.
Ceux qui sont informés de la politique du pays savent que Sheikh Yassin était un leader prudent, sage et responsable.
En effet, beaucoup d'Israéliens font référence à lui et à Ismael Abu-Shanab, un chef de haut rang du Hamas qui a été assassiné l'an dernier, comme l'aile modérée du mouvement de résistance islamique.
Les deux hommes savaient quand il fallait dire oui et quand il fallait dire non à la résistance armée, ils coopéraient avec l'Autorité Palestinienne et ont offert plus d'une hudna-trève que le gouvernement israélien a violé.
Les Israéliens auraient très bien pu arrêter Sheikh Yassin si ils pensaient tirer un bénéfice de son enlèvement de la scène palestinienne.
Ils auraient pu le prendre pour le juger si ils avaient réellement pensé qu'ils pouvaient prouver sa culpabilité de terrorisme. Mais ils ont opté pour le meurtre extrajudiciaire tout en sachant très bien que cela pourrait sévèrement nuire à la sécurité d'Israël et menacer les choix politiques pour une résolution du conflit.
Mais ce n'est pas un secret que le projet sioniste a toujours utilisé la terreur pour atteindre ses objectifs. C'est ce qu'ils ont déclaré et pratiqué depuis le premier congrès sioniste en 1898 ( ?).
Ils emploient la terreur pour tuer des Palestiniens et évacuer leurs terres, pour menacer les nations arabes et faire chanter la communauté internationale.
Ils ont tué Sheikh Yassin pour appeler à davantage d'effusion de sang et propager la peur et l'intimidation dans les cœurs palestiniens.
"Moi aussi, comme Hitler, je crois au pouvoir de l'idée du sang", écrivait Chaim Nachman Bialik, un poète israélien très admiré dans " The present Hour " de 1934.
Les machines de mort d'Israël travaillent de concert avec ses machines médiatiques.
Un jour après l'assassinat de Sheikh Yassin, les médias internationaux retransmettaient les images d'un garçon palestinien de 14 ans originaire de Nablus qui est arrivé au checkpoint d'Hewwara vêtu d'une veste d'explosifs. "Il est venu chercher l'aide des soldats israéliens", selon un porte parole de l'armée, "et il a été bien traité. Mais nous avons besoin de trouver ces personnes maléfiques qui sont derrière lui".
Le but de la nouvelle -qui contrebalançait les images du fauteuil roulant pulvérisé au dessus d'une flaque de sang -tout ce qui restait de Yassin- dans les dépêches du jour précédent-, était de montrer au monde la cruauté des Palestiniens et qu'ils méritent vraiment la mort.
Seul Al-Jazeera a rapporté que " ce garçon était faible d'esprit " et cita un autre jeune de Nablus, aussi présenté comme un kamikaze potentiel, qui aurait raconté à sa famille que les Israéliens " m'ont dit de faire cela sinon ils me tueraient ".
Même la faible désapprobation officielle de la communauté internationale au sujet du meurtre de Yassin a été brisée par un autre veto américain à l'encontre d'une résolution devant le Conseil de Sécurité condamnant la dernière violation israélienne des lois internationales.
Aujourd'hui, il y a une sensation de crainte et de profonde dépression parmi les Palestiniens. Alors que nous avons des avis différents sur ce qui s'est produit et des attentes diverses sur ce qui suivra , la seule chose sur laquelle nous sommes tous d'accord est qu'Israël recherche l'affrontement sanglant et non la paix avec les Palestiniens.
Désormais, notre tache est de développer des stratégies correspondant avec cette prise de conscience.
En dépit de notre deuil, de nos peurs et de nos appréhensions quotidiennes, renoncer n'est certainement pas une option.
Durant des décennies, à travers leurs attaques contre notre peuple, les Israéliens ont mis beaucoup d'entre nous dans des fauteuils roulants, physiquement et mentalement -en nous estropiant et en nous restreignant.
Cependant, malgré sa mort, Sheikh Yassin, un homme confiné à son fauteuil, nous a donné un exemple de détermination, de sincérité et de bravoure.
Nous tenons nos têtes hautes pour être les enfants d'un homme qui a choisi sa voie, a vécu et est mort en accord avec ses principes. Le professeur s'en est allé mais ses leçons sont éternelles.
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Samah Jabr
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