Gaza - 16 août 2009

Jund Ansar Allah (analyse rédigée avant les combats d'hier à Gaza)

Par Yasser al Za3atreh

L'explosion qui a visé une célébration de mariage de la famille Dahlan à Gaza n'était pas la première action revendiquée par la mouvance Al Qaida, d'autres attaques de ce type avaient visé des cafés, cybercafés et écoles étrangères, ainsi que l'enlèvement du journaliste britannique, Alan Johnson, et une opération contre l'armée sioniste à base de chevaux portant des explosifs qui a échoué.

Par ailleurs, selon Haaretz (11/08/09), des dizaines de membres de Al Qaida de l'Irak seraient rentrés dans Gaza, ce qui a été démenti par le Hamas qui a indiqué qu'il s'agissait de cas individuels limités.


Depuis 2006 et notamment la participation de Hamas aux élections législatives, des manifestations de la mouvance salafiste jihadiste ont commencé à apparaître à Gaza chez des jeunes radicaux proches du Hamas et du Jihad islamique et peut-être même du Fateh, ainsi que chez des jeunes non partisans qui fréquentent les mosquées, dans le contexte plus général de l'activité de Al Qaida contre les Américains en Irak ces dernières années.

J'avais déjà signalé que, déjà en 2005 lors des discussions au sein de Hamas sur la participation ou non aux élections de 2006, l'infléchissement du Hamas et ce cela supposait de renoncement à la résistance, allait pousser certains jeunes formés aux notions du jihad et du martyre, à rechercher d'autres voies au sein du salafisme jihadiste dans sa représentation qaidienne.

Cependant l'évolution de la situation sur le terrain, depuis la célèbre opération du 25/06/2006 contre l'armée d'occupation, en passant par les opérations de l'Autorité Palestinienne contre le Hamas jusqu'à la prise de pouvoir militaire de l'été 2007 et dernièrement la guerre israélienne contre Gaza, a fait en sorte que le Hamas est resté dans le cadre de la résistance et a par conséquent coupé court le discours de surenchère salafiste à Gaza.

Cela dit, le fait que Hamas soit resté fidèle à l'option de la résistance malgré sa participation aux élections et au pouvoir, cela n'a pas empêché l'apparition de nombreux groupes (dont le financement et les allégeances restent difficiles à déterminer) proches de l'esprit de Al Qaida, qui visent à obtenir un "mandat" politique délivré par les "sheikhs" de cette association, et qui exploitent le souhait d'Al Qaida d'établir une présence en Palestine d'autant qu'elle a été accusée de ne pas en faire assez pour la Palestine.

Même si ce "mandat" n'a pas été donné, ces groupes pensent qu'ils ont des chances de l'obtenir compte tenu des expériences telles que la transformation de l'organisation Al Tawhid wal Jihad en Irak en une filiale d'Al Qaida, la présence d'Al Qaida dans les pays du Maghreb arabe et d'autres implantations en Somalie (Harakat al Shabab al Moujahidine) et précédemment en Libye.

De nombreux groupes ont recherché ce "mandat" d'Al Qaida ces dernières années, parmi elles Jaysh al Islam, Jaysh al Umma, Souyouf al Haq, Jund Allah ou Jund Ansar Allah et plus récemment un groupe de Gaza appelé Jaljalate, en référence au chant de leur vidéo qui commence par le mot "Jaljalate" ("le cri retentit") (http://www.youtube.com/).

Mahmoud Mohammad Taleb, 23 ans, un de ses leaders, a précisé que le groupe s'appelait précédemment Ansar al Sunna et que la nouvelle dénomination serait choisie lors d'une prochaine opération importante qui sera l'occasion de faire allégeance à Ossama Ben Laden.


Notons que lors d'un entretien avec la revue jordanienne Assabil en juin dernier, Abou Mohammad al Maqdissi, a interdit toute action qui pourrait faire couler le sang musulman et prohibé l'enlèvement de représentants d'associations d'aide étrangères, telles que l'opération non revendiquée contre la Croix Rouge à Baghdad, ainsi que toute attaque contre les églises et les salles de cinéma.. On ignore si ces déclarations ont été prises en compte par les groupes qui se revendiquent du salafisme jihadiste.

De son côté le leader de Jaljalate a également indiqué que de nombreux membres du mouvement sont des anciens des Brigades Azzeddine al Qassam affiliées au Hamas, qu'ils ont quitté guidés par l'exemple d'Ibrahim al Mouqadima et Salah Shehadeh assassinés par les sionistes en raison de leur détermination à poursuivre la résistance, et certains pensent que si ces deux héros ainsi qu'Abdel Aziz al Rantissi avaient été encore en vie, Hamas n'aurait jamais participé aux élections législatives et serait resté fidèle à sa position de 1996.

Même si les informations du jeune leader concernant le nombre de milliers de militants parmi lesquels des hauts cadres des Brigades sont certainement exagérées, il est probable qu'un certain nombre de membres des Brigades de tendance radicale se sont joints au mouvement, sur le fondement que la participation au pouvoir allait aboutir à renoncer à la résistance et au jihad et délaisser l'application de la sharia, telle que comprise par ces jeunes fervents musulmans.

Les derniers combats de Jund Ansar Allah seraient donc une opération visant à devancer les autres organisations appartenant à la même mouvance pour obtenir le "mandat" d'Al Qaida.

L'accusation du Hamas selon laquelle le chef de Ansar Jund Allah est lié aux anciennes structures de l'autorité ne peut être rejetée vu l'intérêt de Dahlan à créer des embûches supplémentaires au Hamas, mais il ne faut pas s'y limiter.

Hamas va se trouver devant un problème si ces groupes continuent leurs opérations dans la situation actuelle du siège de Gaza, qui rend difficile le combat contre l'armée d'occupation et la sortie des combattants vers les terres de 48. Il serait donc préférable que, par le biais de dialogues de religieux respectés de part et d'autre, une solution soit trouvée pour que la situation ne profite pas à l'occupant.

Une "opération importante" effectuée par ces groupes en vue d'obtenir le "mandat" quaidien ne nuit pas forcément à Hamas tant que cette opération vise l'occupant et non un objectif interne. Il est cependant indéniable que le prestige d'Al Qaida est quelque peu terni après leurs actions de ces deux dernières années en Irak et l'absence de toute opération digne de ce nom contre les Américains, d'autant que les opérations en Afghanistan sont considérées comme du ressort des Taliban et non d'Al Qaida (même si les deux organisations sont peut-être liées selon certaines sources).


Par ailleurs, il est important de noter que les groupes de ce type qui sont apparus en Cisjordanie n'ont aucun lien avec ceux de Gaza. Leurs membres ont d'ailleurs été arrêtés et se trouvent actuellement en prison où ils ont une certaine influence.

On peut en conclure que ce type d'action est possible mais très difficile en Cisjordanie compte tenu de la présence directe de l'occupant, de l'existence de collaborateurs et de la politique "sécuritaire" de l'autorité, sans oublier que le Hamas en Cisjordanie n'a jamais abandonné le camp de la résistance, malgré une situation difficile ces deux dernières années, notamment depuis l'été 2007.


En conclusion, l'évolution de ce phénomène dépendra de l'évolution de la situation palestinenne dans son ensemble, aussi bien à Gaza qu'en Cisjordanie , et en tenant compte du fait qu'à côté du salafisme jihadiste, il existe un salafisme traditionnel sur la place palestinienne, notamment en Cisjordanie , qui est encouragé par l'Autorité en raison de son discours qui pousse la population à la soumission au maître (Mahmoud Abbas) suivant la doctrine du salafisme sunnite. Enfin, notons que cette doctrine se désintéresse aussi bien de la réalité de l'Autorité Palestinienne que de celle de l'occupation.

Il est probable que la place palestinienne va revenir au concept de la résistance, comme elle l'avait fait précédemment après la parenthèse d'Oslo (de 1993 à 2000). Mais d'ici là, les phénomènes salafistes qu'ils soient jihadistes ou traditionnalistes vont continuer de proliférer.

En ce qui concerne le Hamas, qui a donné l'exemple d'une résistance héroïque et sacrifié les meilleurs de ses dirigeants, il reste capable d'assimiler cette nouvelle donne, surtout s'il fait un bilan sage et intelligent de son expérience et qu'il s'en tient à son discours originel en vue de préparer le terrain à une nouvelle vague de résistance dans le contexte actuel de la défaite américaine en Irak et en Afghanistan, défaite qui ne peut que desservir les intérêts des sionistes; sans oublier que des changements au niveau arabe et régional pourraient renforcer les courants de la résistance et de l'opposition.

Source : http://www.aljazeera.net/

Traduction : NA