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France - 18 novembre 2015
Par Comaguer
Bulletin n° 296- semaine 47 - 2015
Dans les jours qui viennent, le gouvernement va demander au Parlement de prolonger de trois mois l’état d’urgence mis en place pour 12 jours par décret le 14.11.2015. La procédure est valide. Mais l’histoire de l’état d’urgence constitue un trame juridique et institutionnelle de l’histoire coloniale de la France et des rapports particuliers qu’elle ne parvient pas à cesser d’entretenir avec les populations colonisées ou issues de la colonisation.
1955 : Vote de la loi sur l’état d’urgence
Aux prises avec la guerre de libération algérienne initiée six mois plus tôt, le gouvernement français, présidé par Edgar Faure, fait voter le 3 avril 1955 la loi n°55-385 « instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie ». Cette loi introduit la notion d’état d’urgence dans la législation républicaine.
L’état d’urgence est prolongé pour 6 mois le 7 Aout 1955
Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie
Article 1
L’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire, métropolitain, de l’Algérie et des départements d’Outremer soit en cas de péril imminent résultant de troubles graves à l’ordre public, soit en cas d’évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.
Mais l’état d’urgence ne suffit pas et le gouvernement de Guy Mollet fait voter la loi sur les pouvoirs spéciaux qui confirme que les « départements d’Algérie » sont soumis à des règles d’administration autoritaires exceptionnelles et ne sont déjà plus des départements comme les autres.
Loi n° 56-258 du 16 Mars 1956 autorisant le Gouvernement à mettre en œuvre en Algérie un programme d’expansion économique, de progrès social et de réforme administrative et l’habilitant à prendre toutes mesures exceptionnelles en vue du rétablissement de l’ordre de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire.
Article 5
Le gouvernement disposera en Algérie des pouvoirs les plus étendus pour prendre toute mesure exceptionnelle commandée par les circonstances en vue du rétablissement de l’ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire.
Lorsque les mesures prises en vertu de l’alinéa précédent auront pour effet de modifier la législation elles seront arrêtées par décret pris en conseil des ministres.
1958
Après le coup d’état du 13 mai à Alger, le gouvernement Pflimlin assure la transition avec le gouvernement provisoire du général de Gaulle qui sera installé le 01 juin et déclare le 18 mai l’état d’urgence pour trois mois sur l’ensemble du territoire métropolitain.
1961
La loi de 1955 bien que non intégrée formellement - voir plus loin - dans la Constitution de la V° République connait une nouvelle application à l’occasion du putsch des généraux d’Alger.
Alors que la population française consultée par référendum en janvier a approuvé à une large majorité de 70% le principe d’un vote d’autodétermination pour l’Algérie, quatre généraux à la retraite appuyés par quelques unités d’active et leurs officiers supérieurs tentent de s’opposer à la décision du peuple.
Le complot qui n’a pas réussi à impliquer une majorité de l’armée échoue.
Prorogé plusieurs fois l’état d’urgence est en vigueur jusqu’au 31 mai 1963.
1984
Laurent Fabius, Premier ministre, décrète l’état d’urgence en Nouvelle Calédonie. A cette occasion, le Conseil Constitutionnel saisi par le RPR valide la loi de 1955 qui n’avait pas été intégrée formellement dans la Constitution de 1958.
« Considérant que, si la Constitution, dans son article 36, vise expressément l'état de siège, elle n'a pas pour autant exclu la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence pour concilier, comme il vient d'être dit, les exigences de la liberté et la sauvegarde de l'ordre public ; qu'ainsi, la Constitution du 4 octobre 1958 n'a pas eu pour effet d'abroger la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, qui, d'ailleurs, a été modifiée sous son empire ».
2005
C’est au tour de Jacques Chirac, Président et de Dominique de Villepin, Premier ministre de recourir le 8 novembre à l’état d’urgence sur une partie du territoire français en réponse aux émeutes des banlieues. La période initiale est prolongée de trois mois par le parlement. Il y est mis fin le 4 janvier 2006 alors que les émeutes sont finies depuis bien longtemps.
Il ne s’agit plus là d’une circonstance directement liée à la colonisation, mais d’un conflit social mettant en cause sur le sol français des citoyens français issus de populations colonisées ou anciennement colonisées.
2015
14 Novembre - François Hollande et Manuel Valls inscrivent leur action dans la même législation.
De nombreuses réactions à l’adoption de cette mesure ont déjà eu lieu, lire entre autres : "Attentats : Le communiqué du Syndicat de la Magistrature" sur Les Actualités du Droit, le blog de Gilles Devers.
Notre propos étant simplement de souligner que la République coloniale est toujours présente dans la législation et dans l’esprit des gouvernants français, qu’ils soient socialistes ou de droite, et que l’état d’urgence n’a jamais été utilisé dans d’autres circonstances de la vie nationale pourtant troublées, comme par exemple la grève générale de masse – 10 millions de grévistes - de mai 1968.
Source : Comaguer
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