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France -

La France et les armes chimiques

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Bulletin n° 258 - semaine 40 - 2013

L’intérêt soudain porté aux armes chimiques a donné lieu à une mise en scène médiatique classiquement manichéenne. Tout le monde se plait à dire que les armes chimiques sont particulièrement odieuses et inhumaines. Mais elles ne sont pas les seules armes de destruction massive existantes : la destruction massive de populations entières et particulièrement de populations civiles est possible tout autant avec les armes nucléaires et avec les armes biologiques.

La France et les armes chimiques

Or les armes chimiques ont été abandonnées par la très grande majorité des Etats du monde, y compris par ceux très peu nombreux qui les ont utilisées. Parmi ceux-ci, les belligérants européens de la Première guerre mondiale qui les utilisèrent aussi avant ou après ce conflit dans les guerres coloniales. La France est du nombre et doit même être considérée comme un de leurs principaux promoteurs.

Tous les pays qui ont, par la suite, produit des armes chimiques ont fait ce choix pour des raisons techniques et économiques, la relative simplicité de la production industrielle de ces armes les mettant à la portée de nombreux pays pour qui l’armement nucléaire était trop complexe à fabriquer par rapport à leur niveau de développement scientifique et technique.

Dans l’arsenal des armes de destruction massive, les armes chimiques sont donc devenues l’arme des pauvres. Pour ces deux raisons historiques :
- utilisation au cours de guerres entre pays développés qui en ont rendu la perception publique très aiguë et les réactions de rejet très fortes,
- prolifération chez les pays moins riches,
les armes chimiques ont connu un sort international très particulier, celui d’avoir fait l’objet d’un traité international prévoyant leur interdiction et leur destruction.

Rien de tel pour les armes nucléaires dont il est seulement prévu d’éviter la prolifération mais où les faits ont démontré que la prolifération se poursuivait malgré son interdiction. Tel a été le cas pour Israël, l’Inde, le Pakistan, et à une très petite échelle (quelques bombes) pour la République démocratique et populaire de Corée.

Rien de tel non plus pour les armes biologiques. Un autre argument défavorable aux armes chimiques s’est ajouté : celui de leur maniement militaire délicat, la forme gazeuse rendant difficile l’emploi sur les champs de bataille : la diffusion des gaz toxiques autour du point d’impact est incertaine et ce qui était simple dans une guerre de position classique (d’une tranchée à l’autre pendant la première guerre mondiale) ou dans une agression coloniale de type génocidaire (destruction de villages entiers par bombardement) devenait plus aléatoire dans une guerre de mouvement.

Enfin ce qui a achevé de convaincre les puissances qu’il valait mieux éliminer toutes les armes chimiques a été leur facilité d’utilisation dans des actions terroristes. Rappelons-nous le gaz sarin dans les couloirs du métro de Tokyo.

Bref, si on ne peut que se féliciter qu’au moins une catégorie d’armes de destruction massive soit, grâce à un très large accord international, vouée à disparaitre, il ne faut pas non plus perdre de vue qu’il s’agit d’une arme frustre, dépassée, et que sa disparition n’ouvre pas, pour l’heure, la porte à un désarmement généralisé.

Concrètement comment ce désarmement est-il organisé ?

1. La convention : elle interdit aux Etats-Parties de fabriquer, d’acquérir ou de vendre et d’utiliser des armes chimiques. Les Etats-Parties doivent, après leur adhésion à la Convention, déclarer les armes chimiques en leur possession et désigner les usines de fabrication et ensuite présenter un plan de destruction des armes et de destruction ou de conversion des usines de fabrication. Chaque Etat doit conduire ces destructions à ses frais. Doivent être également déclarées les usines fabriquant des produits chimiques pouvant entrer dans la fabrication des armes chimiques.

2. L’organisme de contrôle : il est créé une Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) dont le siège est à La Haye et qui dispose d’un important secrétariat technique capable de s’assurer de l’authenticité des déclarations des Etats-Parties et de la réalité des opérations de destruction.

3. Procédure et délais : La Convention entrée en vigueur en 1997 prévoyait que les Etats-Parties disposaient d’un délai de 10 ans pouvant être prolongés si nécessaire de 5 ans pour détruire toutes leurs armes chimiques. Les Etats-Parties au moment de l’entrée en vigueur devaient donc avoir achevé la destruction en 2012. C’est loin d’être le cas.

La réalité :
- 190 Etats (Syrie comprise) ont aujourd’hui adhéré à la Convention
- Deux l’ont signé mais ne l’ont pas ratifié donc ne l’appliquent pas : Israël et le Myanmar.
- Après l’adhésion de la Syrie, il ne reste que 4 Etats non signataires : l’Angola, l’Egypte, la Corée du Nord et le Sud Soudan.

Quelques observations : la décision de ne pas signer est la conséquence d’une situation de conflit régional sans solution.

C’est le cas au Proche-Orient zone de guerre depuis la création de l’Etat d’Israël, ce qui explique les positions de la Syrie jusqu’à présent et de l’Egypte.

Pour ce qui concerne cette dernière elle aurait utilisé des armes chimiques dans son intervention au Yémen (1963-1967) mais les preuves n’ont pas été recherchées, les Etats-Unis occupés à bombarder le Vietnam et le Cambodge avec l’agent Orange ne voulant pas et ne pouvant pas hausser le ton sur ce sujet. L’Egypte maintiendrait ses capacités tant qu’Israël ne renoncerait pas à l’arme nucléaire, traité de paix ou pas. Par contre, il est établi que l’armée égyptienne est équipée et formée (par les Etats-Unis) pour résister à une attaque chimique extérieure.

C’est le cas en Corée où le République de Corée (Sud) a détruit ses armes chimiques, ce que n’a pas voulu faire la République populaire et démocratique (Nord) mais il ne faut jamais oublier que la première reste puissamment protégée sur son sol par une armée étasunienne de 30.000 hommes dotée d’armes nucléaires.

Le Sud-Soudan n’est pas signataire alors que son voisin du Nord l’est. Position belliqueuse venant du plus récent Etat du monde dont l’industrie, quasiment inexistante, serait bien en peine de fabriquer des armes chimiques. Ce qui veut dire que les puissants protecteurs du Sud Soudan, Etats-Unis et Israël en tête, y pourvoiront ou y ont déjà pourvu.

L’Angola, où le Portugal a utilisé l’arme chimique pendant la guerre de libération et qui était soupçonné de détenir des armes chimiques au moment de la guerre contre l’Afrique du sud, a entrepris les démarches pour son adhésion.

Le cas de Myanmar est peu clair. Il a été accusé par les services de renseignement étasuniens de posséder des armes chimiques et il se peut qu’il utilise sa ratification comme un outil dans ses relations diplomatiques avec les USA.

La France et les armes chimiques

Après tout le tintamarre de la diplomatie française sur les armes chimiques syriennes, il n’est pas inutile de connaitre les états de service de ce procureur rigoureux.

La France, comme les autres belligérants de la première guerre mondiale, a utilisé des armes chimiques à cette période. Selon des témoignages de pilotes français, des gaz ont encore été utilisés par l’aviation française pendant la guerre d’Algérie, ce qui prouve que la production avait duré bien après 1918.
Cette production a pu se développer dans les poudreries nationales ou dans des usines privées et le documentaire (http://www.ina.fr/video/CAB89001713) fait bien comprendre que la « traçabilité » comme on dirait aujourd’hui des armes chimiques est délicate car les armes chimique sont souvent des mélanges de plusieurs composants dont chacun peut être isolément d’un usage civil inoffensif.

Ceci explique par exemple, comme le montre des documents étasuniens récemment déclassifiés, que l’Irak ait pu trouver sur le marché international des fournisseurs pour les armes chimiques qu’il a utilisées contre l’armée iranienne dans la bataille de Bassora, chacun des fournisseurs pouvant hypocritement déclarer soit que le produit chimique qu’il avait livré n’était pas en lui-même une arme, le mélange ultime se faisant sur le terrain, soit que les documents d’exportation donnent de faux noms aux produits livrés. Cette même incertitude se retrouve encore amplifiée en cas de guerre internationale non déclarée comme en Syrie aujourd’hui, l’armement des « rebelles » se faisant dans la clandestinité.

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La France a en plus disposé pendant plusieurs décennies d’un polygone d’essai d’armes chimiques dans le Sahara. Le centre dénommé B2 Namous est situé dans l’ouest du Sahara algérien, à proximité de l’oasis marocaine de Figuig. Ouvert dans les années 30, il a servi à la mise au point des armes chimiques nouvelles qui devaient être utilisées pendant la seconde guerre mondiale et ne l’ont pas été. Pourtant son activité n’a pas cessé au moment de l’indépendance de l’Algérie puisqu’une annexe secrète des accords d’Evian l’a autorisée, comme elle a autorisé les essais nucléaires français sur le polygone saharien de Reggane. Le polygone B2 Namous n’a été fermé qu’en 1978, ce qui démontre que la France n’avait pas renoncé à l’arme chimique jusqu’à cette date. Il fait encore partie des contentieux diplomatiques franco-algériens puisque la fermeture du centre n’aurait pas été accompagnée de la dépollution de la zone, critique reprise également du côté marocain très proche.

Aujourd’hui la France signataire de la Convention de 1999 a dépassé le délai de quinze ans fixé pour la destruction de ses armes chimiques. Deux arguments sont avancés :
- on découvrirait encore sur les champs de bataille de la première guerre mondiale des obus « chimiques »,
- les coûts de la destruction sont élevés et les budgets nécessaires n’ont pas été trouvés.

Le premier argument a l’avantage de centrer l’attention du public sur le fait qu’il s’agit de très vieilles armes et donc de passer sous silence tout ce qui a pu être produit jusqu’en 1978. Le second confirme, s’il en était besoin, qu’il est plus facile de trouver de l’argent pour fabriquer des armes de destruction massive que pour les détruire.

Mais gardons espoir, la France qui, officiellement, stocke les armes chimiques à détruire à Suippes (Marne), a finalement décidé la construction de l’atelier de destruction des armes chimiques à l’intérieur du camp militaire de Mailly. Cette opération porte le nom de code d’OPERATION SECOIA. Elle devrait commencer en 2014, l’atelier serait opérationnel en 2016 et au rythme annuel de 20 tonnes de destruction, le stock français de l’ordre de 200 tonnes (mais sans confirmation officielle) serait donc éliminé vers 2026.

Outre son coût, la destruction des armes chimiques est une activité délicate, dangereuse, nécessitant un très haut niveau d’équipement et de formation. La France est tellement reconnue comme un expert en armes chimiques qu’elle a signé en 2006 avec la Russie un accord de coopération pour aider la Russie qui détient à elle seule environ deux tiers du stock mondial – soit environ 40.000 tonnes - d’armes chimiques à le détruire.

Voilà qui achève de rendre ridicules les gesticulations officielles pour que la Syrie se dépêche de détruire dans le meilleur délai son arsenal. Ce type de destruction est cher, long et difficile.

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Source : Comaguer

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