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Palestine occupée - 25 janvier 2021
Par Kathryn Shihadah
Kathryn Shihadah est rédactrice et éditrice de If Americans Knew. Elle tient également un blog, Palestine Home
15.01.2021 - Le défenseur palestinien des droits de l'homme Mohammad El-Halabi est aujourd'hui devant un tribunal en Israël ; c’est sa 154ème comparution depuis son arrestation en 2016. Son histoire est à la fois horrible et banale, comme les histoires des prisonniers palestiniens.
Rassemblement du personnel et des bénéficiaires de World Vision-Gaza pour la libération de Mohammad al-Halabi, le directeur de l’Agence de Gaza, le 28 mars 2017
[Mohammed Asad / Middle East Monitor]
El-Halabi, 42 ans, est un réfugié né à Gaza, père de cinq enfants, titulaire d'une maîtrise en ingénierie et - jusqu'à son arrestation en 2016 - salarié de l'organisation caritative chrétienne World Vision (WV). Il a consacré 10 ans à l'organisation dont 2 ans (2014-2016) comme directeur de l’antenne de Gaza. En 2014, les Nations unies lui ont décerné le prix du Héros de l'Humanité.
El-Halabi, qui a aidé à procurer des médicaments essentiels aux enfants de Gaza qui mouraient du cancer, est maintenant assis derrière les barreaux sans accès à sa famille et un accès limité à son avocat. Il a la particularité d'avoir le plus long procès militaire de l'histoire de l'occupation israélienne.
Des accusations absurdes
Les accusations portées contre El-Halabi sont absurdes. L'agence de renseignement israélienne, Shin Bet, prétend qu'il a détourné plus de 7 millions de dollars par an, soit près de 50 millions de dollars au total, de dons destinés à des associations caritatives pour les faire passer au Hamas.
Le président de WV, Kevin Jenkins, a déclaré dans les jours qui ont suivi l'arrestation d'El-Halabi que le « budget de fonctionnement cumulé de l'organisation à Gaza au cours des dix dernières années était d'environ 22,5 millions de dollars », ce qui remet en question l'ensemble de l'accusation. Jenkins a ajouté que même pendant la courte période où El-Halabi était responsable des opérations à Gaza, il n'a jamais été autorisé à dépenser plus de 15.000 dollars sans autorisation.
À son crédit, World Vision a soutenu El-Halabi, alors même que l'organisation a procédé à un audit interne. Le gouvernement australien a également examiné les comptes de WV en 2017. Aucune des deux enquêtes n'a révélé d'irrégularités.
Pourtant, le gouvernement israélien maintient ses allégations - le ministre de la Sécurité publique Gilad Erdan a accusé WV de « fermer les yeux » sur le détournement de fonds parce que l'organisation est « très anti-Israël » (il convient de noter que des ONG comme World Vision sont à l'œuvre dans les territoires palestiniens depuis des années parce qu'Israël, en tant que puissance occupante, a négligé de s'occuper de sa population occupée, enfreignant ses obligations selon le droit international).
Ce n'est pas la première fois que de telles accusations sont portées contre des individus et des groupes qui tentent d'apporter de l’aide ou de rendre justice aux Palestiniens - même Oxfam a été attaquée.
Israël porte aussi fréquemment des accusations mensongères contre des militants et des journalistes qui organisent des manifestations ou qui publient sur les médias sociaux des articles s'opposant à la politique israélienne - un exemple récent est celui d'Issa Amro, surnommé le "Gandhi palestinien" pour ses méthodes de protestation pacifique.
« Preuves secrètes »
Les « preuves secrètes » sont un autre outil standard de la "justice" israélienne. Les procureurs israéliens prétendent avoir des preuves de culpabilité, mais refusent de communiquer ces informations au prisonnier et à son avocat. L'accusé n'est pas présent lors de la procédure engagée contre lui ou n'est pas en mesure de plaider son innocence. La décision du juge se fonde uniquement sur la version de l'accusation, niant l'essence même d'un procès équitable.
Des preuves secrètes sont à la base de l'affaire contre Mohammad El-Halabi, comme cela a été le cas pour de nombreux autres prisonniers palestiniens .
La torture pour obtenir des aveux
Pendant sa détention et de son interrogatoire, El-Halabi a été torturé. Ses parents et son avocat ont confirmé qu'il a été battu et maltraité mentalement. Il a perdu l'audition d'une oreille à cause des mauvais traitements qu'il a subis.
El-Halabi rejoint l’énorme groupe de prisonniers palestiniens qui a enduré ce calvaire. Les interrogateurs israéliens ont régulièrement recours aux coups et à d'autres formes de torture, ainsi qu'aux menaces contre les membres de la famille (en particulier les femmes) pour obtenir de faux aveux.
La torture est si courante dans les prisons israéliennes, y compris parmi les enfants palestiniens, que la députée américaine Betty McCollum a proposé une législation en 2017 et 2019 pour attirer l'attention sur cette pratique et bloquer l'utilisation de l'aide américaine pour la subventionner.
Le recours à la torture est l'une des raisons pour lesquelles les tribunaux militaires israéliens enregistrent un taux de condamnation de presque 100%.
Une autre raison est son recours régulier à la négociation de peine - qui "permet" aux Palestiniens de passer moins de temps en prison pour des crimes qu'ils n'ont pas commis.
Dans le cadre de la procédure, un juge israélien a recommandé à El-Halabi d'accepter un accord de plaidoyer parce qu'il serait presque certainement déclaré coupable. Il a préféré se battre contre les accusations, bien qu'il connaisse l'issue probable.
Étonnamment, comme le souligne son avocat, « Israël sait que Halabi est innocent. Certains responsables israéliens me l'ont dit ».
Diverses entourloupes
El-Halabi a été victime des nombreuses autres stratégies qui empêchent les prisonniers palestiniens d'obtenir justice.
Son avocat raconte que des témoins ont été empêchés de quitter Gaza pour témoigner en sa faveur, qu'Israël a refusé de lui donner les soins médicaux dont il avait besoin et que le procès traîne en longueur depuis des années sans qu'on puisse en voir la fin.
De nombreuses autres pratiques irrégulières dans le système des tribunaux militaires israéliens ont été documentées pendant des années.
Sanctions collectives
Dès que les accusations ont été lancées contre Mohammad El-Halabi, World Vision a cessé ses opérations à Gaza. Alors que le procès s’éternise depuis 4 ans, le travail est toujours suspendu.
De plus, les gouvernements australien et allemand - tous deux généreux donateurs pour le travail de l'organisation en Palestine - ont été parmi les nombreux bienfaiteurs à suspendre leur financement.
Comme l'a rappelé WV à ses mécènes, l'organisation a aidé des dizaines de milliers d'enfants de Gaza, en leur fournissant de la nourriture et des soins médicaux, et « l'aide de la communauté internationale reste une bouée de sauvetage pour 1,1 million de personnes à Gaza, et un enfant sur quatre à Gaza a besoin d'un soutien psychosocial » - ces personnes rejoignent El-Halabi dans la souffrance de l'injustice aux mains d'Israël.
Les experts estiment que le but de ces pratiques illégales est la volonté d'Israël d'intimider les organisations de défense des droits de l'homme dans les territoires palestiniens et leurs donateurs. Le spectre du « soutien au terrorisme » pourrait effectivement couper Gaza de toute aide extérieure.
Israël a réussi à maintenir la population de Gaza sous un blocus brutal pendant 14 ans, bloquant l'entrée dans l'enclave de fournitures médicales, de matériaux de construction et d'autres produits de base. La population est vulnérable et a désespérément besoin du type d'aide humanitaire que World Vision fournissait auparavant.
Mohammad El-Halabi n'est qu'une facette de la campagne israélienne pour mettre Gaza à genoux - ou pour la faire disparaître.
Source : IMEMC
Traduction : MR pour ISM
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