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Israël -

L'expédition "Eilat" d'Israël

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18 août 2011 - Tôt aujourd'hui, plusieurs hommes armés ont lancé une attaque depuis le côté égyptien de la frontière Égypte-Israël. Frappant depuis le Sinaï, les assaillants sont parvenus à attaquer la ville côtière israélienne d'Eilat avec des armes légères, des mortiers et des roquettes antichar. Bien que les détails de l'attaque soient toujours très vagues, Israël a fait état de 7 morts et 29 blessés et indique que l'attaque est partie de Gaza. Mais comment Israël arrive-t-il à cette conclusion ? Dès que j'ai entendu l'information, je me suis mise sur Twitter pour analyser les différentes diffusions et pour examiner les sites d'information, de Ha'aretz à Al-Jazeera, et même la BBC et CNN. Pour autant que je sache, les identités des agresseurs n'ont été complètement confirmées par personne, pas plus qu'aucun groupe n'a revendiqué cette attaque très réussie contre Israël.

L'expédition 'Eilat' d'Israël

L'affirmation israélienne que la source de toute cette violence vient de Gaza n'est peut-être qu'une accusation vague, ambiguë au possible, de manière à ce que les gens accusent instantanément le gouvernement Hamas au pouvoir dans la Bande. La source de l'attaque pourrait bien être Gaza, même s'il est hautement improbable que le Hamas ou une faction de l'intérieur en soit l'auteur, mais elle pourrait provenir d'un groupe extérieur à l'enclave dégoûté par le siège illégal continu de Gaza et qui a décidé de la commettre, bien que ceci soit également peu vraisemblable.
 
Le fait auquel beaucoup n'ont pas prêter attention, même lorsque je les ai bombardés sur mon compte Twitter, c'est qu'Israël contrôle l'essentiel du Sinaï. Beaucoup peuvent dire en lisant ceci, et en particulier les Égyptiens, "Mais est-ce que l’Égypte n'a pas récupéré le Sinaï après la guerre de 'Yom Kippur' de 1973 ?"
 
En apparence, elle l'a fait, et c'est exactement le genre de message de relations publiques que le président égyptien d'alors, Anwar Sadat, voulait faire croire à sa population. Les faits sur le terrain montrent une image bien différente. A la fin de la guerre de 1973, la Troisième armée égyptienne était encerclée, isolée, et aurait été écrasée s'il n'avait pas été plus utile aux Israéliens de la garder comme monnaie d'échange. Et Israël a menacé le Caire elle-même. Une fois que les traités de paix ont été signés quelques années plus tard, Sadat a reçu le contrôle nominal du Sinaï pour accroître sa crédibilité politique, et Israël a pu retirer en toute sécurité d'un endroit stratégique des forces qui lui coûtaient cher. Le prix à payer est que l'armée égyptienne n'est même pas autorisée, à ce jour, à envoyer des unités dans le Sinaï sans qu'Israël en soit informé ou donne son autorisation.

A part quelques maigres forces de patrouille frontalières, les Égyptiens n'ont aucune présence militaire réelle dans le Sinaï et, à partir du jour où le président égyptien dégagé Hosni Moubarak est arrivé au pouvoir, le gouvernement égyptien a été complice de l'essentiel de l'activité israélienne dans la région, la plus visible et la plus récente étant la barrière souterraine pour empêcher l'économie des tunnels gazaouis. Comment les Israéliens ont-ils maintenu une surveillance sur le Sinaï et sur Gaza sans leurs propres troupes et sans une importante force égyptienne dans la région ? En utilisant les tribus bédouines locales, armées et payées pour maintenir les Palestiniens sous contrôle sans qu'elles soient elles-mêmes une menace majeure.

Depuis l'éviction de Moubarak et l'apparition prometteuse, bien que lente, de la démocratie en Égypte, le gouvernement égyptien s'est quelque peu distancié d'Israël. Il a ouvert le passage frontalier de Rafah (il faut tout de même souligner qu'il ne l'a pas ouvert complètement, comme le disent souvent les médias) et il essaie d'éviter d'afficher son soutien aux mesures israéliennes contre Gaza sans contrarier l'Etat sioniste.

Ce qui signifie que les Bédouins qu'Israël et l’Égypte avaient autorisé à maintenir l’ordre sur l'étendue du Sinaï vivent des temps moins rentables qu'avant. En conséquence, ils peuvent avoir tenté de s'en prendre au gouvernement militaire égyptien et de le mettre dans une situation inconfortable en attaquant les conduites gazières, comme cela s'est produit récemment, et aussi peut-être en perpétrant l'attaque d'Eilat. Il est également possible qu'Israël, à qui profitera une nouvelle instabilité, ait permis que cette attaque ait lieu ou qu'il l'ait même encouragée. Après tout, la surveillance israélienne frontalière et aérienne est considérable, et il faut pardonner à celui qui a du mal à croire qu'Israël n'a pas vu arriver une équipe d'hommes armés de mortiers.
 
Israël est gagnant sur de nombreux tableaux. Tout d'abord, l’Égypte n'est plus une alliée sûre comme elle le fut sous le régime égyptien despotique personnifié par Moubarak. Même si le gouvernement militaire égyptien actuel n'a fait montre d'aucune action ouvertement hostile à Israël, et qu'il est peu probable qu'il le fasse, Israël sait que si une vraie démocratie s'installe en Égypte, il n'en tirera pas d'avantages stratégiques. Beaucoup d’Égyptiens demandent déjà l'annulation ou la révision du traité de paix entre les deux pays. Maintenant qu'une attaque a été perpétrée depuis la frontière égyptienne du Sinaï, Israël va s'en servir d'excuse pour renforcer sa présence militaire dans la région, sous couvert de sécurité nationale. Et des responsables israéliens ont déjà commencé à évoquer cette nécessité.
 
En accusant Gaza d'être à l'origine de cette violence, en particulier le Hamas, Israël peut gagner un certain avantage diplomatique à un moment où il est préoccupé par ce qui va se passer en septembre, lorsque les États-Unis opposeront inévitablement leur véto à la reconnaissance d'un État palestinien, qui ne sera peut-être pas officiellement reconnu, mais cette action mettra définitivement fin au cauchemar de la solution de deux États et Israël compte sur cette carte diplomatique pour lui garantir, ainsi qu'à ses collaborateurs de l'Autorité palestinienne, une crédibilité pour des décennies. Si la responsabilité est imputée aux Palestiniens, alors Israël peut s'en servir comme preuve que la candidature à l'ONU et l'attaque d'Eilat n'étaient qu'une tentative palestinienne de faire dérailler le processus de paix.

Découlant du point plus haut, Israël tirera parti d'une accusation contre les Palestiniens en augmentant ses attaques militaires sur la Bande de Gaza. Il n'est en effet pas très difficile de pronostiquer qu'Israël a hâte d'affaiblir de façon significative la résistance palestinienne et c'est pourquoi il va maintenant utiliser l'incident d'Eilat comme un élément de justification pour le deuxième acte de la tragédie que fut l'opération Plomb Durci.

Israël peut maintenant légitimer une intensification de la protection de ses frontières avec une Égypte dont il est incertain, détourner l'attention diplomatique loin des Palestiniens et de leur droit à un État et il peut aussi frapper ses ennemis et punir la population palestinienne gazaouie collectivement pour ne pas s'incliner devant son suzerain israélien avant qu'une réaction populaire égyptienne ne force son propre gouvernement à agir. La cerise sur le gâteau, c'est qu'il peut même détourner l'attention, dans les affaires intérieures israéliennes, des soi-disant protestations "J-14" (la révolte dite "des tentes", NdT) et recentrer toute cette colère publique sur l'ennemi arabe.

Tout bien considéré, il est aisé de voir à qui profite le plus l'attaque d'Eilat. Certainement pas au Hamas, qui a officiellement réfuté toute implication, et s'il l'avait perpétrée, il serait logique qu'il aurait été plus qu'heureux de la revendiquer, comme il l'a fait des centaines de fois auparavant, pour s'affirmer dans sa position de seule faction palestinienne qui combatte réellement Israël. Le seul réel bénéficiaire semble plutôt être l'apparente victime elle-même : Israël.

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Tallha Abdulrazaq est le fondateur, le rédacteur en chef et le principal auteur du blog "Journal de Guerre". Il est né et a grandi au Royaume-Uni de parents irakiens et il est diplômé du Département des Etudes sur la Guerre (King College - Londres).


 

Source : The War Journal

Traduction : MR pour ISM

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