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Cisjordanie - 19 décembre 2009
Par Ian Cobain
Des agents de la sécurité palestinienne, qui ont détenu et torturé des partisans de l’organisation islamiste Hamas en Cisjordanie, travaillent en étroite collaboration avec la CIA, a appris le Guardian. Moins d’un an après que Barack Obama ait signé un décret qui interdit la torture et prévoit un interrogatoire légal des détenus dans les prisons des Etats-Unis, des preuves apparaissent que la CIA coopère avec des agents de sécurité dont le recours à la torture a été largement rapporté par des associations pour les droits de l’homme.
Certains diplomates occidentaux et autres fonctionnaires dans la région ont dit que la relation entre la CIA et les deux agences palestiniennes impliquées – l’Organisation de la Sécurité Préventive (Preventive Security Organisation -PSO) et le Service Général du Renseignement (General Intelligence Service - GI) était si étroite que l’agence états-unienne semble superviser le travail des Palestiniens.
Un responsable occidental de haut rang a dit : « La CIA les considère comme sa propriété, ces deux services palestiniens. » Une source diplomatique a ajouté que l’influence US sur les agences était tellement grande qu’elles pouvaient être considérées comme « un bras avancé de la guerre contre le terrorisme. »
Alors que la CIA et l’Autorité Palestinienne nient que l’agence US contrôle ses homologues palestiniens, ni l’un ni l’autre ne réfutent qu’ils interagissent étroitement en Cisjordanie . Des détails sur cette coopération font surface tandis que quelques organisations pour les droits de l’homme commencent à se demander si les services secrets US ferment ou non les yeux sur les interrogatoires violents conduits par les services secrets d’autres pays avec lesquels ils travaillent. Selon l’organisation palestinienne de surveillance Al-Haq, les droits de l’homme en Cisjordanie et à Gaza se sont « gravement détériorés à cause de la propagation des violences perpétrées par des protagonistes palestiniens » cette année.
La plupart de ceux qui ont été détenus sans procès et torturés en Cisjordanie – qui est en retour dominée par la faction politique rivale Fatah – sont des partisans du Hamas, qui a remporté les élections palestiniennes en 2006 mais que l’Autorité Palestinienne, ainsi que les USA et l’Union Européenne, dénoncent comme organisation terroriste. Dans la Bande de Gaza, que le Hamas contrôle depuis plus de deux ans, il y a eu quelques articles sur la détention et la torture de sympathisants du Fatah par les forces du Hamas.
Parmi les organisations pour les droits de l’homme qui ont informé ou se sont plaints des mauvais traitements des prisonniers détenus par l’AP en Cisjordanie , on trouve Amnesty International, Human Rights Watch, Al-Has et l’organisation israélienne B’Tselem. Même la commission des droits de l’homme de l’AP a exprimé « sa profonde préoccupation » sur les mauvais traitements infligés aux détenus.
La plainte la plus courante est que les détenus sont tabassés et soumis à une torture appelée le « shabeh », pendant laquelle ils sont enchaînés et forcés de rester dans des positions douloureuses pendant de longues périodes. Il y a également des rapports sur la privation de sommeil et de grands nombres de détenus entassés dans des petites cellules pour les empêcher de se reposer. Au lieu d’être traduits devant des tribunaux civils, presque tous les détenus entrent dans le système judiciaire militaire en vertu duquel il n’est pas nécessaire de les présenter devant un tribunal pendant six mois.
Selon des responsables de l’AP, entre 400 et 500 sympathisants du Hamas sont détenus par le PSO et le GI.
Certaines des exactions ont été si graves qu’au moins trois détenus sont morts en garde à vue cette année. Le plus récent est Haitham Amr, un infirmier de 33 ans et sympathisant du Hamas à Hébron, qui est mort quatre jours après avoir été arrêté par les fonctionnaires du GI en juin dernier. De nombreuses ecchymoses au niveau des reins suggèrent qu’il a été battu à mort. Parmi ceux qui sont morts en garde en vue du GI l’année dernière, Majid al-Barghuti, 42 ans, imam d’un village près de Ramallah.
Bien qu’il n’y ait pas de preuves que la CIA ait commandité ces tortures, les militants pour les droits de l’homme disent qu’il y serait rapidement mis fin si les USA exerçaient des pressions sur les autorités palestiniennes.
Shawan Jabarin, directeur général d’al-Haq, a déclaré : “Les Américains pourraient tout arrêter à n’importe quel moment. Tout ce qu’ils auraient à faire est d’aller voir [le premier ministre] Salam Fayyad et lui dire qu’ils en font un problème. Puis ils pourraient traiter les questions spécifiques : ils pourraient lui dire que les détenus doivent être présentés rapidement devant les tribunaux. »
Un diplomate dans la région a dit qu’ « à tout le moins » des officiers du renseignement US étaient au courant de la torture et n’agissaient pas suffisamment pour y mettre fin. Il a ajouté : « Un certain nombre de questions se posent vis-à-vis de l’administration américaine : quel est son objectif ? Quelles sont leurs règles d’engagement ? Entraîne-t-elle le GI et le PSO selon le manuel qui a été établi par l’administration précédente, dont la simulation de noyade ? Contrôle-t-elle ou est-elle juste témoin ? »
Sa'id Abu-Ali, ministre de l’intérieur de l’Autorité Palestinienne, a admis que des détenus avaient été torturés et que certains en étaient morts, mais il a dit que de tels abus n’étaient pas la politique officielle et que des mesures étaient prises pour les empêcher. Il a dit que de tels abus « survenaient dans tous les pays du monde ». Abu-Ali a d’abord cherché à nier que la CIA était « profondément impliquée » avec les deux agences de renseignement palestiniennes responsables de la torture des sympathisants Hamas, puis a ensuite concédé que des liens existaient. « Il y a des liens, mais pas de supervision des Américains » a-t-il dit. « C’est seulement une affaire palestinienne. Mais les Américains nous aident. »
La CIA ne nie pas travailler avec le PSO et le GI en Cisjordanie , bien qu’elle ne dise pas l’usage qu’elle fait des renseignements obtenus lors des séances d’interrogatoire des sympathisants du Hamas. Mais elle nie porter sur ces exactions ce qu’un fonctionnaire a décrit comme « l’œil de Nelson » (1).
Paul Gimigliano, porte-parole de la CIA, a nié avoir joué un rôle de supervision du PSO et du GI. « La notion que cette agence dirige en quelque sorte d’autres services de renseignement (…) est tout simplement fausse, » a-t-il dit. « La CIA (…) ne soutient et ne s’intéresse qu’aux méthodes légales qui produisent de l’information fiable. »
La préoccupation sur les abus contre les détenus grandit en Cisjordanie en dépit des efforts de la communauté internationale de créer des institutions palestiniennes qui garantissent une plus grande sécurité, première démarche vers la création d’un Etat palestinien. Plus de la moitié des 2,8 milliards de $ du budget de l’AP provenait l’an dernier de donateurs internationaux ; plus du quart a été englouti par le ministère de l’intérieur et de la sécurité nationale. Human Rights Watch et Al-Haq ont dit qu’en accroissant la capacité sécuritaire de l’AP, les pays donateurs ont la responsabilité de s’assurer qu’e celle-ci respecte les normes internationales en matière de droits de l’homme.
Au cœur de l’effort international se trouve la création d’une force sécuritaire nationale palestinienne : une gendarmerie forte de 7.500 éléments entraînée par des officiers des armées US, britannique, canadienne et turque sous le commandement du général US Keith Dayton. Beaucoup de Palestiniens accusent Dayton d’exactions contre les sympathisants du Hamas, bien que les attributions du général ne s’étendent pas à l’une ou l’autre des agences responsables du renseignement.
Certains dans l’équipe de Dayton ont dit qu’ils avaient été mis en garde par des officiers de la CIA qu’ils ne devaient pas interférer dans le travail du PSO ou du GI. En privé, quelques-uns ont dit craindre que les mauvais traitements aux détenus, et la colère qui se lève dans la population, ne sapent leur mission. Un informateur a dit : « Je sais que Dayton et son équipe sont très préoccupés par ce qui se passe dans ces centres de détention parce qu’ils savent que cela peut compromettre leur travail. »
(1) En référence à l’Amiral Nelson (borgne) qui, lors de la Bataille de Copenhague (avril 1801), avait placé sa longue-vue devant son œil aveugle pour ne pas voir un signal et disait : « Je ne vois pas de signal. »
Source : Guardian
Traduction : MR pour ISM
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