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USA - 10 avril 2010
Par Manlio Dinucci, Tommaso Di Francesco
Edition de vendredi 9 avril de Il manifesto.
La feuille de route de la nouvelle stratégie nucléaire états-unienne est donc tracée : c’est ce qu’annonce dans sa préface au Nuclear Posture Review Report 2010 le secrétaire à la Défense Robert Gates, qui s’est lui aussi rénové en passant de l’administration Bush à celle Obama. Qu’est-ce qui a changé ? Avant tout la situation internationale : l’Union Soviétique et le Pacte de Varsovie ont disparu et « tous les ex-membres non soviétiques du Pacte de Varsovie sont maintenant membres de l’OTAN ». La Russie « n’est pas un ennemi », mais un partenaire des Etats-Unis dans leur affrontement d’ « autres menaces émergentes ». Le président Obama a de fait clarifié que « le danger le plus immédiat et extrême est aujourd’hui le terrorisme nucléaire ».
Jusque là rien de nouveau par rapport à la stratégie de l’administration Bush, qui avait substitué au communisme (ennemi numéro un pendant la guerre froide) le terrorisme, « l’ennemi obscur qui se cache dans les coins les plus sombres de la Terre ». Aujourd’hui, affirme-t-on dans le rapport du Pentagone, « Al Quaeda et ses alliés extrémistes cherchent à se procurer des armes nucléaires ». Donc, « même la menace de guerre nucléaire globale est devenue obsolète, c’est le danger d’une attaque nucléaire qui s’est accru ». On agite ainsi le spectre d’un 11 septembre nucléaire, corrélé à l’ « autre menace pressante » : la prolifération nucléaire. D’autres pays, surtout ceux « en opposition avec les Etats-Unis », peuvent se doter d’armes nucléaires. On accuse donc l’Iran, et, dans la foulée, la Corée du Nord, de poursuivre des ambitions nucléaires, en violant le Traité de non-prolifération (Tnp), et en augmentant l’instabilité de leur propre région ; et poussant les pays limitrophes à prendre en considération leurs « propres options de dissuasion nucléaire » (expression diplomatique pour justifier, sans le nommer, le fait qu’Israël possède des armes nucléaires et n’adhère pas au Tnp).
Sur ce fond, les objectifs de la nouvelle stratégie sont clairs : avant tout maintenir la suprématie nucléaire états-unienne, en établissant avec le nouveau START (signé hier à Prague) un statu quo avec la Russie, l’autre plus grande puissance nucléaire. Le traité ne limite pas le nombre de têtes nucléaires opérationnelles dans les deux arsenaux, mais seulement les « têtes nucléaires déployées », soit prêtes au lancement sur des vecteurs stratégiques d’une portée supérieure à 5.500 Kms : le plafond est stabilisé à 1.550 mais en réalité chacun est supérieur parce que chaque bombardier ne compte que pour une tête alors qu’il en transporte vingt ou plus. Nous sommes bien loin du désarmement nucléaire. Chacune des deux parties non seulement gardera prêt au lancement un nombre de têtes nucléaires en mesure de balayer l’espèce humaine de la face de la Terre, mais elle pourra continuer à potentialiser qualitativement ses propres forces nucléaires.
Dans le Nuclear Posture Review, on précise que les Etats-Unis tout en ne développant pas de nouveaux types de têtes nucléaires, renouvelleront leur arsenal à travers la substitution de composants. Et sera donc « renforcée la base scientifique et technologique, vitale pour la gestion de l’arsenal ». Dans ce but on a prévu des « investissements accrus dans le complexe des implantations et du personnel spécialisés dans les armes nucléaires ». La Russie, évidemment, pourra faire de même, bien que disposant de moyens économiques moindres. Les USA essaieront cependant d’acquérir un avantage ultérieur, en développant de nouveaux types de vecteurs stratégiques (non limités par le nouveau START), et en réalisant en Europe le « bouclier » anti-missile (demeuré hors de l’accord) : système qui, une fois mis au point, leur permettrait de neutraliser au moins en partie la capacité des forces nucléaires stratégiques russes. En regard de la Chine, les USA se déclarent « préoccupés par ses efforts de modernisation militaire, y compris celle, qualitative et quantitative, de l’arsenal nucléaire ».
En même temps, les Etats-Unis, avec le sommet du 12 avril sur le Tnp, se fixent par anticipation de renforcer le régime de « non-prolifération » ainsi qu’il est conçu à Washington : garder inchangé l’actuel « club nucléaire » dont sont membres, outre les deux plus grandes puissances, la France, la Grande-Bretagne, la Chine, Israël (incognito), l’Inde et le Pakistan. Les Etats-Unis, tandis qu’ils s’engagent à ne pas employer d’armes nucléaires contre les Etats qui ne les possèdent pas et se conforment au Tnp, laissent entendre qu’ils se réservent le droit du first strike (première frappe) pour empêcher qu’un pays comme l’Iran puisse les construire.
L’attitude envers leurs alliés est bien différente. Dans le Nuclear Posture Review, on confirme que « demeure en Europe un petit nombre d’armes nucléaires états-unienne » (estimé à environ 500, dont 90 en Italie, ndt), en précisant que « les membres non nucléaires de l’OTAN participent à la planification nucléaire et possèdent des avions spécialement configurés, capables de transporter des armes nucléaires ». On admet ainsi, dans un document officiel, que les premiers à violer le Tnp sont les Etats-Unis, lesquels fournissent des armes nucléaires à des pays non-nucléaires, et leurs alliés, Italie comprise, lesquels violent l’art. 2 du Tnp : « Chacun des Etats militairement non-nucléaires s’engage à ne pas recevoir de quiconque des armes nucléaires, ni le contrôle sur de telles armes, directement ou indirectement ».
Source : Il manifesto
Traduction : Marie-Ange Patrizio
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