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Cisjordanie occupée -

La mission impossible du gouvernement Shtayyeh

Par

26.03.2019 - Je ne sais pas pourquoi le Dr Mohammad Shtayyeh s'est mis dans la position délicate d’accepter de former le dix-huitième gouvernement de l'Autorité palestinienne. Shtayyeh est l’un des leaders les plus brillants, les plus compétents et les plus expérimentés du Fatah. Il détient un doctorat en études de développement, il fut ministre des Travaux publics et du Logement et président du Conseil économique palestinien pour le développement et la reconstruction (PECDAR). Ses discours politiques montrent son ouverture d’esprit et il n'a pas tendance à envenimer l'atmosphère avec les dissidents du Fatah, comme le font certains de ses collègues de la direction du Fatah.

La mission impossible du gouvernement Shtayyeh

10 mars 2019 à Ramallah, Mohammad Shtayyeh, nouveau Premier ministre, reçoit sa lettre de nomination des mains de Mahmoud Abbas, dont le mandat présidentiel s'est terminé en janvier 2009.
Il aurait été plus logique que quelqu'un comme lui fasse partie d'un gouvernement qui favorise l'unité globale des Palestiniens, consolide le consensus, applique l'accord de réconciliation plutôt que d’être le chef d’un gouvernement qui encourage la division et essaie d’imposer le programme d’une seule faction à toutes les forces nationales palestiniennes.

Dès le début, et avant sa formation, le gouvernement Shtayyeh est prévu comme un gouvernement de "crise", un gouvernement "d'impasse" et une "recette pour l'échec" ; car les fondements et les circonstances ont fait de ce gouvernement une structure construite sur de la boue, lui niant ainsi la moindre chance de succès.

Officiellement, le président ‘Abbas a demandé à Shtayyeh, dans la lettre de désignation, de rétablir l'unité nationale et de ramener « Gaza au cœur de la légitimité nationale ». Il lui a également demandé de prendre toutes les mesures nécessaires pour organiser des élections législatives dans les gouvernorats du pays (Cisjordanie, y compris Jérusalem et la bande de Gaza) le plus rapidement possible, pour « consolider la démocratie et le pluralisme politique ». Quant à Shtayyeh, qui a accepté la nomination, il a indiqué dans son discours d'acceptation qu'il acceptait la désignation au nom du Fatah, s'adressant à ‘Abbas non seulement en tant que chef de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de l'État de Palestine, mais également en tant que chef du mouvement Fatah !! Sans se référer officiellement à 'Abbas en tant que président de l'Autorité palestinienne, Shtayyeh a souligné la nécessité de travailler avec les partenaires de l'OLP pour mettre en œuvre le programme national, et il a également mis l’accent sur « la seule légitimité et la seule loi ».

Gouvernement de crise

Le mandat de Shtayyeh de former un gouvernement est intervenu au milieu de la crise profonde du projet national palestinien, ainsi que de la désorganisation et de la détérioration de l'OLP et de ses institutions. Il intervient dans une période où l’AP s’est transformée, passant de projet œuvrant à l’établissement d’un État palestinien indépendant et souverain dans la Palestine occupée en 1967, à une autorité fonctionnelle servant les objectifs israéliens davantage que son propre projet national. Il a également lieu à un moment où les dirigeants palestiniens n’ont pas réussi à mettre en œuvre l'accord de réconciliation et ses implications, et après que le gouvernement de Rami Hamdallah a failli à sa mission, qui était censée être fondée sur un « consensus national ».

Le cours du précédent gouvernement a incarné les politiques d'Abbas et les tendances du Fatah. Il a cherché à soumettre le Hamas, à imposer une politique sélective lors de la mise en œuvre de la réconciliation et à continuer à appliquer des décisions et des programmes qui ont non seulement rendu furieux le Hamas et le Mouvement du Jihad Islamique en Palestine (PIJ), mais également les principales factions de l'OLP, telles que le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP) et l'Initiative nationale palestinienne. Au grand dam de la plupart des forces et factions palestiniennes, l'ancien gouvernement s’est acharné à poursuivre la coordination sécuritaire avec Israël et les sanctions imposées à la Bande de Gaza. En conséquence, ces forces ont boycotté la dernière session du Conseil central palestinien (PCC).

La direction du Fatah a également intensifié la crise lorsque la « Cour constitutionnelle » de Ramallah a dissous le Conseil législatif palestinien (CLP), une décision que la plupart des forces et factions palestiniennes ont rejeté, en plus du fait que d'éminents érudits en droit constitutionnel ont dénoncée son inconstitutionnalité. En outre, la plupart des factions ont refusé de se conformer à la décision du tribunal et de participer aux élections.

Ainsi, la formation du gouvernement Shtayyeh s'est faite au milieu d'un climat de crise politique, dans lequel le Fatah lui-même souffre d'un isolement accru. Par conséquent, était-il approprié de pousser plus loin les mêmes politiques d'aggravation en excluant le Hamas et en essayant de former un gouvernement sans le soutien et la participation des principales factions de l'OLP ?! Comment ce gouvernement pourrait-il « restaurer l'unité nationale », selon la lettre de désignation, à moins qu'il ne pense que le Hamas se soumettra à ses diktats et viendra « nu », comme l'avait dit un haut responsable du Fatah ?

En fait, les principales factions palestiniennes de l'OLP ont refusé de participer au prochain gouvernement - avant que Shtayyeh ne soit mandaté pour le former - car il favorise la division et complique la crise, et le FPLP, le DFLP et l'Initiative nationale palestinienne ont publié des déclarations officielles dans ce sens. De plus, lorsque la lettre de désignation a été envoyée, elle a augmenté les inquiétudes concernant les pistes de réconciliation, car elle ne faisait référence ni au document de réconciliation nationale ni à l’Accord de réconciliation. En outre, le discours d'acceptation de Shtayyeh a été fait au nom du Fatah, pour établir que ceux qui feront partie du gouvernement devront être membres de l'OLP.

Impasse gouvernementale

On suppose qu’une des premières missions de tout nouveau gouvernement est d’organiser des élections démocratiques, d’être un gouvernement de consensus bénéficiant de la participation nationale la plus large possible afin d’établir un environnement politique sain et un environnement électoral juste et digne de confiance. Le mandat de former un gouvernement partisan dirigé par le Fatah fut un pas en arrière et un coup porté à l'atmosphère nécessaire à la tenue d'élections crédibles. Ainsi, un tel gouvernement sera le reflet de « l'impasse » palestinienne au lieu d'être un moyen d’en sortir. Il signe l’échec du système politique palestinien dans lequel, pendant plus de cinquante ans, une faction (Fatah) s’acharne à diriger seul.

Nous ne savons pas comment le gouvernement Shtayyeh réalisera « l’unité nationale » sans la participation des factions nationales et islamiques. Et nous ne savons pas comment des élections démocratiques palestiniennes qui reflètent « le pluralisme politique » seront tenues si la plupart des factions palestiniennes les boycottent.

Son gouvernement peut-il organiser les élections sans la Bande de Gaza contrôlée par le Hamas ? Comment les forces palestiniennes peuvent-elles être sûres que des élections libres et équitables auront lieu, tant que la Cisjordanie sera administrée en pourchassant les forces de la résistance et les mouvements « d'islam politique », et en maintenant la coordination en matière de sécurité ?!

Et si la manière et la base sur lesquelles Shtayyeh a été choisi comme Premier ministre signifient que les procédures et sanctions à l'encontre du Hamas et de la Bande de Gaza continueront par des méthodes d’assujettissement, alors les éléments qui alimentent et font exploser la situation palestinienne interne demeureront. Le gouvernement de Shtayyeh se trouvera être le principal outil de la confrontation et on pourra dire qu'il a n’a pas réussi à réaliser l'unité nationale ou le pluralisme politique.

Recette pour un échec

Au milieu de ce que traverse la Palestine, et dans l'environnement du prétendu « accord du siècle », d'un climat de normalisation et d'arrogance israélienne, les Palestiniens doivent rassembler leurs forces et surmonter leurs différences pour faire face à ces défis. La formation d’un gouvernement d’une seule couleur qui affronte les plus grands dangers avec des outils qui mettent l’opinion publique palestinienne en colère, favorise le schisme palestinien, gaspille les efforts, affaiblit l'immunité et les facteurs de puissance, est la meilleure « recette de l'échec ».

Le gouvernement de Ramallah ne peut s’offrir le luxe d'ignorer le mouvement le plus populaire, ni les forces nationales et islamiques qui sont réellement sur le terrain, qui exigent un consensus national, l’arrêt de la coordination sécuritaire, la levée des sanctions contre la Bande de Gaza, sans toucher aux armes de la résistance… Le gouvernement lui-même peut constater ceci dans les sondages d’opinion qui vont dans cette direction.

Ainsi, le gouvernement Shtayyeh va être plus largement exposé et plus faible face au projet extrémiste sioniste et à ses programmes de judaïsation et de colonisation qui continueront à faire pression sur l'Autorité palestinienne pour qu'elle continue à jouer son rôle de protection de la sécurité et de la stabilité d'Israël. Ce gouvernement sera également plus exposé et affaibli face à la campagne américaine qui veut mettre en œuvre le « Deal of the Century », réaliser la normalisation, perdre Jérusalem et le droit de retour et clore le dossier palestinien.

Shtayyeh, expert en économie, devra faire face à une tâche économique difficile compte tenu des énormes déséquilibres en faveur de l'occupation imposés par le Protocole de Paris, compte tenu de l’étendue de la corruption dans les institutions de l'Autorité palestinienne, confirmée par 80% des personnes interrogées, compte tenu du fait que 80% des revenus de l'AP dépendent des taxes de « dédouanement » perçus par l'occupation et de soutiens externes, compte tenu du fait que 58% des importations de l’AP et 83% de ses exportations se font avec Israël et à la lumière du « braquage » des impôts palestiniens par Israël.

Le gouvernement, chargé de cette montagne de tâches, va pratiquement se tirer une balle dans le pied lorsqu'il fonctionnera sans majorité publique nationale, à la fois dans l'OLP et à l'extérieur.

Si j’ai un conseil à donner à M. Shtayyeh, ce serait celui-ci : votre expertise, vos compétences et vos capacités à comprendre ceux qui défendent des points de vue opposés doivent faire de vous un pont entre les forces nationales pour parvenir à une véritable réconciliation. Cependant, et comme l'environnement et les conditions de votre mandat conduiront à davantage de crises et d'échecs et que vous en serez tenu pour responsable, la première des priorités serait de renoncer à vous acquitter d'une tâche aussi importante.


Lire l’article en arabe ici, publié le 15.03.2019.

Source : Al Zaytouna

Traduction : MR pour ISM

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