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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine occupée -

La renaissance des projets interpersonnels : éviter à Israël de rendre des comptes

Par

Yara Hawari est l'analyste principale d'Al-Shabaka : The Palestinian Policy Network. Elle a obtenu son doctorat en politique du Moyen-Orient à l'université d'Exeter, où elle a enseigné divers cours de premier cycle et continue d'être chargée de recherche honoraire. En plus de son travail académique qui s'est concentré sur les études indigènes et l'histoire orale, elle est également une commentatrice politique régulière pour divers médias dont The Guardian, Foreign Policy et Al Jazeera English.

Présentation
Le cadre People-to-People (P2P) [projets interpersonnels en français, ndt], qui fait référence à des projets réunissant des acteurs de la société civile palestinienne et israélienne dans le cadre d'une soi-disant coopération et d'un dialogue, a été réactivé parmi les initiatives financées par les donateurs en Palestine. Mettant en avant les notions de coopération, de compréhension et de construction de la paix, le P2P est présenté comme un cadre positif à un moment où la situation politique se détériore.

La renaissance des projets interpersonnels : éviter à Israël de rendre des comptes

Bien que le P2P puisse sembler prometteur à première vue, le cadre est profondément problématique, présentant des obstacles épistémiques fondamentaux - ainsi que des obstacles matériels, sur le terrain – à la responsabilisation d’Israël sur ses violations des droits de l'homme palestiniens, et à la garantie d’une paix juste.

Ce cadre part du principe qu'il existe un conflit prolongé entre les Palestiniens et les Israéliens, plutôt que d'identifier la colonisation et l'occupation militaire d'Israël comme une raison fondamentale. Il détermine en outre que le contact et le dialogue sont le moyen de mettre fin à la violence, et donc au conflit, créant ainsi un faux parallèle entre l'oppression structurelle des occupants israéliens et la résistance légitime des Palestiniens opprimés.

Les acteurs locaux et internationaux ont également prouvé que le P2P est inefficace car la grande majorité des Palestiniens n'en veulent pas. En effet, la société civile palestinienne rejette, par consensus, l'idée du P2P car les projets ne sont pas fondés sur les principes du droit international ou la reconnaissance des droits fondamentaux des Palestiniens. En fait, ils portent souvent atteinte à ces droits.

Bien que le P2P soit en déclin depuis le début des années 2000, il a récemment été relancé par la loi Nita M. Lowey sur le partenariat pour la paix au Moyen-Orient, adoptée par le Congrès américain en décembre 2020. Cette loi prévoit le versement de 250 millions de dollars sur cinq ans à deux fonds, dont l'un est spécifiquement axé sur les « projets de paix et de réconciliation » entre Palestiniens et Israéliens. Les médias ont qualifié cette loi de mesure visant à rétablir l'aide aux Palestiniens après une longue interruption sous l'administration Trump. Elle a même été célébrée comme apportant un « élan » et une approche nouvelle à un processus de paix par ailleurs stagnant.

Un survol de cette législation et du fonds lui-même ne déclencherait pas nécessairement l'alarme chez de nombreux responsables politiques progressistes. Cependant, une analyse plus approfondie du texte de loi et de ses implications probables révèle un précédent inquiétant pour ce qui est de saper le droit international et les droits fondamentaux des Palestiniens, et de négliger l'impunité du régime israélien. Cette note de politique générale présente une critique du P2P et démontre le danger de ce cadre pour obtenir la justice pour les Palestiniens. Enfin, la note conclut que ceux qui soutiennent les principes fondamentaux du droit international et les droits des Palestiniens doivent s'opposer à ce fonds, ainsi qu'au cadre P2P en général, et tenir Israël responsable de ses violations.

Un cadre problématique et défunt

Le précurseur du P2P fut la diplomatie de la deuxième voie des années 1980, dans laquelle des voies détournées ont été utilisées pour créer des espaces permettant à des non-officiels de discuter d'options de résolution dans le but d'influencer éventuellement les personnes impliquées dans la diplomatie de la voie I, où des négociations officielles entre officiels ont lieu. Mais le P2P a réellement pris son essor après la signature des accords d'Oslo de 1993, qui ont élargi le champ de la diplomatie de la deuxième voie aux organisations de la société civile palestinienne et israélienne qui ne cherchaient pas nécessairement à influencer les officiels, mais plutôt à créer une meilleure compréhension entre les deux peuples.

Si la trajectoire historique du cadre du P2P est complexe, il est important de noter qu'il a connu une période de déclin significatif à partir du début des années 2000. Le déclin des projets P2P est dû à divers facteurs, notamment le déclenchement de la 2e Intifada, la disparition de la « gauche » israélienne - dont les membres auraient pris part aux projets P2P - et l'émergence d'un consensus renouvelé sur l'anti-normalisation dans la société civile palestinienne en 2007.

L'anti-normalisation est un terme inventé et défini par la société civile palestinienne. Il trouve ses racines dans la lutte palestinienne contre l'occupation britannique qui a culminé avec la Grande Révolte de 1936-1939. L'anti-normalisation signifie le refus des Palestiniens de participer à des projets, des événements ou des activités qui promeuvent la notion qu'Israël est une entité légitime et qui en conséquence normaliseraient la relation entre l'oppresseur et l'opprimé.

En tant que tactique, l'anti-normalisation est une tentative de lutter contre la légitimation et le blanchiment des violations des droits des Palestiniens par Israël sous le couvert du dialogue. Un exemple de normalisation est un projet qui cherche à réunir des femmes israéliennes et palestiniennes pour discuter des défis respectifs auxquels elles sont confrontées dans la société, sans mentionner le déséquilibre fondamental entre elles, un déséquilibre qui soumet régulièrement les femmes palestiniennes à la violence du régime israélien.

L'anti-normalisation n'est pas simplement une position de principe, mais aussi une tactique politique qui considère comme mort tout cadre de dialogue et de construction de la paix entre Palestiniens et Israéliens qui ne soit pas basé sur les principes fondamentaux du droit international. En effet, elle considère que les projets P2P dispensent les Israéliens de rendre des comptes sur la violation des droits des Palestiniens et, par conséquent, les Palestiniens considèrent les projets P2P comme des tactiques spécifiquement conçues pour permettre l'impunité des Israéliens.

En outre, le P2P souligne l'importance de la « coopération transfrontalière » pour parvenir à une paix durable. Les projets menés dans ce cadre sont conçus pour « initier et promouvoir les contacts et l'interaction au niveau local entre les personnes de régions frontalières. » Mais dans le cas de la Palestine, cela est clairement inapplicable. Comme Edward Said et d'autres intellectuels et militants palestiniens l'ont fait valoir inlassablement, le conflit n'est pas celui de deux parties égales piégées dans une lutte symétrique. Il s'agit plutôt d'un colonialisme israélien implacable et de l'oppression des Palestiniens.

La notion de frontière est tout aussi erronée. Le régime israélien est l'entité souveraine de facto du fleuve Jourdain à la mer Méditerranée. Pendant des décennies, il a placé des millions de Palestiniens sous occupation militaire et, dans le même temps, il continue à exproprier les terres palestiniennes. Le résultat a été la bantoustanisation des Palestiniens dans de petites enclaves. Pour sa part, le régime israélien n'a jamais déclaré officiellement ses frontières, ce qui serait en contradiction avec ses intentions expansionnistes. De cette façon, le récit P2P de deux peuples en conflit à travers une frontière commune déforme la réalité d'un peuple palestinien occupé et colonisé.

Pire encore, le P2P présuppose que les Palestiniens coopèrent et se réconcilient avec des personnes et des entités qui soit tolèrent, soit sont directement actives dans leur colonisation et leur occupation. Il n'est pas surprenant que ces types de projets soient en grande majorité voués à l'échec. En effet, l'analyse d'un rapport de 2014 du Comité de développement international du gouvernement britannique sur les programmes P2P en Cisjordanie a révélé que ces projets ont des coûts élevés et produisent globalement « des résultats, une évolutivité et un impact stratégique démontrables faibles. »

Un autre récit commun est l'hypothèse erronée selon laquelle les initiatives P2P et les sources de financement ont le potentiel de « faire démarrer » l'économie palestinienne - une hypothèse dangereuse qui élude commodément la réalité que l'économie palestinienne est entièrement étouffée par le régime israélien. En plus d'être trompeuse, elle ne tient pas le régime israélien pour responsable de sa destruction continue de l'économie palestinienne. En effet, la fondation de l'État israélien en 1948 et les vagues ultérieures d'occupation des terres palestiniennes ont broyé l'économie palestinienne.

Les accords d'Oslo ont aggravé la dépendance de l'économie palestinienne, le protocole de Paris de 1994 étant particulièrement préjudiciable. Il a imposé une union douanière inégale, accordant aux entreprises israéliennes un accès direct au marché palestinien mais limitant l'entrée des marchandises palestiniennes sur le marché israélien ; il a donné à l'État israélien le contrôle de la collecte des impôts et il a incrusté l'utilisation du shekel israélien en Cisjordanie et à Gaza, laissant la nouvelle Autorité palestinienne (AP) sans aucun moyen d'imposer un contrôle fiscal ou d'adopter des politiques macroéconomiques autonomes.

Cela signifie en fait qu'aujourd'hui, le régime israélien exerce un contrôle total, direct et indirect, sur les leviers de l'économie palestinienne. L'occupation militaire complète cette situation en permettant au régime israélien d'exercer un contrôle physique sur les activités économiques quotidiennes des Palestiniens et d'étendre l'expropriation de leurs terres.

L'injection d'argent dans ce système par le biais d'initiatives financées par le P2P n'est pas ce dont l'économie palestinienne a besoin. Au contraire, comme l'écrit Leila Farsakh : « L'économie palestinienne (...) ne peut pas exister, et encore moins prospérer, tant que la communauté internationale ne tiendra pas Israël pour responsable devant le droit international, ne protègera pas les droits des Palestiniens et ne forcera pas Israël à mettre fin à son occupation. »

La loi sur le partenariat pour la paix au Moyen-Orient

Indépendamment des problèmes fondamentaux décrits ci-dessus, le cadre du P2P fait un retour en force suite à la loi Nita M. Lowey de décembre 2020 sur le partenariat pour la paix au Moyen-Orient. Cette loi a été présentée au Congrès américain par l'ancienne députée démocrate Nita Lowey et le député républicain Jeff Fortenberry, démontrant ainsi le soutien bipartisan à la loi.

Après l'adoption de la loi, l'Alliance pour la paix au Moyen-Orient (ALLMEP) s'est attribuée le mérite de cette initiative, expliquant qu'elle était le résultat de « plus d'une décennie de plaidoyer » de l'ALLMEP « en vue de la création d'un Fonds international pour la paix israélo-palestinienne ». ALLMEP cite une « large coalition » de partisans, dont J Street, le New Israël Fund, les fédérations juives d'Amérique du Nord, le Israël Action Network, les églises pour la paix au Moyen-Orient, l'AIPAC , l'AJC et l'Israël Policy Forum. Il est à noter que toutes ces organisations, sauf une, sont ouvertement sionistes.

Un mois avant la promulgation de la loi, ALLMEP a cité un débat parlementaire britannique mené par la députée Catherine McKinnell, présidente de Labour Friends of Israël, qui a avancé l'idée d'avoir un fonds similaire au Royaume-Uni. L'argument était que la proposition était largement soutenue par les députés de l'opposition et du parti au pouvoir. Au cours du débat, M. McKinnell a terminé par un clin d'œil au Fonds international pour l'Irlande et à l'Accord du Vendredi Saint. En effet, ALLMEP fait référence au Fonds international pour l'Irlande (FII) comme « cadre conceptuel » derrière son idée d'un fonds pour la « paix israélo-palestinienne », et cite la loi sur le Partenariat pour la paix comme une étape vers un tel fonds.

Après le débat, Mme McKinnell a envoyé une lettre ouverte à James Cleverly, le ministre chargé du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord au Foreign, Commonwealth & Development Office (FCDO). Dans cette lettre, elle demande au ministre de la rencontrer pour discuter de l'engagement du Royaume-Uni dans ce fonds. Elle demande également au ministre de s'engager à « discuter avec l'administration Biden de la manière dont le Fonds de partenariat pour la paix au Moyen-Orient pourrait évoluer vers une institution véritablement internationale ». Enfin, elle a proposé que le Royaume-Uni soumette une demande aux États-Unis pour l'un des sièges de membre international au conseil d'administration de la loi sur le Partenariat pour la paix.

La législation a également été adoptée dans le texte du projet de loi de crédits de la Chambre des représentants sur l'État et les opérations étrangères pour 2021. Le projet de loi alloue 50 millions de dollars par an pendant plus de cinq ans à la création de deux fonds : le "People-to-People Partnership for Peace Fund" auprès de l'USAID, et le Joint Investment for Peace Initiative sous l'égide de la Société financière internationale pour le développement. Il précise ensuite que l'argent sera investi dans « les échanges entre les peuples et la coopération économique » entre Palestiniens et Israéliens « dans le but de soutenir une solution négociée et durable à deux États. »

Ce fonds P2P est régi et géré par l'administrateur de l'Agence américaine pour le développement international, en consultation avec le Secrétaire d'État américain et le Secrétaire au Trésor américain. Il est supervisé par un conseil composé de cinq citoyens américains nommés par l'administrateur de l'Agence américaine pour le développement international. La loi, rédigée pour la première fois en juin 2019, stipule que les membres du conseil d'administration doivent être des personnes ayant « une expérience et une expertise avérées dans les affaires liées à Israël et aux territoires palestiniens », et fait particulièrement référence à l'expertise commerciale. Deux sièges du conseil sont réservés aux représentants d'organisations internationales de gouvernements étrangers, d'où la demande susmentionnée de McKinnell d'une représentation britannique.

Le fonds sera principalement financé par les États-Unis, mais la loi stipule également qu'il « cherchera à obtenir des contributions supplémentaires pour le fonds auprès de la communauté internationale, notamment des pays du Moyen-Orient et d'Europe ». Les États arabes qui ont récemment normalisé leurs relations avec le régime israélien feront sans aucun doute partie de ceux à qui il demandera des contributions. On peut également soutenir que les architectes du fonds espèrent qu'il deviendra le principal mécanisme par lequel les fonds internationaux seront dirigés vers la Palestine, et par lequel les Palestiniens seront contraints de s'engager dans un « dialogue » P2P avec les Israéliens comme condition pour recevoir des fonds. Ceci, en retour, entraînerait la monopolisation et la micro-gestion par les Etats-Unis de la majorité des projets financés par les donateurs en Palestine.

Saper le droit international et dégager la responsabilité d'Israël

Bien que la rhétorique de la loi sur le Partenariat pour la paix soit celle de la paix et de la coopération, une lecture plus attentive du langage utilisé révèle des lacunes troublantes qui permettent de saper complètement les droits des Palestiniens. Ce faisant, elle encourage les violations israéliennes du droit international. En septembre 2020, l'analyste politique d'Al-Shabaka et avocate des droits de l'homme, Zaha Hassan, notait qu'une version antérieure de la loi empêchait la « discrimination géographique » des bénéficiaires de subventions provenant d' « Israël, de la Cisjordanie et de Gaza ». En d'autres termes, n'importe qui, y compris les colons israéliens en Cisjordanie , pouvait demander un financement.

En effet, Hassan a souligné qu'un rapport de la commission sénatoriale des crédits de 2019 discutant de cette première version du projet de loi, soutenait explicitement que le fonds devait être utilisé « pour encourager le commerce entre les entreprises israéliennes et palestiniennes en Cisjordanie . » Si la version finale ne contient plus ce langage, elle ne met pas en avant un vocabulaire qui empêcherait les colons de demander le financement. Pourtant, l'entreprise de colonisation du régime israélien en Cisjordanie , qui a été lancée par un gouvernement travailliste israélien peu après la prise de la Cisjordanie en 1967, est l'un des plus flagrants de ses crimes contre le peuple palestinien.

Aujourd'hui, plus de 830.000 colons israéliens vivent dans des centaines de colonies illégales en Cisjordanie , y compris à Jérusalem-Est. Cette entreprise coloniale a eu un impact incroyablement dévastateur sur la vie des Palestiniens en Cisjordanie . Les terres palestiniennes sont continuellement expropriées pour les colonies et les infrastructures de colonisation, forçant les Palestiniens à s'installer dans des enclaves de plus en plus petites reliées par un très petit nombre de routes en mauvais état.

En outre, les colonies réquisitionnent les meilleures ressources de la Cisjordanie , en particulier l'eau. Pendant des décennies, le régime israélien a systématiquement creusé des puits et bloqué l'accès des Palestiniens aux sources de Cisjordanie , tout en détournant l'eau pour alimenter sa population, y compris celle qui vit dans les colonies illégales. Il n'est donc pas surprenant que les colonies israéliennes illégales soient souvent considérées comme le principal obstacle à la paix, y compris dans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Bien que ces activités et l'expansion constante du régime israélien sur les terres palestiniennes soient constamment condamnées par la communauté internationale et les groupes de défense des droits de l'homme, il n'y a eu aucune conséquence et le régime israélien n'a toujours pas été tenu pour responsable. Cependant, la loi sur le Partenariat pour la paix va plus loin que le fait de ne pas tenir le régime israélien pour responsable ; elle permet une échappatoire délibérée en n'interdisant pas explicitement aux colons des colonies illégales de demander un financement, ce qui encourage les activités de colonisation et enrichit les colons.

Comme indiqué précédemment, le projet de loi de Crédits américains proposé en juillet 2020 par la Chambre des représentants des États-Unis pour l'exercice 2020-2021 comprenait des dispositions relatives à la loi sur le Partenariat pour la paix. Ces dispositions imposent en outre une série de stipulations pour recevoir le financement, y compris la restriction de l'accès aux Palestiniens si l'AP poursuit une enquête de la CPI sur les crimes de guerre israéliens. Plus précisément, le texte comprend la clause suivante :

« Aucun des fonds affectés sous le titre "Fonds de soutien économique" de cette loi ne peut être mis à disposition pour l'assistance à l'Autorité palestinienne, si après la date de promulgation de cette loi - (I) les Palestiniens obtiennent le même statut que les États membres ou la pleine adhésion en tant qu'État aux Nations Unies ou à toute agence spécialisée de celles-ci en dehors d'un accord négocié entre Israël et les Palestiniens ; ou si les Palestiniens lancent une enquête autorisée par la Cour pénale internationale (CPI) ou soutiennent activement une telle enquête, qui soumet les ressortissants israéliens à une enquête pour des crimes présumés contre les Palestiniens. »

Ceci est particulièrement notable si l'on considère qu'en février 2021, le Bureau du Procureur et la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) ont décidé que la Palestine relevait de la compétence de la CPI, permettant ainsi une enquête sur les crimes de guerre israéliens en Palestine. Moins d'un mois plus tard, en mars 2021, le procureur a annoncé l'ouverture d'une enquête officielle. Si cette décision peut être célébrée comme une première victoire, de nombreux obstacles restent à franchir, notamment la question de savoir si l'Autorité palestinienne peut être incitée à abandonner l'enquête sous la menace d'une retenue de fonds.

Bien que la CPI conserverait sa compétence même si l'AP renonçait à soutenir une enquête et à déposer des plaintes pour crimes de guerre, cela aurait un impact profond sur l'affaire. En effet, cela laisserait la responsabilité du dépôt des plaintes aux mains d'acteurs non étatiques tels que les ONG de défense des droits de l'homme. Les plaintes déposées par les États ont un poids politique bien plus important, notamment en ce qui concerne la CPI, qui s'appuie fortement sur la coopération des États pour mener ses enquêtes.

Il est très problématique qu’un organisme de financement impose de telles limites à la distribution de ses fonds. Il faut donc s'interroger sur la sincérité de tout effort de « paix et de réconciliation » qui limite le financement sur la base d'un peuple - ou d'un État, d'ailleurs - qui cherche à obtenir d'un organe juridique international qu'il rende des comptes aux auteurs de crimes de guerre. En outre, il convient de noter que l'administration Trump a présenté des clauses similaires lors du "Deal du siècle", qui interdisait aux dirigeants palestiniens de poursuivre une enquête de la CPI.

De telles clauses, qui politisent le financement en le liant à des conditions iniques, ne sont pas seulement préjudiciables à la garantie des droits fondamentaux des Palestiniens, elles sapent également l'ensemble de l'appareil juridique international en pérennisant l'impunité israélienne, en renonçant à la responsabilisation de ses graves violations du droit international. La loi sur le Partenariat pour la paix n'incite certainement pas à l'optimisme ; c'est un outil politique utilisé contre les Palestiniens qui pourraient chercher des moyens juridiques de tenir le régime israélien pour responsable de leurs souffrances continues sous l'occupation israélienne. Elle sonne le glas pour les initiatives des Palestiniens qui cherchent à obtenir justice par les voies juridiques officielles du système international.

Contester le faux vernis de paix et de réconciliation

Cet article montre comment le Fonds de partenariat pour la paix fonctionne dans des cadres épistémiques qui insistent sur le fait que le manque de coopération, de dialogue et d'opportunités économiques pour les Palestiniens est le principal obstacle à la paix entre Palestiniens et Israéliens. Il montre également que ce n'est tout simplement pas vrai. Le principal obstacle à la « réalisation de la paix » est la violation des droits des Palestiniens par le régime israélien depuis plus de sept décennies, ainsi que la colonisation continue des terres palestiniennes.

Néanmoins, le fonds n'est pas le seul à adopter ce discours. Il s'agit du dernier exemple d'une longue histoire d'initiatives P2P similaires qui tentent de saper les droits fondamentaux des Palestiniens sous un vernis de paix et de réconciliation.

À la lumière de la législation promulguée aux États-Unis et de la possibilité que des lois similaires soient promulguées ailleurs, en particulier au Royaume-Uni et en Europe, il est essentiel que ceux qui soutiennent le droit international et les droits des Palestiniens s'opposent fermement à de telles initiatives qui sapent le droit international et privilégient un faux vernis de dialogue à la responsabilité.

Comme le note Omar Barghouti :
« Avant tout, la lutte est celle de la liberté, de la justice et de l'autodétermination pour les opprimés (...). Ce n'est qu'en mettant fin à l'oppression qu'il peut y avoir un réel potentiel pour ce que j'appelle la coexistence éthique - une coexistence basée sur la justice et l'égalité totale pour tous, et non une coexistence de type maître-esclave que beaucoup de personnes dans "l'industrie de la paix" préconisent. »

Le cadre du P2P doit être rejeté comme étant inadapté et problématique dans le contexte de la Palestine, et, en fait, dans tout contexte de colonialisme de peuplement défini par une asymétrie de pouvoir majeure. Les responsables politiques devraient plutôt soutenir les projets et les initiatives qui s'appuient sur les principes fondamentaux du droit international et la protection des droits de l'homme palestiniens, plutôt que ceux qui les ignorent afin de promouvoir le « dialogue ».

Enfin, ils doivent soutenir les mécanismes existants qui font obstacle à l'expansionnisme colonial et à l'occupation militaire d'Israël. Il s'agit notamment d'interdire l'entrée sur les marchés internationaux des produits issus des colonies illégales, ou de désinvestir des institutions et des entreprises complices des violations des droits de l'homme commises par Israël. En fin de compte, Israël ne sera véritablement tenu pour responsable que par la mise en œuvre de sanctions internationales. En effet, la responsabilisation est le seul moyen de parvenir à une paix juste.


Source : Al-Shabaka

Traduction : MR pour ISM

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