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Grande-Bretagne - 26 avril 2015
Par Jeremy Laurance
Article du 24 avril 2015.
L'une des revues médicales les plus anciennes et les plus vénérables au monde fait l'objet d'une attaque d'un groupe international de plus de 500 médecins pour sa couverture du désastre humanitaire provoqué par le conflit israélo-palestinien.
The Lancet et son rédacteur en chef, Richard Horton, ont été ciblés pour ce que le groupe affirme être "la mauvaise utilisation grossièrement irresponsable [de la revue] à des fins politiques." C'est un article considéré comme critique de la conduite d'Israël à Gaza qui a déclenché la controverse.
"De retour à Gaza, toujours en ruines", reportage d'Anne Paq à retrouver sur son blog, Chroniques de Palestine
Les médecins protestataires, dont cinq lauréats Nobel ainsi que Lord Winston, le pionnier de la FIV, se qualifient eux-mêmes d' "universitaires concernés" et accusent la revue de publier "une propagande haineuse extrémiste et stéréotypée." Ils accusent également le propriétaire de la revue, la maison d'édition Reed Elsevier, de "profiter de la publication de matériel malhonnête et malveillant qui incite à la haine et à la violence."
Les docteurs ont menacé de boycotter la revue si Reed Elsevier "ne met pas en vigueur des normes éthiques de rédaction appropriées."
Des observateurs disent que c'est la menace la plus grave à The Lancet et à la liberté d'expression dans le milieu universitaire depuis que le premier rédacteur en chef du journal, Thomas Wakley, a fait face à une série de poursuites judiciaires après avoir attaqué l'incompétence, le népotisme et la cupidité de l'élite médicale peu de temps après sa création, il y a 192 ans.
Horton, qui est rédacteur en chef de The Lancet depuis le milieu des années 1990, en a fait un phare largement admiré dans les milieux mondiaux de la santé. Mais son approche intransigeante lui a valu de se faire des ennemis, surtout parmi ceux qui voient en lui un partisan de la cause palestinienne. Il a créé une Alliance Lancet-Palestine avec des universitaires en Cisjordanie pour améliorer la couverture des questions de santé dans la région.
L'élément déclencheur de l'agression qui le vise fut un article publié en juillet dernier, lors de l'attaque israélienne contre la Bande de Gaza, qui relatait des témoignages de l'impact médical sur les civils, mais qui, de façon polémique, n'incluait pas une reconnaissance du rôle du Hamas dans la guerre.
"Une lettre ouverte à la population de Gaza" a provoqué un débat féroce dans les colonnes de correspondance de The Lancet, certains se plaignant de "sectarisme anti-juif" et d'autres que la médecine "ne devait pas prendre parti".
On a appris plus tard que deux des signataires de la lettre ouverte avaient fait circuler des courriels contenant une vidéo suggérant des sympathies avec un suprémaciste américain blanc anti-sémite. Ils ont tous les deux présenté leurs excuses et le docteur Horton s'est excusé lui aussi pour "la vidéo offensante" pendant une visite en Israël. Mais il n'a pas retiré l'article.
En octobre, le médiateur de The Lancet a enquêté sur les plaintes et a critiqué la lettre ouverte, mais a dit que cela ne justifiait pas de la retirer. Toutefois, cela n'a pas satisfait les critiques du journal et le différend a continué.
Dans le développement le plus récent et le plus grave, les protestataires, menés par le professeur Sir Mark Pepys, du University College de Londres, a rassemblé 396 professeurs et spécialistes du monde entier pour signer une plainte qu'il a soumis au Conseil d'Administration de Reed Elsevier le mois dernier. Les plaignants exigent que le rédacteur en chef retire la lettre ouverte, présente ses excuses pour sa publication et garantisse que "s'engage à empêcher toute autre mauvaise pratique au Lancet."
Richard Horton, rédacteur en chef de The Lancet
Ils menacent de boycott universitaire Reed Elsevier, qui publie plus de 2.000 revues scientifiques, si leurs revendications ne sont pas satisfaites. "Aucun d'entre nous n'a l'obligation de soumettre et d'examiner des articles pour publication dans leurs journaux ni de servir leurs comités rédactionnels ou consultatifs," disent-ils.
150 autres médecins ont ajouté leurs signatures depuis que la plainte a été publiée sur un site web ouvert pour coordonner la protestation (concernedacademics.org).
En réponse, un groupe rival de 300 médecins, conduit par le professeur Graham Watt de l'Université de Glasgow, a réfuté les critiques sur son propre site en ligne, handsoffthelancet.com.
Les médecins font valoir que Richard Horton est "un dirigeant exceptionnel dans le domaine de la santé mondiale", que la politique est "intrinsèque à beaucoup de problèmes de santé et un sujet légitime de commentaires" et ils rejettent les références à "une propagande haineuse extrémiste", les qualifiant de "hyperbole inutile."
"La tentative autoritaire d'obliger The Lancet à retirer la lettre ouverte est la dernière d'une série de tentatives qui vise à étouffer la couverture médiatique du conflit Israël-Palestine et il faut y résister," disent-ils.
Mercredi, le comité consultatif international de The Lancet, qui comprend 19 professeurs, a écrit à Reed Elsevier pour exprimer son "soutien sans réserve" à Richard Horton.
Fiona Godlee, rédactrice en chef de BMJ (British Medical Journal), qui doit publier un commentaire sur le litige, a dit avoir subi des attaques similaires pour sa couverture du conflit israélo-palestinien.
"La santé est une question profondément politique. La liste est longue, quand il s'agit de Israël/Palestine, des médias attaqués. Je ne pense pas que The Lancet doive retirer la lettre ouverte."
"Grâce à Richard Horton, The Lancet est passé d'une revue universitaire plutôt somnolente à une revue centrale dans le débat mondial sur la santé. Beaucoup le considère comme héroïque mais à d'autres égards, il a dérangé des gens. Ca ressemble à un règlement de comptes."
Personne chez Reed Elsevier n'a été disponible pour faire un commentaire.
Source : The Independant
Traduction : MR pour ISM
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