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Liban - 19 février 2009
Par Fred Burton et Scott Stewart
Le 12 février marquera le premier anniversaire de l’assassinat d’Imad Mughniyyéh, un des plus hauts commandants de la branche militaire du Hezbollah. Cet anniversaire ne sera certainement pas fêté dans les réjouissances à Tel-Aviv et à Washington – en plus de tous les Israéliens qu’il a estourbis, Mughniyyéh avait aussi une quantité non négligeable de sang américain sur les mains. Mais cette date sera accueillie avec de la colère et un redoublement d’appels à la vengeance de la part des activistes du Hezbollah, dont beaucoup avaient été recrutés, formés ou inspirés par Mughniyyéh.
Beyrouth, février 2008 : les funérailles d'Imad Mughniyyéh
En raison de l’habitude bien ancrée du Hezbollah d’effectuer des attaques de représailles après l’assassinat de ses leaders, et de fréquents appels, particulièrement tonitruants, à venger l’assassinat de Mughniyyéh, nombreux sont les observateurs (dont Stratfor) à s’attendre à ce que le Hezbollah passe à l’acte. Même si cette opération n’a pas encore eu lieu, les menaces restent d’actualité. Ainsi, par exemple, lors d’une conférence de presse, le 29 janvier, le secrétaire général du Hezbollah Cheikh Hassan Nasrallah, n’a laissé planer aucun doute quant à l’intention du Hezb. « Les Israéliens vivent dans la crainte de notre revanche », a-t-il déclaré, poursuivant : « La décision de répliquer au crime israélien est toujours sur la table. Ce qu’il nous reste à décider, c’est le moment, et le lieu… »
Initialement, vu la force de la colère et de l’outrage soulevés par l’assassinat, nous avons anticipé que la frappe aurait lieu peu après le deuil de trente jours faisant suite à la disparition de Mughniyyéh. Manifestement, cette riposte n’a pas eu lieu. Désormais, une année s’est écoulée depuis l’assassinat, mais la colère et l’outrage ne sont nullement apaisés. De fait, comme l’a reflété la déclaration récente faite par Nasrallah, le leadership du Hezbollah demeure soumis à une pression interne considérable pour le pousser à laver l’assassinat de Mughniyyéh dans le sang. Mais étant donné que toute représailles seraient vraisemblablement assombries par des craintes de provoquer une attaque de très grande ampleur contre l’infrastructure du Hezbollah (similaire à l’agression de juillet 2006), toute frappe du Hezbollah serait menée de manière à laisser place à un minimum de possibilité de dénégation.
Il importe de se souvenir du fait que le Hezbollah conserve une capacité considérable à mener des attaques terroristes hors du Liban, dès lors qu’il choisirait de le faire. De fait, nous pensons qu’en raison de son haut degré d’entraînement, de sa vaste expérience et de ses liens très étroits avec le gouvernement iranien, le Hezbollah conserve une capacité terroriste bien plus importante et dangereuse que celle d’al-Qaeda.
Les appels récurrents à la vengeance et les capacités du Hezbollah combinés n’ont pas manqué de faire que le gouvernement israélien maintient un état d’alerte maximum. Bien qu’une année se soit écoulée, les Israéliens attendent, eux aussi, la chute du deuxième soulier. Le 1er février, Elkana Harnof, du Bureau du contre-terrorisme du cabinet du Premier ministre israélien a déclaré au Jerusalem Post que « selon nos informations, nous pensons que l’organisation [le Hezbollah, ndt] est en train de planifier une attaque de représailles de grande envergure, à une date proche de l’anniversaire de la mort de Mughniyyéh. » Harnof a poursuivi : « La seule chose que nous pouvons déclarer publiquement, c’est que le Hezbollah a déployés des efforts considérables en vue de préparer diverses sortes d’attaques terroristes, et que la « big one » se produira sans doute très bientôt. » Comme nous, à Stratfor, les Israéliens pensent aussi que cette attaque sera dirigée contre des cibles israéliennes et/ou juives, en-dehors du « territoire israélien ».
Le Hezbollah ne reste pas les bras ballants
Un certain nombre d’indices laissent entendre que le Hezbollah ne s’est pas contenté de regarder les feuilles à l’envers, durant l’année écoulée depuis la disparition de Mughniyyéh. Tout d’abord, il y a eu une intense activité pré-opérationnelle d’activistes du Hezbollah dans plusieurs pays, y compris aux Etats-Unis… Cette activité a comporté notamment de la veille technologique et le recueil d’autres types de renseignements visant à l’ajustement de cibles potentielles. A un certain moment, à l’automne dernier, l’activité [du Hezb] était tellement intense, aux Etats-Unis, que des officiels de la police judiciaire pensaient qu’une attaque de sa part était imminente – mais cette attaque ne s’est jamais produite (angoisse…). De surcroît, des informations crédibles selon lesquelles le Hezbollah comploterait afin de frapper des cibles israéliennes en Azerbaïdjan et en Hollande ont été captées (toutefois, d’après des informations que nous avons reçues, il ne semble pas que l’un quelconque de ces complots fussent à un stade avancé du processus attentatoire).
Nous n’avons aucune raison de mettre en doute les rapports faisant état d’une activité pré-opérationnelle du Hezbollah. Il s’agit tout simplement de ce que fait le Hezbollah, et de ce qu’est le Hezbollah. Même si ce groupe n’a pas procédé à une seule attaque couronnée de succès à l’étranger depuis 1994, il n’en entretient pas moins un solide réseau d’agents qui n’ont jamais cessé d’être très activement engagés dans des activités opérationnelles. Même si beaucoup de ces agents sont essentiellement impliqués dans des activités financières et logistiques, nous pensons qu’il convient de noter que le Hezbollah n’a jamais effectué, ni même tenté, une seule attaque dans un pays où il n’aurait pas disposé d’une telle infrastructure de soutien déjà en place. Ils recourent à ces réseaux afin d’assister leurs activités militantes de diverses manières, mais la manière la plus significative de toutes sans doute est, sans nulle doute, la mise en œuvre d’une surveillance pré-opérationnelle.
Le Hezbollah, émanation de la Révolution islamique iranienne, a aussi toute une longue histoire d’aide reçue de la part d’ambassades iraniennes dans ses opérations outre-mer, dont ses frappes terroristes. Quasi inévitablement, on trouve que les plans d’attaque du Hezbollah à l’étranger présentent peu ou prou des liens obscurs avec l’ambassade iranienne du pays dans lequel l’attaque devait se produire, ainsi qu’avec le ministère iranien du Renseignement et de la Sécurité, ou encore avec des officiers de la Garde Révolutionnaire Islamique s’y trouvant affectés.
Le Hezbollah recourt à la méthode « plan à jour disponible sur l’étagère » pour planifier ses attentats terroristes. Cette méthode est très semblable à la manière dont opèrent les états-majors des armées les plus puissantes : à l’avance, ils mettent au point des plans conjoncturels contre des adversaires potentiels, après quoi ils veillent à réactualiser ces plans en permanence. Ce style de planification sophistiquée et très anticipée fournit aux décisionnaires suprêmes du Hezbollah un large éventail d’options tactiques, et cela leur permet d’évaluer un certain nombre de plans d’attaque dans diverses parties du monde. Cela leur permet, de surcroît, de choisir, puis de réactualiser très rapidement un plan d’attaque en particulier, quand ils prennent la décision de passer à l’action. Quand ils prennent la décision d’appuyer sur la gâchette, ils peuvent frapper fort, et vite…
Ce type de planification requiert beaucoup de recueil d’information, non seulement pour planifier les projets (d’attaque) initiaux, mais aussi pour les actualiser au-jour-le-jour. Cela requiert un travail énorme de recueil d’information, et c’est sans doute cela qui explique la plus grosse part de l’activité opérationnelle qui a pu être observée durant l’année écoulée, aux Etats-Unis et ailleurs. Ces opérations de surveillance constante ne servent pas seulement à des fins de planification : elles sont aussi excellentes pour semer la confusion, pour créer des diversions et susciter une certaine habituation, sinon une certaine complaisance. Si les agents du Hezbollah ont été observés, périodiquement, en train d’effectuer une surveillance dans les alentours d’un point sensible et qu’aucune attaque n’a fait suite à ladite activité, avec le temps, les personnels de sécurité auront très facilement une propension à fermer les yeux sur une telle activité, en la considérant inoffensive – même si, cette fois-ci, la fois de trop (ou la « bonne » fois, selon le point de vue où l’on se place, ndt), elle risque de ne pas être innocente du tout…
Ce ne sont pas des cris d’orfraie…
D’aucuns arguent du fait que l’absence d’attaque, de la part du Hezbollah, depuis l’assassinat de Mughniyyéh, combinée au fait que le groupe n’a pas utilisé sa capacité terroriste pour mener une attaque, depuis de nombreuses années, signifie(rait) que le Hezbollah a(urait) abandonné ses manières terroristes et s’est (se serait) focalisé, en lieu et place, sur le développement de sa capacité militaire conventionnelle.
Nous n’adhérons pas à cette hypothèse. Tout d’abord, elle ignore l’existence et la finalité de l’Unité 1800 du Hezbollah, qui, entre autres choses, recrute des Palestiniens en vue d’opérations terroristes anti-israéliennes en territoire « israélien » et dans les territoires occupés. Ensuite, si le Hezbollah avait abandonné l’arme du terrorisme, il n’y aurait aucune justification de l’activité de planification pré-opérationnelle que nous avons notée plus haut, et, à notre avis, des rapports concernant cette activité de surveillance sont trop fréquents et trop largement répandus pour être écartés du revers de la main au motif qu’il s’agirait de leurres.
Bien entendu, ce genre d’activité provoque des frayeurs, et il a une efficacité indéniable en tant qu’arme psychologique, mais nous ne pensons pas que ces bénéfices limités justifient le temps et les efforts investis dans le programme de recueil d’informations du Hezbollah. Il y a aussi ce problème lancinant : comment expliquer les complots d’attentats déjoués en Azerbaïdjan et en Hollande ? C’est la raison pour laquelle nous ne pensons pas que les gouvernements américains et israéliens (parmi d’autres) seraient en train de crier au loup, quand ils lancent des mises en garde contre de possibles attentats de la part du Hezbollah.
Nous restons persuadés que, si un attentat du Hezbollah doit se produire, il se produira vraisemblablement dans un pays où existe, d’ores et déjà, un appareil de soutien au Hezbollah, et une ambassade iranienne. (Toutefois, dans une zone géographique réduite, des opérations pourraient être aidés par un pays-tiers dépourvu de l’un de ces deux éléments essentiels). Nous pensons également qu’une telle attaque est plus vraisemblable dans un pays où existe d’ores et déjà la possibilité d’accéder à des armes ou à des explosifs, et où le contrôle gouvernemental et les capacités de surveillance du territoire seraient déficients. Nous avons écrit une analyse examinant avec un certain niveau de détail à ce sujet, durant la guerre de juillet 2006 entre Israël et le Hezbollah. Dans cet article, nous fournissions une matrice des lieux où nous pensions que se trouvaient les lieux les plus plausibles d’attentats du Hezbollah contre des cibles israéliennes, et un des critères fondamentaux que nous avions pris en compte était la présence simultanée (dans les pays concernés) d’une ambassade iranienne et d’un réseau de soutien au Hezbollah. Quand nous débattons de ces deux éléments, il est important de noter qu’au cours d’attaques, par le passé, les attaquants avaient été amenés d’au-delà les frontières afin de garantir une dénégation possible – mais ces attaquants avaient bel et bien reçu un soutien et un encadrement importants de la part du réseau de soutien et de l’ambassade iranienne en question.
Depuis que nous avons rédigé cette analyse, en juillet 2006, on a assisté à une augmentation significative de l’influence iranienne dans certains pays d’Amérique Latine, dont le Venezuela, le Nicaragua et la Bolivie, et le Hezbollah n’a pas tardé à y suivre l’Iran. S’ajoutant à certaines allégations du Trésor américain, selon lesquelles des citoyens et des organisations vénézuéliennes soutiendraient le Hezbollah financièrement, des rumeurs persistantes ont circulé, selon lesquelles des activistes du Hezbollah et des officiers des Gardiens de la Révolution Islamique iranienne dirigeraient des camps d’entraînement dissimulés dans la jungle vénézuélienne.
Ces informations sont particulièrement dignes d’intérêt lorsqu’on les combine à une poussée récente d’antisémitisme au Venezuela et une hostilité déclarée envers les juifs de milices pro-Chavez. Une de ces milices pro-Chavez est soupçonnée d’avoir été impliquée dans la mise à sac de la principale synagogue de Caracas, dans la nuit du 30 au 31 janvier. Nous faisons partie de ceux (nombreux) qui ne sont pas convaincus par l’explication officielle du gouvernement vénézuélien, selon laquelle ce vandalisme aurait été motivé par le vol. Pour nous, le fait que les intrus soient restés dans les lieux plusieurs heures durant, qu’ils aient pris la peine de gribouiller des slogans anti-israéliens à l’intérieur du bâtiment et qu’ils aient volé des fichiers renfermant des informations personnelles sur des membres du consistoire israélite semble vraiment inhabituel, pour des cambrioleurs ordinaires. Nos soupçons sont renforcés par les déclarations outrancièrement antisémites faites sur les sites ouèbe de certains dirigeants de la milice pro-Chavez. Tous ces éléments suscitent de sérieuses craintes que le gouvernement vénézuélien soit susceptible de fermer les yeux sur les efforts du Hezbollah visant à perpétrer un attentat contre des intérêts israéliens ou juifs au Venezuela.
Beaucoup d’observateurs pensent que l’attitude antisémite du gouvernement argentin, au début des années 1990, a contribué à enhardir Mughniyyéh et ses émules à attaquer des cibles israéliennes et juives dans ce pays. Or, l’environnement antisémite, de nos jours, au Venezuela, est encore plus patent et hostile qu’il ne l’était en Argentine.
Conformément à l’histoire qui est celle du Hezbollah, si une attaque est lancée, nous anticipons qu’elle devra être nécessairement très spectaculaire, étant donné le fait que Mughniyyéh était quelqu’un d’extrêmement important pour le Hezbollah et pour ses soutiens iraniens – même si cette attaque ne devrait pas être spectaculaire au point de provoquer une attaque généralisée d’Israël contre le Liban. Le Hezbollah peut concocter quelques attaques aériennes, mais il ne veut pas provoquer un conflit à grande échelle – d’autant plus que la direction politique du Hezbollah est tout entière focalisée sur la manière de rafler un maximum de voix aux prochaines élections au Liban.
Etant donné la propension du Hezbollah à recourir aux services d’agents dissimulés, nous soupçonnons que l’attaque sera menée par une cellule furtive ou ambiguë, ou bien par plusieurs cellules de ce type qui n’auront vraisemblablement aucune connexion directe avec l’organisation. Ainsi, par exemple, en juillet 1994, le Hezbollah avait recouru à des agents palestiniens pour mener des attaques contre l’Ambassade israélienne et contre le bureau d’une ONG juive, à Londres. Et puis, nous l’avons déjà vu lors de précédents attentats, si une cible blindée telle qu’une ambassade israélienne ou une haute personnalité n’est absolument pas vulnérable, une cible secondaire, plus molle, peut être choisie. L’attentat à la bombe, en juillet 1994, contre l’Association mutuelle israélite d’Argentine, à Buenos Aires, est un exemple magistral de ce type d’attaque. Cet exemple devrait tenir lieu d’avertissement, pour les centres des communautés juives et les autres cibles israéliennes non-gouvernementales, partout dans le monde, qu’y compris des cibles juives non-israéliennes sont considérés comme du gibier autorisé.
- L'annonce de l'assassinat d'Imad Mughniyeh par le Hezbollah, le 12 février 2008 .
- Discours du Sayyid Nasrallah : « des dizaines de milliers de ‘Imad Mughnieh attendent…. » lors des funérailles du martyr.
Source : Stratfor
Traduction : Marcel Charbonnier
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