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ISM France - Archives 2001-2021

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Jérusalem -

Le New York Times et l’OPA sur Jérusalem-Est

Par

Patrick O’Connor milite à ISM et à Palestine Media Watch.

En dépit d’une objectivité de façade, ce que rapporte le grand quotidien des Etats-Unis sur Israël/Palestine est dominé par le discours israélien.
Le 16 avril 2006, l’article en manchette de Steven Erlanger, "Chef du bureau de Jérusalem" du NYT intitulé "Jérusalem, maintenant", dans la section Voyages, montre comment de soit-disant journalistes professionnels peuvent faire preuve de parti-pris insidieux et désinformer les lecteurs.

Erlanger, qui a visité Jérusalem et ses alentours guidé par des Israéliens, omet la violence israélienne, stéréotype les Palestiniens, blanchit les colonies israéliennes et dissimule les efforts israéliens pour racheter Jérusalem-Est. "Jérusalem, maintenant" est l’un des articles les plus politiquement unilatéraux parus dans les grands journaux US au cours de l’année.


Dans son reportage, Erlanger note avec insistance son effort pour rester au-dessus de la mêlée : "J’essaie de voir au travers de prismes différents", "J’essaie de voir Jérusalem comme un endroit où les armées et les âmes s’affrontent", "J’essaie de voir la barrière à la fois des points de vue palestinien et israélien", etc.

Toutefois, Erlanger fournit en même temps les indices d’une victoire annoncée des projets israéliens. Il note trois fois que ce sont des Israéliens qui lui ont fait visiter Jérusalem et il les nomme : "Avi Ben Hur, guide américain naturalisé israélien", "Avner Goren, archéologue et guide", "Eilat Mazar, archéologue".


Dans son article, les Israéliens sont des êtres humains qui occupent des professions.
Par contraste, il ne nomme pas un seul Palestinien.

Pour lui, les Palestiniens sont une masse indifférenciée qui travaille dans des boutiques "délabrées" dans des rues jonchées d’ordures où ils jouent au football. Ils sont enragés, "haïssent" les "militants" qui font des "attentats-suicides", "font des émeutes" et ouvrent le feu sur un jardin d’enfants israélien, et se traînent "dans la boue et la poussière" aux check-points israéliens érigés pour "empêcher une attaque terroriste".


Il est fréquent que les journalistes américains se fient aux Israéliens pour leur expliquer les réalités palestiniennes. Dans un article du 19 mars, Erlanger reprend les positions de l’analyste israélien Yossi Alpher sur la victoire du Hamas aux élections et écrit qu’elle est comparable à la révolution iranienne.

De la même manière, dans son article partial du Times du 12 avril, Thomas Friedman rapporte in extenso deux analyses israéliennes sur la victoire du Hamas, sans citer la moindre opinion palestinienne.

Au cours des 5 dernières années, pour chaque éditorial écrit par un auteur palestinien, le Times en a publié 3,4 écrits par des Israéliens.
Pendant la même période, les 5 principaux journaux US ont publié 2,5 éditoriaux rédigés par des Israéliens, pour chaque éditorial écrit par un Palestinien.


La confiance d’Erlanger dans la réussite des projets israéliens influence sa description de Jérusalem.

Dans le deuxième paragraphe, il note : "un précipice moral étroit, situé entre un check-point militaire et un attentat à la bombe". Son équation morale malhonnête exclut la violence israélienne et le vol de la terre palestinienne.

Il continue par un proverbe trompeur caractérisant les deux parties : "Nous nous battrons si durement pour la paix que pas un seul arbre ne restera debout". Mais c’est Israël qui a arraché plus d’un million d’arbres palestiniens.

Il ajoute ensuite un autre parallèle grossièrement déformé : "J’essaie de voir Jérusalem comme un lieu où les armées et les âmes s’affrontent".
Mais la seule armée est l’armée israélienne très bien équipée, la quatrième au monde. Les Palestiniens ne disposent que de forces de sécurité dont le matériel fonctionne à peine, et quelques milices peu armées.

Puis il déclare : "Aujourd’hui, après une longue trêve avec les militants palestiniens, Jérusalem est plus calme… le niveau de violence est tombé".
Apparemment, "calme" se réfère seulement aux attaques palestiniennes contre les juifs israéliens, car la violence israélienne quotidienne contre les 200.000 palestiniens résidant à Jérusalem continue sans faiblir.


A trois reprises il mentionne, dans les cinq premiers paragraphes, les "attaques-suicides" palestiniennes, et ainsi que les tirs palestiniens contre un jardin d’enfants israélien, et les émeutes palestiniennes.

Il minimise la violence israélienne, notant seulement "les troupes israéliennes ont à nouveau envahi la Cisjordanie ", "le siège de Bethléhem", l’expropriation des Palestiniens de leur terre, et "quelques juifs complotent pour la détruire, ainsi que la Mosquée Al-Aqsa".

L’absence de référence aux agressions israéliennes est d’autant plus remarquable que l’organisation pour les Droits de l’Homme B’Tselem rapporte qu’au cours des cinq dernières années, les soldats et les colons israéliens ont tué 3.466 Palestiniens, pour la plupart des civils, et les Palestiniens ont tué 998 Israéliens.

Les Israéliens ont tué 5 fois plus d’enfants palestiniens que d’enfants israéliens tués par les groupes armés palestiniens.


Les soldats, les colons et la police israélienne sont quasiment invisibles dans l’article. Les "troupes israéliennes" sont mentionnées une fois, et la "police israélienne" n’apparaît qu’une fois, pour séparer "une bagarre entre ecclésiastiques chrétiens".

De façon incongrue, Erlanger utilise un vocabulaire plus violent pour les ecclésiastiques chrétiens de Jérusalem que pour les ecclésiastiques israéliens. Il y a "de furieuses batailles inter-chrétiens", "la bataille des Arméniens et des Grecs", il y a "la guerre du paillasson", "la bataille sur les chaises" et "la lutte pour le toit".


Les lecteurs seraient pourtant surpris de constater l’omniprésence et la violence des militaires israéliens à Jérusalem.
Les soldats ont tué Muhammad Ziad, 16 ans, à Jérusalem en mars 2006.
La police israélienne a abattu d’une balle dans le dos Samir Dari, 31 ans, en octobre 2005.
Fréquemment la police attaque des manifestations palestiniennes pacifiques.

Près de la Porte de Damas, dans la Vieille Ville, l’un des principaux lieux touristiques, la police israélienne arrête et frappe souvent les Palestiniens, comme elle le fait aux check-points.
Les téléspectateurs d’une chaîne israélienne ont récemment vu la police agresser un candidat du Hamas près de la Porte de Damas.

Dans l’un des très nombreux cas recensés par B’Tselem, la police a violemment battu Iyad Shamasneh, chauffeur de taxi, en novembre 2005, à Jérusalem, et l’a ensuite libéré, n’ayant aucune charge contre lui.


Erlanger reconnaît que "même l’archéologie est utilisée comme arme dans la lutte pour la terre".
Cependant, lorsqu’il mentionne les recherches archéologiques à Silwan, il omet de parler de l’ordre récent du gouvernement israélien de démolir 88 maisons palestiniennes à Silwan pour construire un parc historique juif, projet écarté pour l’instant grâce aux protestations diplomatiques.

Le Comité israélien contre la démolition des maisons a recensé la destruction de 94 bâtiments palestiniens, à Jérusalem-Est, en 2005. Ces démolitions se font en présence de nombreux soldats et de la police israélienne.

Erlanger ne prépare pas non plus les visiteurs à être témoins de la violence des colons israéliens extrémistes de Jérusalem-Est, qui chassent les Palestiniens de leurs maisons.
Il omet la main-mise des colons sur le Quartier musulman de la Vieille Ville, avec maintenant plus de 40 colonies juives.

En fait, Erlanger gomme les colonies israéliennes massives et illégales et les 200.000 colons de Jérusalem-Est. Les mots "colons" et "colonies" n’apparaissent jamais. A la place, il qualifie les colonies de Gilo et Har Homa de "banlieues juives", ou "banlieues israéliennes".


L’annexion de Jérusalem-Est en 1967 n’a été reconnue par aucun gouvernement. Avec Jérusalem-Est sous occupation militaire israélienne, les Nations-Unies, la Cour Internationale de Justice, toutes les principales organisations pour les Droits de l’Homme et tous les gouvernements ont clairement dit que la colonisation israélienne de Jérusalem-Est violait les lois internationales. Mais Erlanger transforme les colonies illégales en "banlieues" douillettes.


Même si la section Voyages du Times prétend éviter les questions politiques, le parti-pris politique du journal est contraire aux lois internationales lorsqu’il appelle les colonies des "banlieues". Le Times a délibérément choisi le Chef du bureau de Jérusalem pour écrire sur la ville, plutôt qu’un voyageur.

Dissimuler ce qui, à l’évidence, se profile à Jérusalem en ce moment décisif équivaut à une position forte de soutien à la domination israélienne sur la ville. Ironiquement, "The Economist" cette semaine souligne les projets dans un article "La dernière conquête de Jérusalem", notant que "les plans d’Israël pour Jérusalem vont créer une grande cité juive mais auront des conséquences catastrophiques sur les Palestiniens, des deux côtés de la barrière".

La gigantesque construction israélienne du mur, de colonies, de check-points et de routes transforment Jérusalem-Est et il est impossible, pour n’importe quel observateur, de ne pas le voir. Pourtant, Erlanger n’évoque ni leur échelle ni leur implication.

Au sujet du Mur israélien, il note seulement qu’il défigure le paysage, et que les Palestiniens estiment qu’il annexe leur terre et les coupe du voisinage.
Il dit que Jérusalem est bâti sur "la lutte et la rivalité", mais refuse de constater ce qui est évident, à savoir qu’une des parties a gagné la bataille.

En un contraste absolu, The Economist explique que "Jérusalem, centre de pèlerinage, noyau de l’histoire et plus ancien creuset international au monde, change une fois de plus de mains, mais avec une finalité lente et tranquille".

L’éditorial du journal note que "la politique israélienne impose son contrôle à toute la ville de Jérusalem et créée des faits irréversibles. Cela entraîne la réorganisation de la géographie physique et démographique de la cité, l’installation de juifs dans la partie arabe selon les frontières d’avant 1967 et la création d’une vaste banlieue juive au nord, à l’est et au sud… Enfermer ou séparer les Palestiniens de Jérusalem provoquera inévitablement de nouvelles irruptions de violence".


Comme s’il était "trop petit" et arrivé "trop tard", la rubrique Voyages du Times insère un article-témoignage : "En Cisjordanie , la politique et le tourisme sont inextricablement liés", par David Kaufman et Marisa Katz, qui relate quelques analyses palestiniennes sur le tourisme en Cisjordanie .

Mais "Jérusalem, maintenant", près de trois fois plus long que l’article de Kaufman et Katz, occupe la première page de la rubrique Voyages et est en ligne.

"Jérusalem, maintenant" reflète soit un parti-pris inconscient déplorable, une ignorance stupéfiante, un programme politique manifeste, soit la combinaison des trois.

En cachant à ses lecteurs ce qui se passe à Jérusalem, le New York Times abdique de sa responsabilité journalistique et se rend complice des violations des lois internationales par Israël.


Source : http://www.palestinechronicle.com/

Traduction : MR pour ISM

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