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France - 11 septembre 2014
Par Jacques Marie Bourget
Sur l'auteur : grand reporter et écrivain: Il commence sa carrière chez Gallimard à la NRF puis enchaine l’ORTF, L’Aurore, Le Canard Enchainé, L’Express, VSD, le Sunday Times, Paris-Match et Bakchich. En 1986 a obtenu le Prix Scoop pour avoir révélé l’affaire Greenpeace.
Le 24 octobre prochain, Georges Ibrahim Abdallah, citoyen et militant révolutionnaire libanais, va compter trente années de prison passées dans les geôles françaises. Dans un pays vraiment démocratique, qui aurait donc un souci réel de la liberté et du droit, cet homme -selon la loi, libérable depuis 1999- serait rendu aux siens. Le 23 septembre, son avocat va, à nouveau, déposer une demande de mise en liberté qui risque d’être une illusion de plus.
Nous sommes en France, un Etat gouverné par un président qui fait la fête avec le Premier ministre israélien Netanyahou, et par Manuel Valls qui, chaque matin en se rasant, cherche la bonne idée du jour qui puisse faire plaisir à Israël. Manque de chance : Abdallah a été condamné pour l’assassinat, en 1982 en France, de deux diplomates, un américain et un israélien. Voilà pourquoi Abdallah, à la demande de Washington et Tel-Aviv, même sa peine purgée, doit mourir dans sa centrale de Lannemezan.
L’affaire Abdallah est un double scandale, une vilaine moisissure sur les pages de l’histoire de France. Tout d’abord, le révolutionnaire libanais a été mal jugé, mal condamné. Mais pour ceux qui ne veulent pas tenir compte de la réalité de ce massacre judiciaire, il existe une ignominie dans l’ignominie : le maintien en prison d’un homme qui a accompli « son » temps derrière les murs. Difficile après cela de dénoncer ces dictatures où les portes des prisons ne s’ouvrent que dans un sens. En sémantique, on peut dire qu’aujourd’hui Abdallah est un otage du gouvernement français.
Menaces de mort
Dans le premiers mois de son emprisonnent, le révolutionnaire, marxiste et compagnon de route des Palestiniens et des nationalistes arabes, a été soumis à un traitement digne du Moyen Age et de la Question. Un exemple. Un week-end, une petite équipe de la DST débarque (illégalement) à la Santé et s’installe près de la cellule d’Abdallah. Cette bande barbouzarde, conduite par un policier en retraite qui ne cesse d’encombrer aujourd’hui les plateaux de télévision, soumet le prisonnier à la torture avec un revolver sur la tête, et menace d’être jeté mort dans la Seine… Pour ces flics hors la loi, il s’agit de faire avouer au détenu libanais des projets d’attentats à Paris et les noms de leurs auteurs. Ces hommes obtus et incompétents ignorent que leur cible ne peut rien avouer. Puisque les attentats en question sont commis à la demande de l’Iran alors que lui, militant de la Fraction Armée Libanaise (FARL) n’a rien de commun avec les desseins de Khomeiny… Peu importe, on torture. Mais ce n’est pas que cela. Pour la gestion d’une bonne justice, le SDECE, les services spéciaux français (ex-DGSE), parviennent à faire nommer un de leurs agents comme avocat du révolutionnaire. Dans tout Etat qui se respecte, les responsables des ces forfaitures auraient été eux mêmes conduits devant un juge…
Arrive le temps du procès. A partir de quelle preuve Abdallah est-il condamné ? A partir du contenu d’une valise retrouvée dans une planque du guérilléro clandestin. Elle contient l’arme utilisée pour assassiner les diplomates et une bouteille de Corrector portant les empreintes d’Abdallah. La cause est entendue : voila bien le coupable.
Un oubli fâcheux
Hélas, l’agent qui a « chargé » cette valise y a oublié un journal…. Un quotidien qui date d’après l’arrestation de Georges-Ibrahim Abdallah. La preuve que les indices de l’accusation ont été manipulés et qu’on ne peut condamner un homme sur un tel édifice de « vérité » scellé avec du vent. Peu importe, le libanais sera condamné à perpétuité.
Nous avons reçu le témoignage anonyme d’un membre du cabinet de Christiane Taubira, ministre de la Justice : « Pour nous, sans aucun doute, il faut libérer ce prisonnier. Mais, après le blocage imposé par Sarkozy, le relai du « niet » a été pris par Valls dès qu’il a été nommé à l’Intérieur. A cette différence que, dans le passé, ce sont les ambassadeurs des États-Unis et d’Israël qui se rendaient place Beauvau pour y faire part de leur opposition à la libération du Libanais. Alors que, dès sa nomination, c’est Valls, le ministre, qui se rendait lui-même dans les deux chancelleries pour y recevoir les ordres ».
Source : Mondafrique
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