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Palestine occupée - 21 mai 2020
Par Ghada Karmi
18.05.2020 - Le 15 mai, 72 ans se sont écoulés depuis la création d'Israël et de la Nakba palestinienne qui en a résulté. Les conséquences de cet événement majeur pour les Palestiniens nous accompagnent encore aujourd'hui : six à huit millions de réfugiés dispersés dans des camps ou en exil à l'intérieur et à l'extérieur de la patrie d'origine ; un pays autrefois entier maintenant fragmenté en une série de territoires gouvernés par Israël mais de statut inégal ; et ce qui semble être un avenir sombre.
Rien de tout cela n'était inévitable. N'eut été du statut protégé accordé à Israël par les États occidentaux, qui l'a protégé de toute sanction, quoi qu'il ait fait, le cours de l'histoire moderne de la Palestine aurait été totalement différent.
Un Etat exceptionnel
Cet exceptionnalisme existe depuis l'époque de la déclaration Balfour en 1917 qui a conduit à la création de l'État israélien en 1948. Le projet sioniste à l'origine de la création d'Israël et de ses politiques ultérieures a été constamment encouragé et soutenu par les puissances occidentales.
Si Israël avait été un État normal, responsable de sa conduite et soumis à la punition et à la sanction, il n'aurait pas été autorisé à expulser les natifs de Palestine, à refuser leur retour, à acquérir leur territoire par la force, à les soumettre et à les assiéger, ou à commettre la myriade d'autres crimes contre eux.
Il n'y aurait pas eu de Nakba à commémorer le 15 mai et pas de réfugiés, et Gaza serait libre.
Cependant, grâce à l'indulgence de l'Occident, Israël est aujourd'hui une superpuissance régionale, invincible sur la scène mondiale, et dont la puissance et l'influence dépassent largement sa taille et ses capacités. Il ne fait guère de doute qu'Israël n'a atteint cette position dominante que grâce à l'impunité garantie dont il bénéficie.
Comme l'expérience des 72 années d'existence d'Israël l'a montré, aucune violation du droit international, aucun crime flagrant contre des Palestiniens sans défense, ni même aucune déloyauté envers son patron américain n'a réussi à éroder cette impunité.
La réponse appropriée
Il y a eu des moments dans l'histoire du « conflit »(*) où l'indignation internationale face au comportement d'Israël aurait pu déclencher une réponse appropriée.
La situation dramatique de Gaza en est un bon exemple : un siège draconien, sans but, vieux de 13 ans, qui viole tous les aspects des droits de l'homme ; les assauts militaires répétés d'Israël contre la population sans défense de Gaza, les pires en 2014 ; et les tirs de snipers israéliens contre des manifestants non armés de Gaza, qui ont suscité des questions sur les crimes de guerre israéliens.
Une communauté internationale déterminée à mettre Israël au pas aurait pu contrer ces abus de nombreuses manières. Les marchés mondiaux auraient pu être fermés aux produits des colonies israéliennes, les relations avec Israël suspendues, les accords passés avec ce pays revus ou non renouvelés et, en dernier recours, des sanctions économiques ou diplomatiques imposées.
Pourtant, à part la critique verbale et les exhortations à modifier son comportement, Israël n'a souffert d’aucun effet néfaste. En revanche, l'"annexion" de la Crimée par la Russie en 2014, qui n'a pas été considérée comme une annexion par tous, a été rejetée et condamnée sans équivoque. Les États-Unis et l'Union européenne ont puni la Russie pour son "invasion et son annexion illégales" en lui imposant des sanctions restrictives et de grande envergure, toujours en vigueur.
La fin d'une impunité particulière ?
Ces sanctions pourraient-elles devenir un précédent pour une action similaire contre le projet d'annexion de la Cisjordanie par Israël ? Et cela pourrait-il marquer le début de la fin de l'impunité spéciale d'Israël ?
Le plan récemment annoncé par le gouvernement d’union d'Israël vise à lancer le processus d'annexion de la vallée du Jourdain et des 128 colonies juives le 1er juillet.
Cela représente 30 à 40 % de la Cisjordanie , qui, après l'annexion, seront soumis à la souveraineté israélienne. Cela a suscité une opposition internationale, mais en réalité, cela ne fera guère de différence.
Le statut réel de ces zones, qui sont sous administration civile israélienne et considérées comme faisant partie de facto d'Israël depuis 1967, ne changera guère.
Malgré cela, le président palestinien a menacé de rompre tous les accords avec Israël et les Etats-Unis si l'annexion se poursuivait. Une annonce dans les journaux israéliens du mois dernier, signée par 220 généraux de l'armée israélienne à la retraite et des responsables de la sécurité, a appelé au blocage du plan.
L'Union européenne, la Ligue arabe, ainsi que l'Égypte et la Jordanie, les deux États arabes qui ont conclu des traités de paix avec Israël, l'ont tous condamné.
Onze membres du Congrès américain ont demandé à Israël de mettre fin à l'annexion. Dans un geste sans précédent, la Chambre des représentants des Etats-Unis a adopté une résolution s'opposant à l'annexion de la Cisjordanie par Israël.
Un pas de trop
La communauté internationale a toléré les 53 ans d'occupation des territoires de 1967 par Israël, mais par contre, cette dernière initiative semble aller trop loin.
Il est vrai que l'annexion a été interdite par la Charte des Nations unies en 1945, et que "l'inadmissibilité de l'acquisition de territoire par la force" a été à la base de la résolution 242 du Conseil de sécurité, qui est toujours en vigueur.
L'annexion exposera également de façon frappante le système d'apartheid qu'Israël applique dans les territoires palestiniens. Dans le passé, Israël a toujours réussi à camoufler ses crimes les plus flagrants par des manœuvres de relations publiques intelligentes, mais des violations aussi flagrantes du droit international ne peuvent être déguisées.
Elles exigent une réponse. Sans elle, l'Occident, les États arabes et les dirigeants palestiniens apparaîtront comme des mauviettes impuissantes. Dans une longue histoire de capitulation aux souhaits d'Israël, même eux redoutent de ne pas autoriser cette annexion, ne serait-ce que pour sauver la face.
Cela signifie-t-il qu'ils vont sanctionner Israël, comme cela s'est produit avec la Russie ? Sur la base des preuves passées, c'est peu probable, et Israël parviendra quand même à trouver une formule pour apaiser son opposition.
D'un autre côté, si Israël va de l'avant avec le plan d'annexion, cela pourrait ne pas être une mauvaise chose pour les Palestiniens. Cela signifiera la fin définitive de la solution à deux États, et laissera l'État unique actuel comme seule réalité.
Les Israéliens juifs et les Palestiniens qui vivent en Israël sont aujourd'hui inégaux. Mais avec l'augmentation du nombre de Palestiniens qui réclament une citoyenneté égale dans les zones annexées, comme le craint Daniel Pipes, ardent défenseur américain d'Israël, cela va changer.
Et la commémoration de la Nakba de ce mois-ci pourrait bien être la dernière.
(*) guillemets ajoutés par la traductrice.
Source : Palestine Responds
Traduction : MR pour ISM
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