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Palestine - 27 janvier 2008
Par Ghada Karmi
Ghada Karmi est l’auteur de Married to Another Man: Israel's dilemma in Palestine (ndt : Mariée à un autre homme : Le dilemme d’Israël en Palestine)
Avec l'effroyable bilan des victimes à Gaza, les attaques incessantes en Cisjordanie (dont l’assassinat du propre garde du corps de son négociateur en chef Ahmed Qoreï), et l’expansion évident de la colonisation israélienne, il faut se demander quelle atrocité israélienne fera changer de cap le président palestinien, si cela arrive un jour. Certes, la semaine dernière, il a soulevé avec ses collègues la possibilité de suspendre les négociations de paix avec Israël s’il persistait dans ses attaques, mais il n'a pas agi. Pourquoi ?
Le sort de Gaza aurait certainement dû suffire pour qu’il soit indigné, comme l’ont été d’innombrables personnes dans le monde entier.
Le pompon dans ce déploiement de meurtres a eu lieu le 15 janvier, lorsque des chars et des hélicoptères israéliens ont envahi le quartier Zaytoun à Gaza, tuant 19 personnes et blessant 50 autres en seulement 24 heures.
Le lendemain, l'armée israélienne a tué trois autres habitants de Gaza, et encore le lendemain, elle a bombardé le ministère de l'Intérieur de la Bande de Gaza, tuant une femme et blessant 46 autres personnes.
Beaucoup d'autres mourront au bout de cette semaine de coupures de courant dans 80% de la bande de Gaza.
Le nombre de morts dans la bande de Gaza a été en constante augmentation depuis des mois. En novembre dernier, 36 habitants de Gaza ont été tués. En décembre, ce chiffre est passé à 60, et au cours des deux premières semaines de janvier, 55 ont jusqu'à présent trouvé la mort.
La semaine dernière, Ehud Barak, le ministre israélien de la Défense, a annoncé la fermeture de tous les passages de la bande de Gaza, interrompant la pathétiquement faible quantité de vivres, de médicaments et autres produits de base qui entrait dans la Bande de Gaza.
Ce qui était déjà une crise humanitaire dans Gaza à la suite de l'élection du Hamas au pouvoir en 2006, risque désormais de devenir une véritable catastrophe. Toute une génération de dirigeants de la résistance de Gaza a déjà été anéantie par les assassinats ciblés israéliens.
Non découragé par la légalité ou les conséquences, le Premier Ministre israélien, Ehud Olmert, s'est engagé à augmenter les attaques jusqu'à ce que "les tirs de roquettes s'arrêtent», mais ce n'est pas l'objectif principal. Les actions d'Israël démontrent clairement qu'il cherche à détruire Gaza, économiquement et structurellement, et à anéantir tous ses moyens de résistance.
La Cisjordanie , le supposé domaine d’Abbas, n’a pas été, elle non plus, épargnée. L'armée israélienne y a envahi à plusieurs reprises des villes et des villages, kidnappant dans le processus des dizaines de Palestiniens et détruisant plusieurs hectares de terres cultivées.
Dans une de ces opérations à Naplouse, le 5 janvier, 23 personnes ont été enlevées, dont plusieurs membres du Fatah. Cela a suscité des reproches de la part du Premier Ministre, M. Salam Fayyad, mais cela n'a rien changé.
Pendant ce temps, Israël a annoncé qu'il allait construire 1.000 nouveaux logements pour agrandir la colonie de Har Homa qui étouffe actuellement Bethléem, et gonfler la colonie déjà hypertrophiée de Maale Adumim à Jérusalem-Est.
Une nouvelle colonie a poussé dans le quartier Ras d’Hébron, reliant Kiryat Arba et Tel Rumeida, les colonies les plus intolérables à supporter pour les Palestiniens. En outre, et en dépit des engagements israéliens inverses, des avant-postes, même illégaux au regard du droit israélien, prolifèrent toujours en Cisjordanie .
Compte tenu d’autant de preuves des mauvaises intentions des Israéliens, il est légitime de se demander pourquoi l'Autorité Palestinienne (AP) n'a pas mis fin à cette comédie, appelé à la fin de ce processus de paix mené dans ces conditions, refusé de diriger une autorité qui n'a ni pouvoir ni ressources, et dont la fonction principale, quelles que soient ce qu’imaginent ses membres, est de sauvegarder le projet sioniste.
Une conviction se répand de plus en plus dans certains milieux palestiniens, c’est que l'Autorité Palestinienne devrait mettre fin aux négociations avec Israël et transformer l’actuelle organisation, qui se plie aux diktats des Israéliens et de l'Occident, en un organe de direction d'un peuple sous occupation.
Il y aurait beaucoup de mérite à agir ainsi. Cela prendrait au mot Israël tout en sachant qu’il bluffe en faisant durer de façon interminable le processus de paix tout en consolidant sa mainmise sur la terre palestinienne, cela frustrerait les tentatives occidentales pour protéger Israël en donnant de pots-de-vin aux Palestiniens - à hauteur de 7 milliards de dollars - pour qu’ils se contentent d’une partie de leurs droits légitimes, et d'ailleurs cela contribuerait à améliorer l'image des dirigeants de l’Autorité Palestinienne, considérés largement maintenant comme des collaborateurs et des marionnettes de l'Occident.
Mais le plus important, c’est que cela rétablirait la réalité pour les Palestiniens qu'il n'y a pas d'Etat à venir, qu'ils sont un peuple occupé qui doit lutter par tous les moyens pour sa liberté. Et à cette fin, ils doivent mettre de côté l'inimitié et les factions intestines.
Cependant, rien de tout cela ne va arriver.
En dépit de l'échec manifeste du «processus de paix» à ce jour et l’augmentation des gains d’Israël des gains au détriment des Palestiniens, Mahmoud Abbas et ses collègues veulent poursuivre le processus. Même si Arafat était un cas à part, il a fait la même erreur à Oslo et défini le schéma de la stratégie palestinienne.
Ils considèrent tout simplement que les Palestiniens sont trop faibles pour imposer des conditions face à la puissance d’Israël, de l'Amérique et de l'Europe. Ils ne peuvent donc espérer récupérer quelque chose qu’en acquiesçant aux demandes de ces puissances, même au détriment des droits des Palestiniens - pour la théorie.
Abbas a ajouté ses propres ingrédients à ce mélange, en rejetant toutes les formes de résistance armée, estimant que la passivité palestinienne réussira mieux que la force. Une collaboration dans le domaine de la sécurité avec Israël (un euphémisme pour contrecarrer la résistance palestinienne), l'incapacité de défendre même des responsables de l'AP et des membres du Fatah contre les agressions israéliennes, une impuissance face aux violations par Israël de tous les accords, et la paralysie actuelle concernant les horreurs de Gaza qui se déroulent sont toutes des conséquences de cette stratégie.
Il est clair que la stratégie a échoué. Quelle que soit la collaboration, la passivité et l'obéissance à l'autre côté, rien n’a fonctionné. La situation palestinienne est bien pire aujourd'hui qu'en 1993, et une approche différente est nécessaire.
Les Palestiniens sont faibles, mais ils ont un atout majeur : le pouvoir de dire «non».
Imaginez maintenant s’ils refusaient de négocier avec Israël sur les modalités actuelles, démantelaient l’Autorité Palestinienne en tant que bouc émissaire et bouc émissaire de ce qu’est devenu l'occupation israélienne, et établissaient une direction de la résistance qui refuserait de coopérer tout pendant qu’elle est sous occupation.
Une telle initiative démolirait l’ensemble du concept conçu soigneusement par Israël et ses alliés, dont la base est l'acquiescement palestinien.
Le président Bush ne pourrait pas se sauver de l'ignominie totale ; Israël devrait faire face à une population palestinienne rebelle sans dirigeants pour faire son sale boulot, et l'Europe devrait affronter sa propre complicité ignoble avec l'occupation par le financement de celui-ci.
Par-dessus tout, les Palestiniens retrouveraient leur respect d'eux-mêmes et leur droit à résister, et leur cause réunirait une nouvelle fois le monde arabe contre ses ennemis. La peur d'un tel résultat, catastrophique pour Israël et ses alliés, est l'atout des Palestiniens, s'ils veulent bien l'utiliser.
Source : http://weekly.ahram.org.eg
Traduction : MG pour ISM
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