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Palestine occupée -

Les accusations fallacieuses d'Abbas

Par

Nicola Nasser est un éminent journaliste arabe basé à Birzeit, en Cisjordanie, dans les territoires palestiniens occupés par Israël. Article paru le 11 septembre 2014.

Le président Mahmoud Abbas, et le mouvement Fatah qu'il dirige, ont lancé une campagne médiatique contre le Hamas et la résistance. Si la pression de l'opinion publique palestinienne ne réussit pas à faire cesser la campagne, Abbas pourrait arriver à faire, d'un point de vue politique, ce que qu'Israël n'a pas réussi d'un point de vue militaire : obliger la présidence palestinienne à choisir "la paix avec Israël" sur la réconciliation nationale.

Les accusations fallacieuses d'Abbas

Il apparaît que le Président Abbas a, en effet, donné la priorité à "la paix avec Israël." Il a élaboré des plans pour une reprise des négociations, et il continue de tabler sur le soutien américain pour ces discussions. C'est la seule explication à la campagne médiatique actuelle anti-Hamas. Abbas a envoyé ses négociateurs - Saeb Erekat, Majed Faraj et Maen Erekat — à Washington, où ils ont rencontré le Secrétaire d'Etat US John Kerry mercredi de la semaine dernière. Le porte-parole du Département d'Etat US Jen Psaki a qualifié la rencontre de plus de deux heures de "constructive". Abbas s'est donc préparé à obtenir, pour ses plans, un mandat arabe qui semble lui être garanti d'avance, lors de la 142ème session de la conférence des ministres des Affaires étrangères arabes, qui se tient au Caire cette semaine.

Toutefois, Samantha Power, l'ambassadrice US aux Nations-Unies, a versé de l'eau froide sur la tentative d'Abbas d'obtenir le soutien US à son plan, qu'il a l'intention de présenter devant le Conseil de Sécurité et l'Assemblée générale de l'ONU. La proposition mettrait fin à l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de la Gaza d'ici trois ans, période au cours de laquelle, dans trois mois, des négociations reprendraient avec la puissance occupante sur les frontières de l'Etat palestinien.

"Nous ne pensons pas que des raccourcis ou des mesures unilatérales puissent être pris à l'ONU ou n'importe où ailleurs qui donneront le résultat que le peuple palestinien cherche le plus," a déclaré Power lors d'une conférence de presse la semaine dernière. Penser que vous pouvez venir à New-York pour obtenir ce qui doit être trouvé sur le terrain n'est pas réaliste."

Ce qui peut se traduire par un NON sans équivoque de la part des Etats-Unis. Le nouveau plan du président palestinien s'est heurté au même mur américain que celui auquel ont été confrontés les négociateurs palestiniens depuis que les négociations ont été adoptées comme approche stratégique. La route sioniste reste, pour ces négociateurs, la seule voie d'accès à la Maison Blanche et au Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

Il ne peut y avoir qu'une seule explication à ce plan : la réalisation d'une promesse palestinienne de ne pas opposer de résistance à l'occupation et d'offrir à la puissance occupante la possibilité d'accepter encore une autre série de négociations futiles ; des négociations qui donnent à Israël le temps qu'il lui faut pour transformer la colonie Givaot en une grande ville coloniale sur les 400 hectares de terre palestinienne dont il vient juste de s'emparer en la déclarant "terre d'Etat".

Le but de cette appropriation est de séparer les gouvernorats d'Hébron et de Bethléem sud, en Cisjordanie . C'est aussi un moyen de détourner la pression humanitaire internationale en réaction aux crimes de guerre israéliens à Gaza, de soustraire Israël à ses obligations vis-à-vis de l'accord de trêve avec la résistance à Gaza, et d'alimenter les tensions palestiniennes internes jusqu'à ce qu'elles se réenclenchent une fois de plus.

Ce ne furent ni le Hamas ni la résistance qui ont décrit le nouveau plan d'Abbas comme un "processus fallacieux". Ce furent des personnalités palestiniennes indépendantes qui ont exprimé leurs points de vue dans un communiqué lu par Mamdouh al-Akr, commissaire général de l'Organisation indépendante des Droits de l'Homme, le 2 septembre à Ramallah. Ils ont appelé à une réunion d'urgence de la direction unifiée de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), conformément à l'Accord du Caire de 2011, de sorte qu'elle puisse servir de cadre de référence aux exigences palestiniennes et prenne les décisions nationales essentielles.

Activer le cadre de la direction unifiée de l'OLP mettra l'appel du Président Abbas pour une "autorité palestinienne centrale unique", seulement habilitée à "décider des questions de guerre et de paix", dans son contexte national concret. Seul ce contexte peut conférer une légitimité à une direction palestinienne qui ne tire pas son autorité de la résistance à l'occupation sous toutes ses formes.

En outre, le manque actuel de "légitimité électorale" n'est plus suffisant en soi pour permettre que des décisions palestiniennes sur la guerre et la paix restent entre les mains d'une direction qui est le produit d'élections qui ont été tenues avec l'accord de la puissance occupante et dans le cadre d'accords signés avec elle.

La présidence palestinienne a laissé tomber l'option, disponible, de la résistance du lexique de sa stratégie de négociation, sans parler de l'option de la guerre, qui n'est pas disponible. L'Autorité palestinienne, en coordination avec l'appareil de sécurité de l'occupation, est devenu "l'intermédiaire sécuritaire de la puissance occupante, plutôt qu'un instrument pour mettre fin à l'occupation et établir l'Etat", comme l'écrit l'analyste palestinien Hani Al-Masri le 26 Août.

En conséquence, la puissance occupante détient seule les clés de la décision de la guerre, qu'elle ne cesse de réitérer, et de la décision de la paix, qu'elle refuse toujours de prendre.

Il semble que le Président Abbas travaille à contre-courant de l'opinion publique palestinienne, comme exprimé dans un récent sondage conduit par le Palestinian Centre for Policy and Survey Research (PCPSR) de Ramallah. Selon ce sondage, seuls 22 pour cent des sondés sont favorables à une reprise des négociations, alors que 53 pour cent ont dit qu'ils considéraient la résistance comme "la voie la plus efficace" pour paprvenir à la création d'un Etat palestinien.

Les résultats du sondage du PCPSR contredisent toutes les accusations portées par le Président et le Fatah contre la résistance et le Hamas. Parmi les personnes interrogées, 79 pour cent estiment que la résistance est sortie victorieuse de la dernière guerre, tandis que 86 pour cent sont favorables à l'utilisation défensive de roquettes.

Les sondés ont donné de très faibles scores à la performance du président palestinien, de l'Autorité palestinienne, du gouvernement d'union nationale et de l'OLP, tandis que le taux d'approbation du Hamas est de 88 pour cent.

En quoi consiste cette campagne médiatique contre le Hamas ? Elle va de l'accusation du Hamas d'avoir prolonger la guerre et des pertes conséquentes en vies humaines et en dégâts matériels, à l'adoption du récit israélien au sujet d'une "tentative de coup d'Etat" manigancé par le Hamas contre le président en Cisjordanie et l'existence d'un "gouvernement fantôme" à Gaza qui empêche le gouvernement d'union nationale de fonctionner.

Puis il y a les accusations de maintenir les membres du Fatah en "résidence surveillée", d'"ouvrir le feu sur des civils" et de "vendre l'aide d'urgence au marché noir." Et cerise sur le gâteau, l'accusation que le Hamas a violé "la loi qui définit les couleurs et les dimensions du drapeau."

Les instructions du président Abbas de créer un "comité de dialogue" avec le Hamas pour discuter du "sort du gouvernement d'union nationale", comme l'a annoncé Amin Maqboul, secrétaire du Conseil révolutionnaire du Fatah, n'encouragent guère à l'optimisme. Le gouvernement d'union nationale, la réconciliation nationale, l'accord du Caire de 2011, le cadre de direction unifiée qu'il prévoyait, et la réactivation de l'OLP, tout est à la croisée des chemins.

Et c'est à cause de la confrontation attisée par la campagne de dénigrement systématique que le président Abbas et le mouvement Fatah mènent contre le Hamas et la résistance. Cette campagne a créé un écran de fumée médiatique derrière lequel l'autorité d'occupation peut cacher ses atermoiements dans l'exécution de ses obligations découlant de l'accord de trêve, qui trouveront probablement un écho dans la procrastination israélienne sur la poursuite des pourparlers de trêve qui doivent avoir lieu au Caire.

Il convient également de souligner qu'accuser la résistance et le Hamas de prolonger la guerre revient à exonérer la puissance occupante de sa responsabilité. Les médias israéliens ont été prompts à capitaliser sur ce point, une preuve supplémentaire de la large couverture que la campagne a reçue.

En effet, le porte-parole du gouvernement israélien, Mark Regev, l'a pratiquement répétée mot pour mot quand il a dit que l'initiative égyptienne était sur la table depuis le 15 juillet et qu'alors que la Ligue arabe et Israël avaient approuvé l'initiative, le Hamas l'a refusée pour faire demi-tour et l'accepter une mois plus tard. "Si le Hamas avait accepté alors ce qu'il a accepté maintenant", il aurait été possible "d'éviter tout ce bain de sang", a-t-il dit.

Il est plus que probable que la commission d'enquête nommée par le Conseil des Droits de l'Homme citera les accusations du président pour étayer les revendications de la puissance occupante, car ces charges seront considérées comme "le témoignage d'un témoin de l'autre bord."

Abbas dit que tandis que le "bilan final" de la dernière guerre à Gaza est de 2140 morts, "si on ajoute les morts des guerres précédentes et ceux qui sont morts pendant la période du problème Shalit, le chiffre passe à 10,000 morts et blessés, en plus des 35.000 maisons qui ont été totalement ou partiellement détruites."

Quand Abbas dit que "il aurait été possible" d'éviter les pertes humaines et matérielles du récent conflit, il accuse de fait la résistance, pas l'occupation, pour la dernière guerre sur Gaza et les deux guerres depuis 2008 qui l'ont précédée.

Le spectre de la discorde plane encore une fois sur l'unité palestinienne, avec une opinion palestinienne divisée sur un programme de négociations contre un programme de résistance. C'est la brèche par laquelle les "axes" arabes et non-arabes s'infiltrent dans les affaires palestiniennes internes, approfondissant plutôt que réparant les clivages palestiniens.


Source : Al Ahram

Traduction : MR pour ISM

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