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Gaza -

Le mécanisme du nouveau siège de Gaza

Par

L’auteur est un éminent journaliste arabe basé à Bir Zeit, en Cisjordanie occupée. Cet article a été traduit de l’arabe et publié par Al-Ahram Weekly, dossier n° 932, 29 janvier – 4 février 2009.

La reconstruction de Gaza est devenue la dernière arme du siège. L’occupation israélienne, les Etats-Unis qui ont soutenu son offensive, et l’Union Européenne qui n’a rien fait pour l’arrêter, conspirent à transformer le processus de reconstruction en moyen de trouver un ‘partenaire de paix’ convenable, tandis que le sommet arabe au Koweït espère l’utiliser pour amener la réconciliation palestinienne.

Le mécanisme du nouveau siège de Gaza


Pendant ce temps, le gouvernement de l’Autorité Palestinienne (AP) exhorte toutes les parties à le considérer comme seul canal habilité à administrer le processus de construction, au motif qu’il est le gouvernement formé par l’Organisation de Libération de la Palestine, reconnue comme seul représentant légitime du peuple palestinien. Nous verrons bientôt le gel de la reconstruction devenir l’outil commun pour extirper à la résistance ce que trois semaines de guerre et le long blocus qui les a précédées a été incapable d’obtenir.

Israël, la puissance occupante, est déterminé à maintenir une poigne de fer sur le processus de reconstruction, et c’est la raison pour laquelle il maintient fermés les carrefours frontaliers après son cessez-le-feu « unilatéral ». C’est évidemment pour cela qu’il a déclaré le cessez-le-feu unilatéralement : il ne voulait être lié par aucun accord – l’initiative égyptienne ou aucun autre cadre – qui l’obligerait à lever l’embargo, même partiellement, pour faciliter la reconstruction. Tel Aviv a aussi cherché à obtenir des « garanties » des agences internationales telles que l’UNRWA.

Le 19 janvier, Reuters a rapporté que des diplomates occidentaux ont révélé qu’Israël a demandé aux Nations Unies et autres agences de lui soumettre la liste détaillée des biens, équipements et équipes qu’ils avaient l’intention d’envoyer à Gaza, que ce soit pour une aide d’urgence ou pour un processus de reconstruction à plus long terme. Selon ces sources, Israël envisage de contrôler étroitement ces démarches en insistant que ces diverses agences obtiennent son accord préalable pour chaque projet. Une des conditions pour obtenir cet accord sera que le projet ne bénéficie ni au Hamas ni à son gouvernement à Gaza. Le Premier ministre Ehud Olmert a nommé le Ministre des Affaires sociales, Isaac Herzog, coordinateur de la conduite de la reconstruction.

Les USA ne se contentent pas d’apporter leur soutien total à ce stratagème ; ils sont d’accord pour que le processus de reconstruction serve à aider l’AP à réaffirmer son autorité et son influence à Gaza. L’Union Européenne est tout aussi franche dans son approbation. La Commissaires aux Relations Extérieures de l’Union Européenne, Ferrero-Waldner, n’a pas caché que l’Union Européenne ne contribuerait pas à la reconstruction si Gaza ne présentait pas un partenaire de paix viable, et qu’elle ne verserait pas d’aide à un gouvernement conduit par le Hamas. Reuters a rapporté qu’un diplomate européen de haut rang avait dit que c’était « une recette pour l’échec ». « Soyons réalistes. Si l’AP doit être responsable, sa direction et ses institutions doivent exister sur le terrain. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, » a-t-il dit.

Il est évident qu’à Tel Aviv, Washington et Bruxelles, le rétablissement de l’autorité de l’AP sur Gaza est l’argument le plus fort pour brandir la reconstruction comme une épée de Damoclès sur Gaza, et pour la puissance occupante, cette condition est sa plus forte « garantie » de maintenir sa griffe sur cette épée.

La crainte maintenant est qu’Israël et les puissances internationales qui l’ont aidé à perpétuer son occupation depuis 1967 utilisent une façade palestinienne étayée par un soutien officiel arabe pour organiser à Gaza une redite de l’expérience irakienne au lendemain de la guerre de 1991, lorsque la reconstruction et le développement ont été perpétuellement différés pour affaiblir davantage le pays, en préparation du renversement du régime par l’invasion qui a eu lieu en 2003. C’est peut-être, ou ce n’est pas une coïncidence si l’invasion israélienne de Gaza s’est terminée presque à la même date que la guerre contre l’Irak a débuté, il y a 18 ans. Et ce n’est pas non plus de bon augure pour les lendemains d’un scénario de « changement de régime » à Gaza que l’infrastructure de l’Irak aujourd’hui, six ans après que le régime de Saddam ait été renversé, soit pire qu’elle était auparavant.

On retrouve la tentative de manigancer un tel scénario dans la demande du Président de l’AP Mahmoud Abbas au sommet arabe, la semaine dernière, que l’AP et ses institutions canalisent le processus de reconstruction, demande reprise par le Président de la Banque Mondiale Robert Zoellick, qui a rencontré Abbas en marge du sommet au Koweït. Le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon et les autres dirigeants occidentaux ont proposé de créer une commission internationale intérimaire pour surveiller le financement et l’organisation du travail de reconstruction. Cependant, Abbas et ses partisans ont rejeté un tel mécanisme au motif que « il présumait que la séparation entre Gaza et la Cisjordanie continuerait, » comme l’a déclaré le Premier ministre de l’AP Salam Fayyad, ajoutant que les donateurs internationaux qui désirent vivement reconstruire Gaza « risquaient d’approfondir la division palestinienne en ignorant le rôle de l’AP ».

La position de l’AP, si elle était suivie, condamnerait les promesses arabes faites au Koweït –comme toute promesse faite lors d’une possible conférence internationale sur la reconstruction de Gaza appelée par l’Egypte, l’AP et le président de l’UE- à rester en instance jusqu’à ce qu’un « partenaire de paix viable » obtienne un fauteuil stable à Gaza.

Bien que les participants au sommet de Koweït aient souligné la nécessité de reconstruire Gaza, en principe, ils n’ont pas réussi à parvenir à un accord sur le mécanisme. Des divergences entre dirigeants ont fait obstruction à une proposition de création d’un fonds pour la reconstruction, et la plupart des participants se sont arrangés à être d’accord pour conditionner la reconstruction à la réconciliation palestinienne, une tâche qu’ils ont confiée aux ministres arabes des affaires étrangères sans fixer ni une date ni un lieu pour une réunion ministérielle à ce sujet, nous laissant avec la question sur quand et comment les ministres arabes pourraient réussir là où leurs chefs d’Etat ont échoué.

Evidemment, cette procrastination au moyen de délégations donne à la promesse de reconstruire Gaza la valeur du papier sur lequel elle est écrite, et il est vraisemblable qu’elle subira le même sort que tant d’autres résolutions de sommet arabe oubliées.

Une de ces résolutions oubliées fut celle adoptée par le sommet arabe réuni en urgence au Caire, en octobre 2000, appelant à la création d’un fonds Al-Aqsa et Jérusalem pour la reconstruction de l’infrastructure palestinienne, en particulier dans les secteurs de la santé, l’éducation, l’agriculture et le logement.

Apparemment, les dirigeants arabes à Koweït ne souhaitaient pas rappeler que cette résolution n’a pas limité le versement des fonds au canal de l’AP mais l’a aussi fourni à d’autres canaux comme l’UNWRA, les Croissants Rouges égyptiens et qatari, l’Organisation philanthropique royale jordanienne, le Programme du Golfe arabique des Nations Unies et autres agences humanitaires régionales et internationales. Peut-être également n’ont-ils pas voulu rappeler que lorsque cette résolution a été prise, il n’y avait pas de « problème Hamas » derrière lequel se cachent ceux qui ne veulent pas vraiment reconstruire les territoires occupés, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie .

La raison sous-jacente pour laquelle le Fonds Al-Aqsa et Jérusalem n’a pas été adopté par le sommet de Koweït comme mécanisme pour la reconstruction de Gaza est que la mission humanitaire urgente a été politisée alors qu’elle devait rester au-dessus de la mêlée politique entre Palestiniens, Arabes, puissances étrangères et quiconque autre dont les voix sont assez puissantes pour couvrir les appels de ceux qui sont dans le besoin. Il n’y a rien à débattre quand il s’agit d’aide humanitaire.

L’offensive israélienne a détruit toute l’infrastructure civile du gouvernement à Gaza sous prétexte qu’elle servait de base au Hamas, alors qu’en fait, c’était une infrastructure de l’AP payée par les contribuables des pays donateurs. Des zones résidentielles entières ont été rasées, détruisant complètement 4.000 maisons et endommageant gravement 16.000 autres. 100.000 civils ont maintenant un besoin urgent d’abri, provisoirement hébergés dans une douzaine de refuges ouverts par l’UNWRA dans des écoles qui ont aussi été visées par les canons israéliens, et qui ont donc besoin elles aussi de réparations.

De plus, il faut remettre en valeur les terres agricoles ruinées par les bombardements, fournir de l’eau potable doit à un demi-million de Palestiniens, rétablir l’électricité pour à peu près le même nombre de personnes, et fournir une aide alimentaire d’urgence à environ 80% des habitants de Gaza (tous ces chiffres sont des estimations des Nations Unies).

Tout argument politique qui ajourne cette aide urgente est moralement scandaleux.

La liste israélienne de « matériaux interdits » même avant son offensive comprend des articles comme le fer, l’acier et le ciment, qui sont maintenant absolument vitaux pour la reconstruction. John Olmes, le commissaire pour les affaires humanitaires aux Nations Unies, a souligné cette vérité évidente lors d’une déclaration, mardi dernier, disant que si Israël refusait l’entrée de ces matériaux de construction, la reconstruction ne pouvait pas commencer. Comme il est évident qu’adopter l’AP comme unique canal pour le financement de la reconstruction signifie autoriser de fait la puissance occupante, qui a détruit Gaza, à en superviser la reconstruction.

Il ne faut pas s’attendre à ce que l’AP, qui est aux ordres d’Israël, gère de façon indépendante et efficace le processus de reconstruction par un contrôle à distance depuis Ramallah, et encore moins qu’elle verse des fonds pour des projets sans l’approbation préalable d’Israël. Souvenez-vous que le Président Abbas lui-même a invoqué la difficulté d’obtenir une permission de sortie d’Israël dans un bref délai comme raison de sa non participation au sommet de Doha sur Gaza, selon le Premier Ministre qatari et Ministre des Affaires étrangères Sheikh Hamed Ben Jasem Al Thani.

De même, il y a deux mois, le gouvernement d’Abbas à Ramallah n’a pu verser les salaires de quelques 70.000 fonctionnaires de l’AP dont on pense qu’ils sont payés à rester chez eux à cause de la scission palestinienne interne. Si, comme le répète le Premier Ministre en poste Fayyad à la moindre occasion, l’AP est dans l’incapacité de verser le budget alloué à Gaza, qui représente environ la moitié de son budget total, comment peut-on compter sur ce gouvernement pour verser les fonds qui ont été promis – ou qui seront promis – pour la reconstruction ?

Le Koweït, pour une fois, a agi correctement lorsque, au lieu d’attendre que le sommet arabe parvienne à un accord, il a versé 34 millions de dollars directement à l’UNWRA. De même, la Norvège a fait don de 20 millions de couronnes à des organisations capables d’atteindre les civils directement à Gaza, comme la Croix Rouge Internationale.

De tels exemples nobles confirment l’existence de canaux pratiques et sérieux pour satisfaire les besoins humanitaires urgents. Ceux-ci ne devraient pas être le jouet de la demande de l’arrivée d’un « partenaire de paix » palestinien à Gaza, contrairement au Ministre des Affaires étrangères de l’AP, Riyad Al-Maliki au Koweït, qui a insisté pour que tout soit coordonné avec l’AP, « dans tous les domaines », avant de démarrer le processus d’aide et de reconstruction.

Si on accepte cette exigence, c’est la garantie que le processus de reconstruction sera soumis aux desiderata de la puissance occupante et deviendra un autre moyen d’assiéger Gaza pour la mettre à genoux.

Source : Palestine Think Tank

Traduction : MR pour ISM

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