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Palestine occupée - 10 janvier 2019
Par Alaa Tartir
Le Dr Alaa Tartir est conseiller de programme pour Al-Shabaka, le Réseau pour la politique palestinienne, et chercheur associé au Centre sur les conflits, le développement et la consolidation de la paix de l'Institut de hautes études en développement et études internationales (IHEID) à Genève, en Suisse. Suivez-le sur Twitter @alaatartir et lisez ses publications sur www.alaatartir.com
09.01.2019 – L'agriculture est généralement perçue comme l'épine dorsale de la société et de l'économie palestiniennes, les agriculteurs étant considérés comme le dernier bastion de la résistance. Travailler la terre est vu comme une illustration de la détermination, car les agriculteurs continuent à préserver et à récupérer la terre, à renforcer leur autonomie et à défier la dépendance forcée et l'asymétrie économique. En substance, l’agriculture est un acte politique qui vise à défier l’oppression et à se libérer.
Un agriculteur palestinien récolte du blé près de la clôture entre Gaz et Israël le 19 avril (AFP)
En réalité, cependant, cette colonne vertébrale a été gravement abimée, sinon paralysée, par la persistance de l'occupation israélienne et par la politique néfaste de l'Autorité palestinienne (AP). Les fermiers palestiniens sont enchaînés à la fois par le colonialisme israélien et le néolibéralisme palestinien.
Vol des terres
En tant que puissance coloniale, Israël poursuit sa politique de confiscation de terres et d'annexion territoriale en développant les colonies de peuplement, en nourrissant la violence des colons, en volant les terres et les ressources naturelles, en imposant des stratégies de siège et de blocus et en contrôlant les exportations et les importations. Chacun est un élément d'une matrice de contrôle visant à coloniser les Palestiniens.
Au cours des dernières décennies, les autorités israéliennes ont déraciné plus de 2,5 millions d'arbres fruitiers et 800.000 oliviers palestiniens, soit l'équivalent de 33 « Center Parc » de New York.
Entretemps, les politiques de l'AP et le modèle de « développement » impulsé par les donateurs ont contribué à la détérioration du secteur agricole. Moins de 1% du budget de l'AP a été alloué au secteur assiégé. Cette terrible négligence a contribué à un processus généralisé de dé-développement qui a progressivement privé l'agriculture de son potentiel de transformation, tout en renforçant la domination et le contrôle territoriaux d'Israël.
Tandis que les implications de ce processus politiquement construit s'étendent au-delà de l'agriculture, ce secteur exprime clairement le problème. En adoptant essentiellement le mantra de « personnes riches, nation pauvre », l'Autorité palestinienne a inconsciemment répété les pratiques de l'occupation israélienne.
Perspectives sombres
Des indicateurs supplémentaires illustrent les sombres perspectives du secteur. L'agriculture contribue à peine au PIB palestinien, tandis que la main-d'œuvre agricole a considérablement diminué en pourcentage de la main-d'œuvre totale. Le rendement moyen par dunum (1.000 mètres carrés) représente la moitié de celui de la Jordanie et seulement 43% de celui d'Israël, bien que ces pays partagent un environnement naturel presque identique. Selon les Nations Unies, l'utilisation de l'eau par les Palestiniens pour l'agriculture est estimée à un dixième de celle d'Israël.
Seuls un ménage sur quatre en Cisjordanie et à Gaza est en situation de sécurité alimentaire, alors que plus de 70% des communautés situées entièrement ou principalement dans la zone C de la Cisjordanie occupée, sous contrôle israélien intégral, ne sont pas raccordées au réseau de distribution d’eau. Environ 95% de la principale source d'approvisionnement en eau de Gaza est impropre à la consommation sans traitement.
Un paysan palestinien debout aux côtés d'oliviers détruits au nord de Ramallah le 22 octobre (AFP)
La Banque mondiale a estimé la production supplémentaire potentielle directe d'un certain nombre de secteurs, y compris l'agriculture, à environ 2,2 milliards de dollars, soit 23% du PIB palestinien de 2011. Dans l'intervalle, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement a estimé que le secteur agricole palestinien fonctionnait actuellement à peut-être un quart de son potentiel.
Cependant, du point de vue israélien, cette dégradation se traduit par des avantages évidents pour l’économie et les colons israéliens. Pour le gouvernement israélien, l'agriculture est une arme offensive qui peut être utilisée pour nier les droits des Palestiniens. Une grande partie des produits agricoles cultivés par les colons israéliens dans les territoires palestiniens et syriens occupés sont exportés vers l'Europe.
Stratégie coloniale
Les déficiences fondamentales qui affectent le secteur agricole palestinien sont dues à la colonisation israélienne de la Palestine qui dure depuis plusieurs décennies. Ce processus de colonisation reposait sur la conquête de la terre palestinienne, qui visait à restreindre et à limiter un développement palestinien indépendant, à la fois politique et économique. Le dé-développement n'est pas un résultat malheureux ou fortuit, mais une stratégie coloniale délibérée et ciblée.
Loin de s’opposer ou de contester le pouvoir colonial, l'Autorité palestinienne a plutôt souvent servi de relais. Pris au piège entre le colonialisme israélien et le néolibéralisme palestinien, le secteur agricole palestinien est dans une double contrainte pernicieuse qui entrave son développement contemporain et futur.
Continuer dans ces circonstances, c'est faire acte de résistance : cultiver la Palestine, c'est cultiver pour la liberté.
Source : Middle East Eye
Traduction : MR pour ISM
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