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11 août 2014
Par Asa Winstanley
L'article original a été publié sur Al-Akhbar en anglais le 17 juillet 2014. Traduction : Dominique Muselet
Abby Martin, qui présente l’émission Breaking the Set sur le média russe Russia Today a parlé brièvement, la semaine dernière, du parti-pris médiatique sur la Palestine. C’était une très bonne chose, et cette partie de l’émission a abondamment circulé sur les réseaux sociaux ; il y en a même eu un exemplaire sous-titré en arabique.
Dans cet extrait, Abby Martin critiquait Josh Earnest, le secrétaire aux relations publiques de la Maison Blanche, pour avoir dit : "Nous soutenons le droit d’Israël à se défendre contre ces attaques [palestiniennes] brutales." Elle disait à juste titre qu’il "est important de ne pas présenter le conflit comme un cycle de violence où les deux partis seraient à égalité. L’un est le colonisateur oppresseur et l’autre le colonisé opprimé."
Elle a malheureusement ajouté ceci : "Je dénonce l’usage de la force meurtrière dans les deux camps" – une déclaration qui a de profondes implications car elle semble exiger des Palestiniens qu’ils renoncent à prendre les armes contre l’agression et l’ultra-violence israélienne.
Le rappeur étasunien Lupe Fiascon a critiqué Israël dans le passé et soutenu les droits des Palestiniens ; il est même fameux pour avoir brandi le drapeau palestinien dans un de ses concerts. Mais alors que l’agression israélienne faisait rage à Gaza, il a envoyé un tweet (il a deux millions de followers) condamnant "les deux camps" pour ce qu’il qualifiait de réaction disproportionnée en précisant plus tard qu’il faisait référence aux "roquettes du Hamas" palestinien.
Owen Jones, le célèbre chroniqueur de gauche, a rédigé un article assez populaire qui critiquait Israël en réaction à l’agression. Mais il a aussi critiqué la résistance palestinienne en disant que "les tirs du Hamas sur des secteurs civils étaient indéfendables" – reprenant la propagande israélienne comme un fait acquis.
Jones, comme tant d’autres journalistes, oublie de dire que le Hamas et les autres factions de la résistance, dans leurs déclarations, donnent régulièrement le nom des cibles militaires qu’ils visent. Comme le souligne souvent Jonathan Cook, un journaliste brillant qui vit à Nazareth, la censure militaire israélienne interdit de faire état des endroits précis où sont tombées les roquettes, ce qui fait qu’il est difficile de vérifier leurs dires.
Trop de ceux qui se considèrent pourtant comme des alliés de la Palestine disent ce genre de choses. Les militants et quelques journalistes critiquent bien Israël comme il faut et soutiennent les droits des Palestiniens, mais, trop souvent, ils rechignent à reconnaître que les Palestiniens ont le droit de lutter par les armes contre Israël, selon le droit international.
Au plan objectif, ce n’est pourtant pas discutable. De nombreuses résolutions de l’ONU reconnaissent que ce droit élémentaire des peuples occupés est inscrit dans le droit international ; il y a même une Résolution de l’Assemblée Générale de novembre 1974 qui "réaffirme la légitimité de la lutte des peuples pour se libérer d’une domination étrangère et coloniale, y compris par la lutte armée" (c’est moi qui souligne).
Même les officiels de l’Autorité Palestinienne, qui ne brillent pas par leur courage, admettent du bout des lèvres le droit à la résistance armée. Le week-end dernier, l’ambassadeur de l’AP à Londres, Manuel Hassassian, a dit, sur la BBC, que les roquettes du Hamas et des autres factions de la résistance étaient de la légitime défense et qu’il ne fallait pas arrêter d’en tirer tant que l’agression israélienne contre Gaza se poursuivait ; des propos qui contrastent avec les critiques de Mahmoud Abbas sur les roquettes.
S’il est exact que les factions de la Résistance doivent respecter les règles de la guerre comme les autres, ce n’est pas le rôle des Occidentaux d’appeler les Palestiniens à déposer les armes au moment où ils subissent une agression israélienne des plus violentes.
Que cela plaise ou non aux peuples d’Europe et d’Amérique du nord, il y a un très large consensus palestinien, en Palestine et dans la diaspora, en faveur de toutes les formes de résistance contre Israël, y compris la lutte armée.
Comment peut-on espérer une autre réaction du peuple palestinien devant la détermination israélienne de le détruire par les moyens les plus brutaux ? Du fait de l’infinie supériorité de la puissance militaire israélienne, on croit généralement que la résistance palestinienne est "inutile" et que leurs roquettes sont "dérisoires" et "pathétiques". Ce point de vue étroit révèle une profonde méconnaissance des dynamiques de la guérilla et de l’histoire récente de la région.
Le peuple palestinien sait très bien que le Sud Liban a été libéré en 2000 grâce à la lutte armée exclusivement : à moment donné, les forces militaires du Hezbollah pouvaient tout aussi bien être qualifiées de "dérisoires" et vaines contre Israël. Mais la Résistance a fini par gagner.
Pour Israël tous les Palestiniens sont des "terroristes" – c’est une généralisation raciste. Pour eux cela ne fait aucune différence que les roquettes touchent des bases de l’armée ou des espaces civils : tous ceux qui osent s’opposer à eux sont qualifiés de "terroristes." Quand, la semaine dernière, les commandos du Hamas ont attaqué avec une grande précision une base de l’armée israélienne d’où étaient lancées les attaques contre les civils de Gaza, ces combattants courageux ont encore été traités de "terroristes".
Des penseurs, des écrivains et des leaders palestiniens peuvent avoir des questions ou des critiques légitimes à formuler sur l’efficacité ou la moralité d’une forme ou d’une autre de résistance – mais laissons leur ce privilège.
En dehors de considérations stratégiques et tactiques particulières, dans leur lutte contre Israël, les Palestiniens ont toujours choisi et choisiront toujours la Résistance. Personne ne demande aux Occidentaux de prendre les armes et de rejoindre les factions palestiniennes à Gaza – qu’ils respectent seulement les droits et les choix du peuple palestinien : qu’ils cessent de condamner en bloc la lutte armée.
Source : Le Grand Soir
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