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Gaza - 23 novembre 2008
Par Ramzi Kysia
Ramzi Kysia est un écrivain et militant arabo-américain, et l'un des organisateurs du Free Gaza Movement. Pour en savoir plus, visitez www.FreeGaza.org. Il a fourni cet article au PalestineChronicle.com. (Cet article a été publié pour la première fois dans le Indypendent - www.indypendent.org.)
L'effondrement de l'économie de Gaza est un exemple de l'impérialisme à l'extrême: empêcher les matières premières d’entrer dans l'économie, affaiblir et détruire les industries par le biais de la violence militaire et le blocus, permettre seulement l'accès aux produits finis importés de l'extérieur (dans ce cas, des produits israéliens) et forcer la population locale et son gouvernement non coopératif à dépenser et à épuiser toutes les ressources et les réserves qu'ils avaient réussi à mettre de côté.
Le plus grand acte de résistance non-violente dans la bande de Gaza a été tout simplement de survivre
Dans un petit café dans la ville de Gaza, Amjad Shawa, le coordinateur pour le réseau des ONG palestiniennes (PNGO), boit une petite gorgée de café noir et rumine sur le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza. "Ce siège n'est pas une question de« sécurité» ou même contre le Hamas», dit-il. "Le but ultime d’Israël est de séparer la bande de Gaza de la Cisjordanie et de tuer le projet national palestinien."
La Bande de Gaza, une étroite plaine côtière de 40 km de long coincée entre Israël et l'Égypte, abrite 1,5 millions de Palestiniens. Malgré sa petite taille, la bande de Gaza résume, à bien des égards, l'essence de deux conflits les plus importants au monde : la montée de l'Islam politique et le recours par l'Occident à une punition collective et à une contrainte économique comme contrepoids brutal.
Depuis que le Hamas a remporté les élections parlementaires en Janvier 2006, Israël a soumis la bande de Gaza à un blocus de plus en plus dur. En Juin 2007, après que le Hamas ait vaincu les militants alignés sur le président palestinien Mahmoud Abbas et qu’il ait pris le contrôle par la force de la Bande de Gaza, Israël a renforcé le blocus en incluant tout sauf parfois des livraisons d’aide humanitaire. En conséquence, l'économie locale s’est effondrée, menant à forte augmentation du chômage, de la pauvreté et du taux de malnutrition infantile.
Alors qu’Abbas et le parti du Fatah gouverne encore la Cisjordanie avec le plein soutien d'Israël, le Hamas est confronté à un avenir incertain. Bien que les habitants de Gaza se soient mobilisées autour du gouvernement, il y a aussi une frustration croissante du public avec l'économie moribonde.
Rawya Shawa, un membre indépendant du Conseil Législatif Palestinien de la Bande de Gaza, décrit la Palestine comme étant dans les limbes politiques. "Quand vous êtes au pouvoir, ce n'est jamais le même que lorsque vous êtes à l'extérieur», dit-Shawa. "Soixante-dix pour cent de la bande de Gaza sont des réfugiés. Le Fatah a dirigé les Palestiniens pendant 45, 50 ans. Le Fatah a échoué. Ils n'ont rien apporté. Maintenant, le Hamas essaie. Il n'a pas encore réussi, alrs les gens attendent encore."
La montée du Hamas
Face au déclin du nationalisme panarabe, qui avait culminé au cours des années 1960 et 70 et à l'effondrement des Accords d'Oslo de 1993, le Hamas a trouvé un terrain fertile en Palestine, en combinant des projets de protection sociale, le traditionalisme religieux, l’anti-élitisme (le Premier ministre Ismail Haniyeh, vit encore dans la maison où il a grandi à Beach Camp, l'un des quartiers les plus pauvres de la Bande de Gaza) et une position dure envers Israël.
Bien que le Hamas observe actuellement un cessez-le-feu unilatéral, par le passé, sa branche militaire a envoyé des petites roquettes et des kamikazes en Israël, ce qui conduit à sa qualification de groupe terroriste par Israël et les États-Unis.
Peu d'habitants de Gaza d'accord avec cette description. Selon B'Tselem, un groupe israélien de défense des droits de l’homme, 955 mineurs palestiniens ont été tués par les forces de sécurité israéliennes, tandis que 123 mineurs israéliens ont été tués dans des attaques palestiniennes depuis le début de la deuxième Intifada en Septembre 2000.
Avec le blocus, 3500 sur les 3900 usines dans la bande de Gaza ont fermé, ce qui conduit à plus de 100.000 mises à pied dans le secteur privé. Le revenu par habitant dans la bande de Gaza est de moins de deux Euros par jour, et 80% des familles sont complètement dépendantes de l'aide alimentaire internationale.
Le siège a conduit à des pénuries massives qui se sont répercutées sur l'économie et la société. Les pénuries de carburant ont entrainé une augmentation du l'essence jusqu’à 10 Euros du litre au début de l'été, ce qui conduit à des coupures d'électricité prolongées.
Les hôpitaux, dépendant de générateurs fonctionnant au diesel, ont régulièrement subi des coupures de courant pendant près de 12 heures par jour. Incapable de faire fonctionner les pompes d'irrigation, les agriculteurs ont connu des pertes importantes de récoltes. La plupart des maisons ont l'eau courante pendant moins de six heures par jour, et près d'un tiers des foyers n'ont pas d'eau courante.
Sans électricité, les installations de traitement des eaux usées sont dans l'incapacité de travailler, et les eaux d'égout brutes sont déversées dans la Méditerranée - transformant la mer en toilettes. Plus de 15 milliards de litres d’eaux d'égout brutes ont été rejetées dans la Méditerranée seulement en 2008, tuant une grande partie de la vie marine dans les environs immédiats.
Par rapport à Décembre 2005, moins de 20% des fournitures nécessaires au commerce normal sont autorisés à entrer dans la bande de Gaza via Israël, et l'investissement étranger a chuté de plus de 95%, entraînant la Banque Mondiale et certains groupes des droits de l’homme israéliens à demander la fin du siège.
"Ce n'est pas une catastrophe naturelle», déclare John Ging, le directeur de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies dans la bande de Gaza. "C’est une catastrophe créée par l’homme par des politiques qui ne sont pas humaines."
Action directe
La population de Gaza n’attend pas la fin du siège pour faire face à la crise. En Janvier, des centaines de milliers d'habitants de Gaza ont afflué en Egypte quand le Hamas démoli un mur qu'Israël avait construit en 2003.
En Février, le Comité Populaire Contre le Siège a organisé une "chaîne humaine" composée de milliers d'habitants de Gaza qui s'étendait sur toute la longueur de la bande de Gaza.
"Mon téléphone sonnait toute la journée, car ils [les Israéliens] pensaient que nous allions prendre d'assaut la frontière», dit Sameh Habeeb, l’un des organisateurs de l'événement.
"Israël ne peut pas croire que des milliers d'Arabes peuvent protester pacifiquement. Quand il y a une résistance armée, Israël peut envoyer ses roquettes et ses F-16, mais ils ne savent pas comment répondre à la résistance civile. La non-violence rend fous les Israéliens. "
Le plus grand acte de résistance non-violente dans la bande de Gaza a été tout simplement de survivre. Certaines familles ont attrapé et élevé des lapins sauvages et des oiseaux pour compléter leur alimentation.
Un réseau de tunnels dangereux qui va en Egypte a fait plusieurs victimes, mais a également contribué à soulager les pénuries par la contrebande de marchandises. Au cours des dernières semaines, un pipeline souterrain d'essence a considérablement atténué la crise du carburant.
Des kits de transformation des automobiles, permettant aux voitures de fonctionner au gaz de cuisson, sont vendus environ 250 Euros. La pénurie de propane a conduit les familles à revenir aux poêles à bois pour la cuisine et, avec la rareté du béton, les habitants de Gaza sont revenus aux briques en terre pour la construction.
L'effondrement de l'économie de Gaza est un exemple de l'impérialisme à l'extrême: empêcher les matières premières d’entrer dans l'économie, affaiblir et détruire les industries par le biais de la violence militaire et le blocus, permettre seulement l'accès aux produits finis importés de l'extérieur (dans ce cas, des produits israéliens) et forcer la population locale et son gouvernement non coopératif à dépenser et à épuiser toutes les ressources et les réserves qu'ils avaient réussi à mettre de côté.
Lorsque le blocus de Gaza sera enfin levé, les gens d'ici auront du mal à s’en remettre, même avec une assistance humanitaire accrue.
Le directeur du PNGO, Amjad Shawa, souligne que le blocus fait totalement partie de la poursuite de l'occupation israélienne. "Gaza est toujours occupée, légalement et physiquement», a déclaré Shawa "et le siège fait tout simplement partie de cette agression. Nous n'avons pas besoin de plus d'aide. Ce dont nous avons besoin, c’est de mettre fin à l'occupation. "
Source : http://palestinechronicle.com/
Traduction : MG pour ISM
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Ramzi Kysia
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