Gaza - 25 janvier 2004

Les sans-abris se multiplient après les démolitions menées par l´armée israélienne

Par Ibrahim Barzac

La journaliste d´Associated Press Lara Sukhtian, à Jérusalem, a contribué à ce reportage

Les bulldozers de l´armée démolissent habituellement un groupe de maisons et pas seulement celle qui pourrait couvrir le tunnel. Les Palestiniens disent que le seul avertissement qu´ils reçoivent est le bruit nocturne des lourdes machines qui se dirigent avec fracas vers leurs maisons.

Une Palestinienne lève les mains pour tenter d’empêcher un bulldozer israélien de détruire les maisons à proximité de la frontière égyptienne, dans le camp de réfugiés de Rafah, au sud de Gaza.
KHALIL HAMRA - AP - mardi 20 janvier 2004, 16h15

Camp de réfugiés de Rafah - Bande de Gaza

La famille de Sami Hom, qui compte douze membres, vit dans une seule pièce depuis qu´Israël a rasé sa maison il y a trois mois et cet ouvrier palestinien craint désormais que les bulldozers frappent à nouveau.

Comme sa maison démolie, le nouvel abri minuscule de Hom, un ancien kiosque, se situe dans le périmètre des démolitions, une large zone tampon qu´Israël est en train de créer dans le camp de Rafah, selon les Palestiniens.

Les raids menés ces trois dernières années se sont soldés par 8 600 sans-abris soit près de 10% des 90 000 habitants du camp, selon des responsables locaux.

Les Palestiniens de la région disent que depuis le début des combats en septembre 2000, 869 maisons ont été rasées à Rafah et 629 ont été partiellement démolies.


Selon Israël, les incursions fréquentes de l´armée à Rafah, à la frontière de Gaza avec l´Egypte, ont pour but de mettre à jour des tunnels de contrebande, une source principale d´approvisionnement en armes pour les militants palestiniens depuis plus de trois ans de combats. Les militants cachent les issues des tunnels sous des maisons du camp et utilisent cyniquement des civils comme boucliers, selon des responsables militaires israéliens.


Israël contrôle la frontière en vertu d´accords de paix intérimaires israélo-palestiniens.


Cependant, Peter Hansen, un haut responsable chargé de l´aide aux Nations-Unies, a contesté les démolitions après une visite du camp dimanche.

«Quiconque a vu les conditions dans lesquelles ces gens sont poussés vers la misère et la tragédie se demandera : la sécurité est à quel prix ? » a déclaré Hansen, responsable de l´UNRWA, une agence de l´ONU qui aide les réfugiés palestiniens.

L´UNRWA a construit des abris pour ceux qui n´ont plus rien mais indique qu´elle n´aura pas les moyens de reloger tout le monde. Dimanche, Hansen a remis les clés de 37 maisons à 43 familles à Khan Younis, un camp près de Rafah. L´Autorité palestinienne a loué des appartements pour certains des déplacés tandis que d´autres devront déménager dans des tentes ou vivre chez des proches.


Les démolitions ont généralement visé les maisons situées le plus près d´une bande surveillée par des patrouilles israéliennes qui s´étend entre les bords du camp et la frontière égyptienne.


Les responsables palestiniens contestent l´affirmation israélienne selon laquelle les démolitions visent seulement les tunnels mais ils ne nient pas qu´il y ait un commerce illégal.

Le ministre du logement palestinien, Abdel Rahman Hamad déclare qu´Israël essaie d´accroître son contrôle sur les Palestiniens en isolant les centres de population.


Le Capitaine Jacob Dallal, un porte-parole de l´armée, a nié qu´Israël avait des intentions cachées concernant les incursions à Rafah. Dallal a affirmé que les troupes avaient démoli environ 80 tunnels ces deux dernières années mais que les militants continuaient à creuser - acharnés à garder ouverte la route des armes vers Gaza. "La seule chose que nous avons besoin de faire est de supprimer les tunnels", dit-il. "Nous n´avons aucune raison de créer une soi-disant zone tampon."


Cependant, les bulldozers de l´armée démolissent habituellement un groupe de maisons et pas seulement celle qui pourrait couvrir le tunnel. Les Palestiniens disent que le seul avertissement qu´ils reçoivent est le bruit nocturne des lourdes machines qui se dirigent avec fracas vers leurs maisons.


La semaine dernière, près de 400 habitants de Rafah sont devenus des sans-abris et une femme palestinienne qui se tenait devant sa maison a été tuée lors du raid de deux jours.


Homs, l´ouvrier vivant dans le vieux kiosque, supporte l´exiguïté de son logement depuis la destruction de sa maison en octobre. Le nouvel abri mesure 19 mètres carrés et loge Homs, sa femme et leurs dix enfants, du plus jeune (six mois) au plus âgé (17 ans). Ce dernier, Mohammed, est tétraplégique. Il a reçu une balle dans la tête lors des affrontements d´octobre 2000 avec les soldats.

Homs, 37 ans, dit qu´il craint que les bulldozers détruisent bientôt son abri car il est situé à moins de vingt mètres de la dernière rangée des maisons les plus proches de la frontière.


L´ouvrier au chômage, qui vit de rations alimentaires et d´allocations sociales de 120 dollars par mois, dit qu´il ne sait pas s´il aura la force de courir une fois de plus.

"Que ferais-je avec mon fils handicapé et mon bébé ?"

"Les Israéliens déclarent qu´il y a des tunnels. Je dis qu´il y en a, mais est-ce que cela signifie que les Israéliens doivent démolir toutes les maisons du quartier ?

Y a-t-il quoi que ce soit au monde qui justifie les conditions dans lesquelles je vis ?"

Source : AP

Traduction : Ibtissem Almi