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Liban - 16 mai 2008
Par Yves Bonnet
Extraits d’un entretien avec Yves Bonnet, ancien directeur de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire).
Tout le monde vise à imposer sa volonté aux Libanais, en premier, notre ministre Bernard Kouchner qui, à une époque, avait déclaré que l’armée libanaise devait détruire le camp de Nahr Al Bared. Je suis persuadé que, sans aucune ingérence étrangère, les Libanais auraient pu former un gouvernement d’unité nationale.
Pourquoi toute cette préoccupation internationale au Liban ?
Trois pays veulent s’ingérer au Liban, les États-Unis, l’Arabie Saoudite et Israël. Leurs intérêts convergent et la coopération américano saoudienne, via le club Welch, est forte au Liban. Les États-Unis souhaitent transformer le Liban en une base à partir de laquelle ils auront à faire pression sur la Syrie et le Hezbollah.
Que voulez-vous dire par club Welch ?
Il s’agit du groupe Geagea-Joumblatt-Hariri-Sanioura ; ce groupe est totalement sous les ordres de David Welch.
Pourquoi nommez-vous ce groupe « club Welch » ?
Regardez l’actuelle situation au Liban. La division est grande et une de ses conséquences, la faiblesse des chrétiens dans leur incapacité de choisir un président de la République, sans l’accord des États-Unis, d’Israël et de l’Arabie Saoudite. Lors de ma visite du Liban, j’ai été surpris de l’importance de cette division provoquée par l’ingérence étrangère.
Tout le monde vise à imposer sa volonté aux libanais, en premier, notre ministre Bernard Kouchner qui, à une époque, avait déclaré que l’armée libanaise devait détruire le camp de Nahr Al Bared. Je suis persuadé que, sans aucune ingérence étrangère, les libanais auraient pu former un gouvernement d’unité nationale.
Qui, d’après vous, a interdit la formation de ce gouvernement ?
Les États-Unis et Israël ; autrement, qui a intérêt à ce que ce gouvernement ne soit pas formé ? La division au Liban sert en priorité l’intérêt d’Israël. Lors de ma visite en août 2006, j’avais constaté que le Liban traversait une période que l’on pouvait qualifier d’unité nationale, ceci grâce aux positions de Michel Aoun et de Hassan Nasrallah.
A cette époque, Nasrallah avait été très intelligent en considérant la victoire du Hezbollah comme étant celle de tous les libanais ; simultanément, Aoun était resté fermement solidaire de la Résistance durant toute la période d’agression israélienne. Les États-Unis et Israël s’attèlent aujourd’hui à diviser les libanais selon la formule connue « diviser pour régner ».
Pourquoi l’armée libanaise mena le combat de Nahr Al Bared ?
Les États-unis exprimaient leur volonté de revenir militairement au Liban. Cependant, la partie Sud du pays étant sous l’influence du Hezbollah, la solution idéale était alors de s’infiltrer par la porte nord en réanimant l’ancien projet de construction d’une base militaire à cet endroit. D’où l’idée de quelques-uns aux États-Unis de provoquer des troubles au nord du pays pouvant ainsi fournir le prétexte à une présence militaire au Liban.
Sur ce sujet, il faut savoir que les groupuscules connus sous le nom de Fath Al Islam étaient soutenus financièrement par les Hariri, avec un salaire mensuel de sept cent dollars par individu. Il n’est pas nécessaire d’en débattre compte tenu de la véracité de cette information. Ainsi, l’armée libanaise tomba dans ce grand piège qui lui était tendue ; elle fut contrainte à s’engager dans un dur affrontement dont elle n’avait pas besoin.
Quand je vois Monsieur Kouchner se comporter comme un général d’armée et je l’entends appeler à la destruction de Nahr Al Bared, je devine l’importance de l’irresponsabilité avec laquelle ce sujet avait été traité.
Qui est derrière les attentats au Liban ?
Là se présente à nouveau la question de savoir : à qui profite ces crimes ? Peut-on alors accuser la Syrie ? Les syriens savent parfaitement que leur pays est la principale cible. Je crois que la Syrie est totalement étrangère à ces attentats.
D’après vous, qui a assassiné Wassam Eid ?
Cet assassinat est l’œuvre de ceux qui étaient proches de lui et qui travaillaient dans son entourage. Ici, l’essentiel n’est pas de connaître les exécutants de ce crime mais plutôt les commanditaires.
Pourquoi tous ces assassinats ?
A travers ces assassinats, le but recherché est le maintien de la crise et son aggravation. Ces attentats ne ciblent un individu que dans l’unique but d’aggraver cette crise. De là nous nous posons une question au sujet de l’assassinat de Pierre Gemayel et sur l’importance du dérangement que représentait cette personne. En vérité, le but de cet assassinat était la propagation du feu amorcé sur le fil conducteur de la crise.
D’après vous, pourquoi monsieur Geagea ressent-il tant de force et d’assurance ?
Une seule explication à cela : il est du côté de ceux qui exécutent ces crimes. Toujours à propos des ces assassinats, monsieur Joumblatt accuse le Hezbollah…..Il est certain pour tous que le Hezbollah n’a aucun lien avec tous ces crimes qui servent les intérêts de ses ennemis.
Vos déclarations se basent-ils sur des faits ou des analyses ?
Les deux à la fois. A propos de l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri les enquêteurs affirment qu’ils possèdent des preuves. Mais alors qu’ils les avancent. Pourquoi ne les annoncent-t-ils pas ?
A propos de l’entente Hezbollah/Courant Patriotique Libre, comment appréciez-vous cette entente ?
D’abord il faudra que l’on signale la modération et le calme qui caractérisent la personnalité de Hassan Nasrallah. A travers cette entente, Michel Aoun a agit en écartant tous les dangers d’une nouvelle guerre civile. Le Hezbollah est un fort garant aux chrétiens et à leur rôle important au Liban et au Moyen Orient. Si j’étais chrétien libanais, je me serais allié à Michel Aoun et aurais soutenu sa politique. Croyez-vous que les chrétiens au Liban, de surcroît minoritaires dans le monde arabe, pourraient vivre sous l’emprise salafiste ?
A propos de la politique de la France envers le Liban, comment appréciez-vous cette politique ?
Cette politique interpelle la désolation, ceci depuis le règne de Jacques Chirac qui confondait ses intérêts avec ceux de la France. Avec Nicolas Sarkozy, les considérations personnelles ne sont plus comme elles étaient du temps de Chirac ; cependant Sarkozy n’est pas Charles De Gaulle et est très proche des américains.
Quant au ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, il est l’homme des idéologies et agit en s’y référant. Dans la situation libanaise et dans la question iranienne, souvent il agit à partir de ses émotivités juives ; n’était-t-il pas un des rares qui avaient soutenu l’invasion de l’Iraq ?
Vous avez évoqué le caractère modéré du Hezbollah ; cependant les médias en France disent le contraire ?
Les médias en France tentent de faire croire et admettre que le Liban est divisé en deux parties : le groupe de la démocratie, c’est-à-dire celui au pouvoir et le groupe pro syrien, c’est-à-dire l’opposition.
Sur quoi vous vous basez pour croire que le groupe au pouvoir est plus démocratique que les autres ?
L’ironie est le fait qu’une bonne majorité des gens actuellement au pouvoir, s’était rassasiée depuis longtemps, tout en étant à table, hôte de syriens, et qu’aujourd’hui elle accuse Michel Aoun d’être proche de la Syrie. Enfin, le Hezbollah en 2008 n’est pas celui de 1985. Il est un mouvement de résistance à l’occupation, et son chef, Hassan Nasrallah, agit au Liban comme avait agit De Gaulle en France.
Avez-vous l’intention de visiter prochainement le Liban ?
Je visite souvent le Liban et mon plus grand souhait est de rencontrer un jour Hassan Nasrallah : cette divine personnalité mérite grand respect.
Source : Mecanopolis
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