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Cisjordanie - 29 avril 2014
Par Asad AbuKhalil
Article paru dans les pages "Angry Corner" d'Al-Akhbar le 28 avril 2014.
Il y a quelque chose de déplaisant dans la soudaine déclaration de Mahmoud Abbas, que l'Holocauste fut le crime "le plus odieux" contre l'humanité de l'ère moderne. L'annonce est suspecte non seulement à cause du moment choisi mais aussi à cause de sa formulation. Quiconque a entendu Abbas parler anglais sait parfaitement que "odieux" ne fait pas partie de son vocabulaire très pauvre. Bien sûr, la reconnaissance arabe de l'Holocauste et la compréhension de la souffrance juive dans l'histoire occidentale (dans laquelle les Arabes n'ont rien à voir), ne peut pas être considérée comme fâcheuse.
La connaissance de l'histoire et de ses faits est une obligation humaine mais on ne peut pas demander exclusivement aux Palestiniens d’égrener les faits de la souffrance juive alors que ce ne sont pas eux qui ont infligé des souffrances et des atrocités au peuple juif. Disons que le problème palestinien ne peut pas être résolu par la connaissance réciproque de l'histoire, mais par le changement des réalités politiques actuelles sur la terre de Palestine.
Le rabbin américain qui a officialisé l'annonce a fait cette remarque bizarre : ce fut à sa demande pressante que Abbas a fait l'annonce et pourtant, il a ajouté que son annonce était "sincère et authentique". Si l'annonce était authentique et sincère, pourquoi n'a-t-elle pas été faite sans incitation et comme initiative d'Abbas lui-même, et non à l'instigation du rabbin ?
Comme on le sait -ou comme c'est connu mais tu depuis le début de son rôle de laquais de l'occupation israélienne en Cisjordanie - Abbas est un antisémite notoire. Les sionistes semblent ne faire la paix et ne parvenir à des accords qu'avec des Arabes antisémites : de Sadat et ses fans (comme Anis Mansur et Ali Salim) à Abu Mazen et récemment à la maison des Saoud - le roi saoudien actuel exhibe fièrement sur son bureau personnel un poignard offert à son père par Adolph Hitler (ce fait m'a été rapporté par un ancien ambassadeur américain en Arabie Saoudite, qui a rencontré Abdullah fréquemment).
Le mouvement Fatah, comme les générations précédentes d'organisations politiques du mouvement national palestinien, a été fondé sur le principe d'opposition à l'antisémitisme. La littérature du Fatah (surtout avant l'islamisation du mouvement dans sa littérature) a soigneusement évité toute manifestation d'hostilité envers les juifs. Le mouvement n'a cependant pas développé -comme ce fut le cas du Front populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) et du Front démocratique pour la Libération de la Palestine (FDLP)- une idéologie d'hostilité contre l'antisémitisme. Le mouvement a construit un programme laïque pour la libération de la Palestine et dit à plusieurs reprises qu'il visait à la formation d'un Etat en Palestine qui serait fondé sur la coexistence entre Arabes et juifs. Abbas n'a jamais été preneur de ce postulat.
Comme on le sait, Abbas s'est pris pour un penseur et un érudit au point qu'il est devenu la risée du mouvement. Et quand il est allé passer son doctorat [d'histoire, ndt] à Moscou, il a exposé son point de vue et fut l'un des rares leaders du Fatah qui n'a pas hésité à afficher un scepticisme antisémite vis-à-vis de l'Holocauste. Il chicanait sur le nombre des victimes, comme tout antisémite le ferait. Très probablement, comme les autres arabes antisémites, il est tombé sur les travaux des antisémites occidentaux et les a intégrés à son travail et sa réflexion. Mais Abbas n'a pas été respecté en tant que penseur et érudit. Sa compréhension d'Israël l'a conduit très tôt à promouvoir l'idée que "nous pouvons faire la paix avec Israël parce qu'il finira par s'effondrer de l'intérieur" (c'est toujours son opinion en privé, mais il n'oserait jamais la partager avec des non-arabes).
Abbas n'a jamais montré aucune connaissance de l'histoire du sionisme (sa spécialité présumée) et dans son livre sur le processus d'Oslo, il impute la phrase "Une terre sans peuple pour un peuple sans terre" à Théodore Herzl (alors qu'elle a communément été attribuée à Israël Zangwill, bien que des variantes soient apparues plus tôt). Abbas a souvent essayé de convaincre Arafat que l'OLP pouvait, grâce à davantage de concessions, manipuler les résultats des élections israéliennes. Il est certainement toujours de cet avis étant donné son palmarès de concessions humiliantes à l'entité sioniste.
Abbas veut apaiser l'opinion publique israélienne, car il veut se faire pardonner le pêché de s'être réconcilié avec le Hamas. Il supplie maintenant le dirigeant israélien de revenir à la table des négociations, alors que les dirigeants israéliens continuent de l'attaquer et de l'accuser de collaborer avec les descendants d'Hitler à Gaza (il n'y a pas eu un seul dirigeant palestinien ou arabe à s'être levé contre Israël, par les discours ou par les armes, qui n'a pas été accusé d'être un clone d'Hitler par les dirigeants sionistes). Abbas cherche également à toucher les sionistes américains de peur de perdre sa seule base de soutien : le soutien financier des Etats-Unis et de l'Union européenne. Sans aide financière, Abbas n'a rien sur quoi s'appuyer.
Mais pourquoi Abbas vient-il juste de se réveiller à l'horreur de l'Holocauste ? Pourquoi n'a-t-il pas révélé avant son dégoût des atrocités nazies ? Et pourquoi en a-t-il fait l'annonce en anglais et à une délégation étrangère, à moins que son humanité ne sorte que lorsqu'il est en compagnie des Américains ? Abbas a essayé de faire oublier à l'Occident son passé antisémite. Il a récemment dit qu'il n'ergote plus sur le nombre des victimes de l'Holocauste parce qu'une fois, un visiteur israélien lui en a parlé. Est-ce ainsi qu'Abbas apprend l'histoire ? De bavardages avec des visiteurs israéliens et américains, alors qu'il se considère comme un savant et un penseur ?
Abbas est un homme politique cynique qui n'a aucun soutien populaire et s'appuie, pour sa survie politique (et même physique) sur le soutien financier et la protection militaire occidentaux. Abbas ne mentionne pas les autres victimes de l'Holocauste (comme les communistes, les handicapés, les Roms, parmi d'autres qui périrent également dans l'Holocauste). Abbas essaie de faire qu'Israël lui pardonne sa réconciliation avec le Hamas et il a toujours cru que la rhétorique politique et les déclarations hypocrites adressées à Israël renforceraient sa position, pas parmi son peuple mais parmi les membres du Congrès états-unien qui seul peut déterminer son destin. En décrivant l'Holocauste comme le "crime le plus odieux contre l'humanité", Abbas a dit à l'Occident et à Israël que l'occupation de la Palestine et le déracinement de sa population était le crime le plus beau contre l'humanité de l'histoire moderne. Une chose est claire : son peuple se souviendra d'Abbas comme l'une des personnalités les plus odieuses de toute l'histoire du mouvement national palestinien (et il devrait chercher le mot "odieux" pour en comprendre le sens).
Source : Al Akhbar
Traduction : MR pour ISM
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